Démocratie : système politique, forme de gouvernement dans lequel la souveraineté émane du peuple. Telle est la traduction que donne le Larousse. Gouvernement, Souveraineté, Peuple : trois maître-mots élégamment bien tournés, ô combien sublimes. Mais n’en déplaise aux rédacteurs du Larousse, force est de constater que, au lendemain de cette dissolution qui entrera dans le livre des records à la rubrique « irresponsabilité politique », notre pays s’est réveillé avec une sorte d’arrière-goût amer dans la bouche. Car pour la définition du mot démocratie, on repassera : PAS de gouvernement, MEPRIS de la souveraineté et MOQUERIE du peuple. Pour dire les choses comme elles sont, la France depuis hier soir a le sentiment de fouler une terre meuble et turbide qui risque à très courte échéance de devenir de dangereux sables mouvants.
La France est malade. Depuis des années on ne compte plus les Diafoirus qui se sont penchés à son chevet. Pour les uns son hémisphère droit met en danger tout l’organisme, pour les autres c’est l’hémisphère gauche qui pose problème. En dissolvant l’Assemblée, le président a préféré opérer à chaud un corps social enfiévré au risque d’une septicémie politique. Il n’empêche. Le choc post-opératoire est de taille. Les Français sortent groggy d’une consultation à l’issue de laquelle le Premier ministre pourrait bien s’installer dans le provisoire ; autrement dit laisser pourrir la situation en pratiquant la politique de la terre brûlée.
La loi du « qui perd gagne »
De Gaulle en instaurant la Ve République entendait clairement rompre avec le régime des partis où tout se décidait loin des aspirations populaires. Si pendant 60 ans, la Constitution a tenu la barre y compris durant les années Mitterrand, c’est sans doute parce que les institutions relevaient précisément d’une légitimité populaire clairement définie par les urnes et dont la conséquence première était la validité du parti politique constitutionnellement amenée à gouverner ; autrement dit la cohabitation ne sortait pas de la norme constitutionnelle. La situation que nous connaissons aujourd’hui est fondamentalement différente. Alors que le Rassemblement National recueille sur son nom le plus grand nombre de voix, il n’obtient que 143 sièges. En revanche les 7 500 000 voix qui se sont portées sur le Nouveau Front Populaire ont permis l’élection de 182 députés.
L’une des raisons de cette étrange arithmétique électorale tient au fait que la plupart des circonscriptions ayant plébiscité le NFP sont en zones fortement urbanisées tandis que le Rassemblement National fait recette dans les zones plus rurales ou dans les villes de moyenne importance. C’était en tous les cas la leçon qui ressortait des résultats du premier tour mais que le second tour fort d’alliances parfaitement contre-nature n’a pas confirmé.
La République essoufflée placée sous démocratie artificielle
Tels ces pauvres hères qui n’ont que la peau sur les os, notre démocratie n’est plus que l’ombre d’elle-même à laquelle on serait tenté de donner les derniers sacrements tant elle se traîne péniblement d’une élection à l’autre. Car, la Ve République telle une emphysémateuse à qui on refuse toute administration de Ventoline, respire mal.
Très mal. Face à une Assemblée ingouvernable, le Président joue autant le rôle de trouble-fête que celui de maître des horloges dont aucune n’entend marquer la même heure. Cette situation qui ne peut que favoriser une ère d’immobilisme, rappelle une IVe République où les ministères valsaient plus qu’à leur tour. Nous ne sommes plus très loin de cette atmosphère délétère : aucune coalition en vue, aucune sortie possible et assurément une suite sans fin de motions de censure.
Ces dernières élections législatives anticipées, outre les brumes d’incertitudes dans lesquelles se délite la France nous ont appris que tout n’est plus qu’illusions. Que restera-t-il de la souveraineté populaire ? Rien dès lors que les partis passeront leur temps à se compromettre les uns les autres. Et comme toujours, les Français devront subir ce Régime de Juillet comme leurs ancêtres ont subit la Monarchie de Juillet.
Le temps des expressions en kit
La vérité gauche est orpheline. Face à elle, elle n’a plus le repoussoir Jean-Marie Le Pen en habit de père fouettard, ouvertement antisémite et raciste décomplexé ; bref, époque où on pouvait faire barrage pour l’honneur de la République. Seulement l’homme du haut de ses 95 ans ne fait plus peur à personne et comme l’imbécillité, elle aussi, a horreur du vide, et en vertu qu’on a toujours besoin d’un ennemi pour exister, le NFP a décrété que Marine Le Pen devait prendre « génétiquement » sa place.
Autre temps, autre mœurs. Aujourd’hui, la gauche républicaine est plombée par un Mélenchon sorte de Jean-Marie Le Pen de gauche, antisémite verbeux, islamo-gauchiste déterminé et raciste anti-blanc décomplexé, parfaitement prêt à rendre une vie infernale à un parti socialiste qui s’est déshonoré en collaborant avec ce nouveau Staline. Car, c’est à l’extrême-gauche que la République est menacée, cette extrême gauche aujourd’hui aux portes du pouvoir. Quant à l’extrême droite, elle existe, certes, en la personne d’Eric Zemmour. Mais je doute fort qu’elle menace la République tant le mouvement Reconquête! ressemble au Titanic, coulant corps et bien avec ses passagers et son capitaine.
Faire barrage à Mélenchon et ses acolytes : il était là le vrai slogan en faveur du front républicain.
Circulez, il n’y a plus rien à voir
Étrange impression que celle de ces législatives ! Le premier tour est un exemple de vie démocratique alors que le second est un misérable marché de dupes. Au premier tour les Français ont cru à la légitimité de leur bulletin, mais au second tour les politiciens ont sifflé la fin de la récréation, chacun s’époumonant plus que l’autre. Et dimanche à 20 heures, oubliant le degré zéro de la vie politique, jetant sous le tapis toutes les compromissions surtout les plus basses et faisant de feue la gauche républicaine le paillasson de Mélenchon, les Français devant leur télévision n’avaient plus qu’une chose à faire : se coucher pour aller travailler le lendemain.
Comment amener le citoyen à exercer pleinement ses choix sinon par la légitimité des urnes ? Entraver d’une façon ou d’une autre cette légitimité reviendrait à faire un coup d’État électoral. Or, force nous est de constater que tel fut le cas au soir du 7 juillet 2024.
Michel Dray