Pour la Revue Politique et Parlementaire, Pascal Drouhaud, spécialiste de l’Amérique latine, chercheur associé à l’Institut Choiseul et président de l’association Latfran analyse l’intense actualité latino-américaine.
En Amérique latine, l’année 2024 pourrait-être celle de toutes les ruptures :
- sur le plan politique, six élections vont se tenir. Elles concernent le Mexique, El Salvador, le Panama, la République dominicaine, l’Uruguay et le Venezuela. Si la diversité des situations nationales est de règle en Amérique latine, un thème prévaut désormais : la sécurité.
- sur le plan économique, tandis que les projections des organismes internationaux font apparaître une croissance ralentie aux alentours de 1.9 % (après 2.2 % en 2023) : la baisse des cours des matières premières, la hausse des taux d’intérêts, le coût des monnaies nationales, expliquent cette tendance. Pourtant, les premières économies nationales comme le Mexique ou le Brésil, résistent bien. Le Mexique est devenu le premier partenaire commercial des Etats-Unis tandis que le Brésil a renforcé le volume de ses exportations agricoles tout en maitrisant l’inflation.
- enfin, sur le plan international, l’Amérique latine est sortie d’une réserve qu’elle avait adoptée dans le cadre du conflit ukrainien depuis 2022. Volonté de s’affirmer dans un environnement sous tensions, rappeler des positions qui s’inspirent de réalités nationales, toujours est-il que la posture de l’Amérique latine est désormais marquée par l’existence de deux lignes : l’une est portée par le président brésilien, Inacio Lula da Silva1, très actif au sein des BRICS + et sensible aux positions d’un « Sud global » critique à l’égard des institutions régissant l’ordre international contemporain. L’autre est désormais incarnée par le président argentin, Javier Milei2, clairement pro-occidental. La présence du président ukrainien à son investiture le 10 décembre 2023, son soutien plein et entier à Israël, dans la guerre contre le Hamas à Gaza, illustrent une posture qui détonne sur le continent.Le Président Inacio Lula da Silva a été élu à la présidente de la République fédérative du Brésil, contre le président sortant, Jair Bolsonaro, le 29 Octobre 2022. Il a pris ses fonctions le 1er Janvier 2023
Les tensions politiques, la demande urgente de sécurité et d’un Etat fort sur les sujets régaliens, le découplage économique, l’émergence de deux positionnements sur la scène internationale font de l’année 2024, en Amérique latine, la période de tous les possibles.
Une année essentielle sur le plan électoral et institutionnel
Avec six pays convoqués à des élections présidentielles dans le courant de l’année, le visage politique du continent peut évoluer. Le Mexique, El Salvador, le Panama, le Venezuela, si un agenda et un accord national sont définis, l’Uruguay et la République dominicaine sont concernés. El Salvador est le premier concerné : le 4 février dernier, le 1er tour de l’élection présidentielle a rappelé la force politique portée par le président sortant, Nayib Bukele.
Elu en 2019 à la tête de son nouveau parti, « Nuevas Ideas », il est parvenu durant son premier quinquennat à rompre avec le bipartisme des anciennes forces que représentaient depuis 1989 le parti de droite Aréna et l’ancienne guérilla, transformée après les accords de paix de Chapultépec en 1992, un parti politique. En mettant l’accent sur une communication inédite, digitale, il est parvenu à fidéliser les nouvelles générations sur un programme visant à transformer à la fois l’image du pays, mais également le contrat social qui s’était construit dans l’après-guerre civile. En parvenant à démanteler les gangs, les fameuses « maras », en organisant à la fois l’appareil policier et judiciaire, Nayib Bukele a éradiqué l’insécurité. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : El Salvador était un des pays au monde avec le plus fort taux d’homicides en 2019 : 38 pour 100 000 (2 500 assassinats). Il était de 18.1 en 2021 (1 147 morts) et en 2023 de 7.8, le taux le plus bas de ces 40 dernières années.
