Sébastien Lecornu a réussi à obtenir que des socialistes et une bonne partie des LR votent conjointement le budget de la sécurité sociale. Mais si la méthode tient du « en même temps », cher au président de la République, elle signe l’échec de sa démarche. Droite et gauche se dissocient clairement, et l’ex-famille présidentielle se renie.
Sébastien Lecornu n’est pas resté assister au vote en seconde lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l’Assemblée. Même si l’adoption du PLFSS est l’aboutissement de sa méthode et donc une victoire personnelle, il a compris que l’heure de l’autocélébration n’était pas venue.
D’abord parce que le point de départ de cette victoire est un renoncement douloureux pour le camp présidentiel. Il a fallu admettre que la réforme des retraites ne passait toujours pas. Sept ans après, les Français n’ont toujours pas compris ni accepté la réforme voulue par Emmanuel Macron. Sans ce reniement initial à l’un des fondamentaux de 2017, rien n’aurait été possible. Il a fallu ensuite faire comme si le désendettement pouvait attendre.
Pas de quoi pavoiser non plus parce que les grands vainqueurs de cette journée sont les opposants socialistes. Ils sont allés jusqu’au bout de leur pari. Le risque était réel. Si le texte avait été rejeté, le PS se serait effondré sur toute la ligne, face à LFI et face à tous ses alliés de gauche en vue des municipales. Au contraire, les socialistes ont osé et, finalement, les écologistes ont éprouvé la nécessité de leur emboîter le pas. Pour le prix de leur abstention, ils ont obligé le Premier ministre à une ultime concession : l’augmentation des dépenses de santé.
Si Sébastien Lecornu peut se targuer d’avoir obtenu en même temps des voix favorables des socialistes et d’une partie de LR, il signe l’implosion de la famille présidentielle.
Même si le noyau Ensemble pour la République et le MoDem a voté pour le texte, la plupart des députés Horizons ont validé la rupture revendiquée par Édouard Philippe en s’abstenant. Le maire du Havre ne rompt pas seulement avec Emmanuel Macron, il rompt avec le macronisme tout entier et il revient dans le camp de la droite et du centre. Certes, il n’est pas seul à prétendre incarner ce positionnement. Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau se disputent déjà ce leadership. Mais Édouard Philippe bénéficie de son ancienneté comme présidentiable de la droite et du centre et de la rivalité des deux LR au sommet d’un mouvement désorienté. Comme Édouard Philippe, Laurent Wauquiez prônait l’abstention, mais son groupe s’est divisé. 18 députés LR sur 39 ont décidé de clairement approuver le texte. Un vote ennuyeux pour le président du groupe LR à l’Assemblée mais encore plus embarrassant pour Bruno Retailleau. Juste après le vote, le président de LR disait « persister et signer » dans son rejet d’un texte « qui emmène la France dans le mur ». Visiblement, le sénateur LR n’a pas les mêmes retours du terrain que les députés LR.
Une nouvelle géographie politique est en train de se dessiner. D’un côté une gauche de protestation et une gauche de gouvernement. De l’autre une droite de gouvernement soumise à la tentation du centre ou de l’extrême droite. Les extrêmes restent figés sur leurs protestations. Quant au camp du milieu, porté par Sébastien Lecornu, l’un des derniers fidèles du président Macron, sa méthode est victorieuse, mais pas sa vision politique. S’il obtient le vote inespéré de la droite et de la gauche « en même temps », c’est au prix de la désagrégation du bilan économique présidentiel.
Marie-Eve Malouines
Editorialiste











