Pour Patrick Martin-Grenier, essayiste, enseignant en droit public et constitutionnel, on avait rarement vu cela dans la vie républicaine contemporaine. Affolés à l’idée de perdre leur poste de maire, de nombreux élus se sont précipités dans les bras du parti présidentiel La République en marche.
Une recentralisation du pouvoir politique national à l’Elysée
Un tel phénomène traduit un nouveau et grave malaise de nos institutions. Comment se fait-il qu’après avoir inventé un nouveau type de démocratie initiée par le bas, on en arrive deux ans après l’élection d’Emmanuel Macron à l’Elysée, à implorer la bénédiction du patron tout puissant pour éviter que le parti présidentiel envoie aux maires en fonction un candidat en face pour le démolir, puisqu’il s’agit bien de cela si l’on en croit une note interne du directeur de cabinet du président de l’Assemblée nationale publiée récemment sur les réseaux sociaux.
Alors qu’il a quitté le gouvernement dans un contexte mouvementé, Gérard Collomb maire de Lyon depuis 2001 qui, de façon unanime, a été un très bon maire et président de la métropole a lui-même estimé que c’est Emmanuel Macron qui allait décider qui soutenir ou qui faire chuter.
C’est à désespérer de notre République décentralisée.
Il y a plus de trente cinq ans, François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Deferre donnaient un nouveau visage à la France : celle d’un pays libéré de ses carcans, grâce à une loi du 2 mars 1982 intitulée « loi relative aux droits et libertés des communes départements et régions » qui fut la grande loi de décentralisation du double mandat de François Mitterrand.
La décentralisation s’essouffle
Ce souffle de liberté semble s’émousser depuis quelques années, notamment en raison des contraintes financières imposées par l’Etat aux collectivités locales, les dotations ayant baissé considérablement. Cela ne date pas d’Emmanuel Macron puisque la baisse des dotations ont débuté de façon sévère sous le gouvernement de Manuel Valls.
Mais ce qui est inquiétant aujourd’hui, c’est de voir ces maires qui, en quémandant au moins une neutralité bienveillante d’Emmanuel Macron, reviennent dans une posture infantilisante comme si nous étions revenus au Second empire où les maires étaient sous étroite surveillance du régime.
Dans un contexte de baisse considérable des dotations de l’Etat aux collectivités locales, beaucoup d’élus ont donc eu peur de subir encore plus les effets du courroux du parti présidentiel. Tétanisés, ces derniers ont donc recherché à tout pris à devenir « macron-compatible ».
Un maire doit s’assumer
Toutefois, ne serait-ce pas se tromper de combat ? On sait que le mandat de maire est le mandat le plus apprécié des usagers. La couleur politique importe peu au final. Si un maire a bien géré sa commune, qu’il soit de droite ou de gauche il n’y aura rien à redire. A Lyon par exemple, ville de droite pas excellence, une droite modérée issue du radicalisme d’Edouard Herriot, Gérard Collomb a pu exercer trois mandats parce que d’une part, il s’est coulé dans le moule de ses prédécesseurs (d’Édouard Herriot à Raymond Barre en passant par Michel Noir), mais aussi parce qu’il a été un excellent maire.
Quelle est la leçon de tout cela ? Les maires doivent garder leur sang-froid. Un bon maire, celui qui aura bien géré sa commune, aura eu des projets ambitieux tout en maîtrisant le budget de sa commune, n’aura pas eu d’ennuis judicaires, ne devrait rien craindre a priori. Ce ne sont pas les menaces du parti majoritaire qui devraient les faire plier.
Que LaRem veuille « envoyer » des listes et candidats si ce parti le souhaite, rien que de plus légitime.
Mais attendre la réponse venue du « château » est très inquiétant sur le plan de la vie démocratique.
Il faut en effet savoir une chose : si rassemblement il doit y avoir, cela se fera au second tour en fonction des résultats du premier. Dans l’attente, même en présence des grandes manœuvres, le conseil que l’on pourrait donner aux maires est le suivant « Vivez votre vie ! ».
Patrick Martin-Genier
Essayiste spécialiste des questions européennes et internationales
Enseignant en droit public à Sciences-Po
Administrateur de l’Association Jean Monnet