Le Centre pénal contre le terrorisme, CECOT, a été construit. Il constitue la prison la plus importante des Amériques : 40 000 membres des gangs y sont incarcérés. Le CECOT vise à rompre les structures des gangs, les démanteler et casser les trafics qui les finançaient. La lutte contre la corruption est un autre pilier de l’action du Président. Les anciens présidents depuis 1999, Francisco Flores (1999-2004), Antonio Saca (2004-2009), Mauricio Funes (2009-2014), Salvador Sanchez Ceren (2014-2019),3 ont tous été concernés par des poursuites judiciaires, incarcération ou fuite à l’étranger. La désillusion démocratique a été à la hauteur des scandales, conduisant à une rupture en 2019, confirmée en 2024. La population est pour le moment, compte tenu des résultats, disposée à ce que l’Etat se renforce, au risque d’ouvrir un débat sur les libertés individuelles.
Un narratif politique accompagne cette action : pour le président nouvellement élu pour un second mandat, il s’agit de répondre à une guerre : en rappelant que la dernière décennie a connu plus de 41 000 homicides, il tente d’effacer la guerre civile des années 1980, qui avait d’autres origines dans un environnement international construit par la guerre froide. « Cette guerre contre les gangs » a porté des résultats inédits transformant sans nul doute, ce pays qui se projette désormais, non seulement comme une destination touristique, mais également comme un pôle attractif pour l’économie de services ou numérique.
Un « modèle » Bukele a surgi sur le continent depuis 2023 avec d’autant plus de facilité que le contre-exemple existe : l’Equateur. L’Etat est frontalement attaqué par les gangs liés au trafic de drogue et plus particulièrement, de cocaïne. L’assassinat, le 9 août 2023 de Fernando Villavicencio, candidat centriste à l’élection présidentielle, avait déjà alerté sur la situation sécuritaire de ce pays andin, devenu le point d’exportation d’un trafic régional. Les pays producteurs que sont la Colombie, le Pérou, la Bolivie, exportent désormais une partie de la cocaïne via l’Equateur.
Sa façade maritime offrant la présence de ports dont certains en eaux profondes, constitue un avantage. 30 % de la production colombienne est concernée. Elle était de 1 700 tonnes en 2022. Les ports d’Esmeraldas, de Manta, de La Libertad ou Guayaquil, sont notamment concernés. Avec eux, ce sont les départements et régions qui sont gangrénés par la puissance financière que procurent les retombées de ce trafic qui a été évalué pour l’année 2023 à 1 500 milliards de dollars.
Les départements d’Esmeraldas, de Manabi, de Guayas ; Santo domingo, Santa Elena, constituent désormais le front d’ « un conflit armé interne » dénoncé par le président Daniel Noboa4 le 8 janvier 2023 à la suite d’une vague de violences sans précédent. Etat d’urgence, déploiement des forces armées, l’arsenal sécuritaire est déployé pour lutter contre un ennemi qui continue à porter des coups. Le 17 janvier dernier, le procureur chargé de l’enquête sur l’attaque d’une chaine de télévision le 7 janvier précédent, a été assassiné à Guayaquil. L’Etat se réveille désormais : il cible les gangs dont les deux plus importants portent les noms de « Los Lobos » et « Los Choneros ». Le chef de ces derniers, Adolfo Macias, alias « Fito », s’était évadé de sa prison le 7 janvier dernier.
Crédits photos : Présidence de la République équatorienne sur Flick (domaine public).
Le Président Daniel Noboa en visite d’inspection avec la police
Analogie avec Pablo escobar, le chef du cartel de Medellin en Colombie dans les années 1980 jusqu’à sa mort à Medellin le 2 décembre 1993 ? A cette époque, les cartels de Medellin et de Cali, dirigés par les frères Miguel et Gilberto Rodriguez Orejuela affrontaient l’Etat colombien. Ministres, tel Rodrigo Lara, en charge de la justice, assassiné le 30 avril 1984, candidats présidentiels comme Luis Carlos Galan, tué lors d’un meeting public le 18 août 1989, des journalistes comme Guillermo Cano, directeur du journal El Espectador le 17 décembre 1986, juges, policiers, ont été les victimes de cette lutte.
Pablo Escobar était même parvenu à détruire le siège des services de renseignements intérieurs colombiens, le DAS, le 6 décembre 1989, ou détruire un avion en plein vol comme ce fût le cas avec le Boeing 727-21 de la compagnie colombienne le 27 novembre 1989. Les symboles de l’Etat étaient attaqués dans le but non seulement de créer un chaos, mais également de frapper l’opinion publique. La mobilisation de l’Etat, la coopération régionale et l’engagement des Etats-Unis avaient permis, après plusieurs années, de mettre un terme à cette violence provoquant la disparition de ces cartels. C’est le défi que vit actuellement l’Equateur : le front interne est bien défini, mais la dimension régionale du trafic oblige à une meilleure coordination.
La visite du général Laura Richardson, à la tête du « Southcom », le commandement sud « Amérique latine » des forces américaines, à Quito le 22 janvier dernier, montre que Washington est naturellement concerné par les évènements : l’aspect économique rappelle que les Etats-unis, au même titre que l’Europe, constituent un marché avec une dimension portant sur la sécurité nationale. La situation équatorienne a éclaté alors que les populations de nombreux pays d’Amérique latine exigent une sécurité au quotidien. Les thématiques portant sur l’immigration, les fractures sociales, l’efficacité de l’Etat, la lutte contre la corruption deviennent prioritaires et renvoient à un discours public de plus en plus tranché tant l’urgence se fait sentir. Les pays andins, l’Amérique centrale sont concernés. Mais l’exaspération se fait aussi sentir dans le champ économique : avec un programme de rupture avec le gouvernement d’Alberto Fernandez et Cristina Kirschner, Javier Milei 5 a été élu à la tête de l’Argentine en prônant l’intégrité de l’Etat et une efficacité économique portant notamment sur la politique monétaire et fiscale.
C’est dans ce contexte que le Mexique comptera sans doute, à l’issue de l’élection présidentielle du 2 juillet 2024, une femme comme Chef de l’Etat. L’ancienne maire de Mexico, Mme Claudia Sheinbaum, du parti du président sortant, Andrès Manuel Lopez Obrador6 sera opposée à Xochitl Galvez, à la tête d’un front d’opposition regroupant les partis PAN, PRI et PRD. Premier partenaire commercial des Etats-Unis, devant la Chine, le Mexique est la seconde économie du continent après le Brésil. Les cartels de Sinaloa ou de « Jalisco Nueva generacion » représentent là encore une menace contre l’autorité de l’Etat fédéral. La question des migrants venus d’Amérique centrale et du sud, se dirigeant à travers le pays, vers la frontière avec les Etats-Unis d’Amérique, met en exergue les difficultés sociales qui touchent l’Amérique latine : la pandémie de la Covid 19 a augmenté le nombre de personnes vivant dans des conditions de pauvreté. En 2022, 32 % de la population étaient concernés. 54 % des emplois proviennent du secteur informel. L’insécurité, l’instabilité institutionnelle comme ce fût le cas au Venezuela depuis 2018, ont alimenté ce phénomène qui place mécaniquement sous tensions plusieurs pays.
Le Panama est appelé à voter le 5 mai 2024. Il est pour sa part confronté à une crise de confiance politique, renforcée par une agitation sociale inédite, révélée en 2023 à travers les manifestations contre la signature d’un contrat de concession minière établi entre l’Etat et la société First quantum. Pour sa part, l’agenda électoral au Venezuela devrait établir la tenue d’élections « dans le courant du second semestre 2024 », selon les termes d’un premier accord dans le cadre du « processus de dialogue » de la Barbade, en octobre 2023. Depuis, l’inégibilité prononcée et confirmée contre plusieurs opposants parmi lesquels Maria Corina Machado, jette une ombre d’incertitude sur le rendez-vous électoral. Nicolas Maduro, président en exercice malgré la défiance d’une partie de la communauté internationale depuis sa réélection décriée de 2018, tente actuellement de réveiller un nationalisme vénézuélien après des années de crise économique et politique en tenant un coup de force contre le Guyana.
En s’engageant dans la revendication d’une partie du territoire du pays voisin, la région de l’Essequibo, riche en pétrole, Nicolas Maduro essaie de réveiller un sentiment nationaliste sur sa personne fau risque de faire courir le risque d’une instabilité régionale, pouvant créer une dissonance notamment avec le Brésil du président Lula da Silva sur une approche critique du système international actuel7.
L’Uruguay qui fait figure de bon élève en Amérique du sud, votera le 27 octobre 2024, tandis que la République dominicaine a fixé son rendez-vous électoral le 19 mai 2024.
Le président sortant, Luis Abinader affrontera notamment l’ancien président Leonel Fernandez, de Force populaire, et Miguel Vargas Maldonado du PRD. Cet agenda électoral illustre la diversité des situations nationales qui ont pourtant des points communs : la portée régionale des scrutins, l’émergence des problématiques liées à la sécurité publique et au fléau du trafic de drogue qui s’est renforcé depuis la pandémie de la Covid 19.
Les questions économiques et sécuritaires sont au centre des débats. Il est certain que la situation équatorienne démontre combien la stabilité en matière de sécurité est essentielle, conditionne l’attractivité du pays concerné.
Quel schéma économique dans un environnement international tendu ?
Les perspectives de la CEPAL pour 2024, font apparaître une tendance à un ralentissement de la croissance après une année 2023 marquée par un taux de 2.2 % et 4.1 % en 2022. L’inflation, les phénomènes climatiques comme l’ont rappelé les terribles incendies au Chili, dans la région de Valparaiso en février 2024, affectent les économies locales. Le Brésil et le Mexique restent les premières économies latino-américaines et tirent la croissance de l’ensemble. A eux deux, ils représentent 60 % du PIB du continent, avec des taux de croissance respectifs, en 2023 de 3 % et 3.18 %.
Chacun attirent des investissements étrangers nouveaux en mettant en œuvre des axes particuliers : réforme fiscale pour l’un, allègement de la dépendance des cours des matières premières pour l’autre. Cependant, le ralentissement de l’économie chinoise est à observer de près, tant ce pays est devenu un interlocuteur de premier plan sur le continent latino-américain. La Chine est le premier partenaire du Brésil, tout autant que dans la plupart des pays andins après avoir réussi à s’implanter en Amérique centrale, en Colombie, au Pérou, en Equateur, au Chili ou en Argentine.
C’est pourquoi l’année 2024 sera déterminante : l’exigence de s’investir dans le développement des marchés intérieurs, le développement des infrastructures et du secteur digital, constituent des priorités pour attirer des capitaux nouveaux. A ce titre, la visite de l’Emir du Qatar, en novembre 2023, à El Salvador après le Guyana, est une indication forte de cette recherche de diversification de partenaires et possibles investisseurs internationaux dans des domaines stratégiques : l’énergie, la mobilité, l’agro-industrie. Depuis la crise sanitaire des années 2020-2021, la logique nationale a prévalu aux dépens des coopérations régionales.
En Amérique centrale, le Système d’intégration centraméricain8 souffre de la crise politique du Nicaragua, de la crise institutionnelle qui a suivi les élections présidentielles de juillet-août 2023 au Guatémala. Avec El Salvador, ils représentent à eux la moitié du commerce régional qui souffre actuellement, d’u manque de cohérence politique.
En Amérique du Sud, les profondes différences de modèles économiques et politiques entre l’Argentine et le Brésil conduisent à s’interroger sur la cohésion du Mercosur9. Javier Milei se pose en défenseur d’un modèle occidental malmené par de nombreux pays du continent : la tentation du Sud global s’est étendue bien au delà des régimes vénézuéliens, cubains ou nicaraguayen. Les alternances politiques en Colombie (2022), Brésil (2022), après le Chili (2021) et le Honduras (2021) ont renforcé une approche alternative des relations internationales. Son influence se faisait sentir notamment sur le conflit ukrainien. Le Guatemala, le Costa Rica, le Paraguay et, depuis l’investiture de Javier Milei le 10 décembre dernier, l’Argentine ont marqué ouvertement leur soutien à l’Ukraine.
Lorsque la Générale Richarson a sollicité certains pays, tels le Pérou, disposant d’équipements militaires russes, un silence valant fin de non recevoir, a prévalu. Ce contexte explique les efforts de Washington visant à afficher ses bonnes relations avec plusieurs partenaires latino-américains.
Le 1er sommet de l’Alliance pour la prospérité économique des Amériques avait été organisé le 3 novembre 2023 à Washington. L’Amérique latine commençait à apparaitre de moins en moins comme « la dernière frontière de l’Occident »10 tant les diversifications de partenaires économiques a fait évoluer sa vision traditionnelle du monde. L’Iran est, par exemple, un partenaire du Venezuela, la Chine est le second investisseur après les Etats-Unis. Le président brésilien s’est imaginé en médiateur dans le courant de l’année 2023.
(Crédits photo El Diario de Hoy/Sommet de l’Alliance pour la prospérité économique des Amériques/ Maison Blanche/3 novembre 2023)
L’arrivée de Javier Milei à la « Casa Rosada », la présidence argentine, pourrait rebattre les cartes. Il affiche avec force ses positions proches de l’Occident. La présence du président ukrainien à l’investiture de son homologue argentin, le soutien entier du président Milei à Israël, constituent autant d’éléments de ruptures avec son prédécesseur mais également avec plusieurs pays : le Brésil, la Colombie, sans parler naturellement, du Venezuela, du Nicaragua ou de Cuba qui voient leur positionnement remis en cause par l’Argentine qui rappelle désormais, son ancrage dans « le camp occidental ».
Un exemple a été le « non » retentissant du nouveau président à l’entrée de l’Argentine. Le renforcement des BRICS participe de cette logique à laquelle Javier Milei a refusé de donner suite, l’Argentine étant initialement engagée à intégrer le groupe élargi depuis le début de l’année 2024 à l’Iran, l’Egypte l’Ethiopie, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis.
2024 pourrait voir ces deux fronts se renforcer. L’issue de ce combat dépendra en partie des résultats de l‘élection américaine mais également du déroulé des deux conflits en cours : sur le front européen, entre l’Ukraine et la Russie, au Proche et Moyen Orient, dans la guerre entre Israël et le Hamas. Dès les attaques du 7 octobre 2023, la majorité des pays latino-américains prenaient position, traduisant les lignes de fractures géopolitiques nées renvoyant notamment, aux identités nationales nées dans les guerres d’indépendance et les conflits internes de l’époque Est-Ouest.
L’année 2024 est déterminante pour l’Amérique latine. Sur le plan politique, les priorités nationales, face à l’urgence sécuritaire, visent à privilégier l’unité nationale. Celle-ci passe par la relance économique, le soutien à la consommation ou la définition d’un nouveau contrat social. Cette étape est essentielle après celle d’une désillusion démocratique qui a conduit, depuis plusieurs années, à des alternances parfois radicales.
Cette priorité nationale ne peut se faire au détriment des coopérations régionales qui ont pourtant toutes souffert d’une logique nationale enclenchée depuis la crise de la Covid 19. Cette reconstruction d’une unité nationale va avoir des conséquences sur le positionnement international du continent. « La tentation du Sud global » a été freinée à la fin de l’année 2023 par le président argentin, Javier Milei : non seulement, il invitait Volodymyr Zelensky, qui a fait le déplacement depuis Kiev, à son investiture à Buenos Aires, mais il a renouvelé son soutien à Israël. Il a refusé de surcroit, de voir son pays devenir membre des BRICS + 11 contrairement à la position de son prédécesseur Alberto Fernandez.
Ces positions marquent une rupture avec son prédécesseur, Alberto Fernandez, qui avait affirmé en février 2022, peu avant les hostilités en Ukraine, vouloir « faire de l’Argentine, la porte d’entrée de la Russie en Amérique latine ». Elles servent également à assumer un positionnement assumé et pro-occidental en Amérique latine laissant entrevoir une lutte idéologique avec notamment le Brésil de Lula da Silva sans compter le Venezuela de Nicolas Maduro ou la Colombie de Gustavo Petro.
Chercheur associé à l’Institut Choiseul
Président de l’association Latfran (www.latfran.fr)
Photo : Facundo Florit/Shutterstock.com
- Le Président Inacio Lula da Silva a été élu à la présidente de la République fédérative du Brésil, contre le président sortant, Jair Bolsonaro, le 29 Octobre 2022. Il a pris ses fonctions le 1er Janvier 2023. ↩
- Le Président Javier Milei a remporté les élections présidentielles le 19 Novembre 2023, contre le candidat du parti anciennement au pouvoir, Sergio Massa. Il a pris officiellement ses fonctions le 10 Décembre 2023. Son programme est d’inspiration libérale et avait mis l’accent pendant la campagne, sur la dollarisation de l’économie argentine. ↩
- En Juin 1989, Alfredo Cristiani, candidat du parti de droite Aréna, gagnait les élections présidentielles. Les accords de Chapultépec mettant fin à la guerre civile étaient signés le 16 Janvier 1992. Aréna remportait les élections de 1994 avec Armando Caldéron Sol, de 1999 avec Francisco Florès (poursuivi pour détournement de fonds publics, il décède en 2016) et 2004 avec Antonio Saca (poursuivi et condamné pour corruption, il est condamné à 10 ans de prison en 2018) qui fondera un nouveau parti, Gana. L’ancienne guérilla Front Farabundo Marti de Libération nationale (FMLN) accédait à la Présidence en 2009 avec Mauricio Funes (poursuivi pour détournement de fonds publics et condamné à 14 ans de prison pour entente avec les « maras »), il a fui au Nicaragua dont il a acquis la nationalité et en 2014 avec Salvador Sanchez Céren (il a acquis la nationalité nicaraguayenne après être poursuivi par la justice salvadorienne pour corruption). En 2019, Nayib Bukele est élu Président de la République, réélu le 4 Février 2023 avec près de 85% des suffrages. ↩
- Le nouveau Président équatorien, Daniel Noboa, élu le 15 Octobre 2023 a terme d’une campagne électorale arquée notamment par l’assassinat de Fernando Villavicencio, et en fonction depuis le 23 Novembre 2023, fait face à une recrudescence de la violence née du trafic de drogue. Il a déclaré « l’état de guerre interne » le 10 Janvier 2024. Sa priorité est de rétablir l’autorité d’un état attaqué par les bandes criminelles armées et comptant 20.000 hommes. ↩
- Javier Milei a remporté les élections présidentielles du 22 Octobre 2023 contre Sergio Massa, Ministre de l’économie sortant. Il a pris ses fonctions le 10 Décembre 2023. ↩
- Andres Manuel Lopez Obrador est Président des Etats-Unis mexicains depuis le 1er Décembre 2018. Il avait fondé le Mouvement de régénération nationale (MORENA) en 2012 après avoir été candidat aux élections présidentielles de 2006 (remportées par Felipe Caldéron (PAN) et 2012, gagnées par Enrique Pena Nieto (PRI) . Les élections de Juillet 2024 verront s’affronter la candidate du Front de l’opoosition est Xochitl Galvez. Sa principale adversaire est l’ancienne maire de Mexico, Claudia sheinbaum. La coalition s’appelle « Fuerza y corazon por Mexico » et rassemble les partis d’action nationale (PAN), Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) et le Parti révolutionnaire démocratique (PRD). ↩
- Pascal Drouhaud, « Amérique latine : la tentation du sud global » ; Revue Défense nationale, N° 865, Décembre 2023, p 120-123 ↩
- Le Système d’intégration centraméricain (SICA) a été crée le 1er Février 1993. Ses membres sont le Belize, le Guatémala, El Salvador, le Nicaragua, le Costa-rica, le Panama et la République dominicaine. ↩
- Le marché commun du sud / Mercosur a été crée le 26 Mars 1991. Il regroupe le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay. ↩
- Pascal Drouhaud ; « Amérique latine : la nouvelle frontière d’un occident sous tensions ? » ; Revue politique et parlementaire ; Mars 2022 ↩
- Les Brics + rassemblent plusieurs pays représentant 27% en valeur nominale du PIB mondial (G7/ 44%). Le Brésil, la Russie, l’Inde, la chine, l’Afrique du sud et, depuis le 1er Janvier 2024, l’Arabie saoudite, l’Egypte, Emirats arabes unis, Ethiopie et Iran. ↩