Après l’attaque terroriste du Hamas sur Israël qui a fait plus de mille trois cents morts, des hommes, des femmes, des enfants, les réactions internationales se sont évidemment multipliées depuis une semaine. Il ne pouvait en aller autrement. Comme l’a affirmé le président des Etats-Unis, Joe Biden, cette attaque terroriste est la première d’une telle ampleur depuis la Shoah. Les Etats-Unis ont affiché leur soutien à toute épreuve (« ironclad » selon l’expression anglaise) à ce pays. Le lendemain, le secrétaire d’Etat Antony Blinken, s’envolait pour Tel-Aviv pour y rencontrer le Premier ministre Benjamin Netanyahou. Je suis venu ici « en tant qu’officiel mais aussi en tant que juif », a affirmé le secrétaire d’Etat qui a ajouté, comme de nombreux pays occidentaux : « Israël a le droit de se défendre » ajoutant toutefois « mais la façon dont il le fait importe (matters) ».
L’Europe entièrement solidaire d’Israël
L’Occident et l’Europe ont emboîté le pas aux États-Unis d’autant que de nombreux Occidentaux, dont des Français, des Australiens, même des ressortissants thaïlandais sont morts sous les balles des terroristes du Hamas, des Gazaouis infiltrés ayant pris des otages pour les ramener dans la bande de Gaza. Après un « recensement » opéré lundi 16 octobre, ce sont au moins 199 ressortissants israéliens qui ont été enlevés, des chiffres étant même supérieurs à 200.
Face à une telle barbarie humaine, l’Occident ne pouvait réagir autrement. L’Europe s’est complètement engagée auprès d’Israël.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et la présidente du Parlement européen Roberta Metsola, se sont rendues sur place pour y rencontrer à la fois le Premier ministre et le chef de l’Etat, Isaac Herzog, pour manifester l’entier soutien de l’Union européenne. Cette visite était plus que symbolique : la présidente du Parlement européen représente les peuples européens. S’agissant de la présidente de la Commission européenne, même si certains commentateurs ont pu se poser la question de sa présence sur place car elle ne dispose pas de compétence en matière de politique étrangère, il convient de souligner qu’au terme de l’article 17 du traité sur l’Union européenne, certes à l’exception de la politique étrangère et de sécurité commune, elle « assure la représentation extérieure de l’Union ». En outre, le haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, actuellement Josep Borell Fontanelles, est ex officio, c’est-à-dire en raison de sa fonction, vice-président de la Commission européenne. La Commission et le Conseil des ministres des Affaires étrangères sont ainsi très liés dans l’exercice des missions de représentation de l’Union européenne à l’extérieur. En outre, c’est à la Commission qu’incombe la mise en œuvre des programmes financiers en matière d’aide internationale. Toutefois, sa visite en Israël a été très critiquée par le président du Conseil européen, Charles Michel, qui a toujours vu en Ursula von der Leyen une concurrente sur la scène internationale, comme l’avait déjà montré l’incident diplomatique lors de la visite des deux dirigeants en Turquie le 6 avril 2021 connu sous le nom de « sofa gate », Charles Michel ayant pris place dans le fauteuil au côté du chef de l’Etat Recep Tayyip Erdoğan, en reléguant la présidente de la Commission européenne vers un large fauteuil (le sofa). Il n’en demeure pas moins que dans la foulée de sa visite à Tel-Aviv, la présidente de la Commission a annoncé sa décision de tripler immédiatement son aide humanitaire en faveur de Gaza la portant à plus de 75 millions d’euros, ce qui constitue le signe important de l’influence du collège bruxellois en politique extérieure.
L’intervention remarquable du chancelier allemand Olaf Scholz
Les chefs d’Etat, de gouvernement et les ministres de tous les Etats européens se sont aussi manifestés dans un soutien sans faille. Le chancelier Olaf Scholz s’est exprimé la semaine dernière semaine lors d’une intervention remarquable devant le parlement allemand, le Bundestag où, réitérant le soutien inébranlable de son pays à Israël, il a affirmé : « la sécurité d’Israël est la raison d’Etat de l’Allemagne ». Il a également annoncé que son pays allait suspendre les concours financiers à l’Autorité palestinienne afin de s’assurer que plus un seul centime ne serait versé au Hamas. La ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock s’est aussi rendue en Israël. La ministre française des Affaires européens et étrangères Catherine Colonna est arrivée samedi en Israël où elle s’est entretenue avec les plus hautes autorités de l’Etat, et a rencontré les familles des Français portés disparus. Enfin, lors de son intervention télévisée mardi 10 octobre, le président français Emmanuel Macron a aussi assuré Israël d’un soutien sans faille à ce pays réitérant son droit à se défendre « par des actions ciblées » tout en « préservant les populations civiles ».
Des réactions très contrastées dans les sociétés européennes
Mais l’attaque terroriste du Hamas sur Israël a aussi provoqué une vague de fond très contrastée parmi les populations et les sociétés civiles en Europe. Si les manifestations en faveur de Gaza et/ou des Palestiniens de façon plus générale, ont été interdites en France, dans d’autres pays au nom de la liberté d’expression, elles ont été autorisées. A cette occasion des slogans haineux et dirigés contre Israël ont été entendus. A Londres, un manifestant en faveur d’Israël a été pris à parti et aurait pu être lynché si la police n’était pas intervenue. Les actes antisémites se sont multipliés en Europe. Aux Etats-Unis, en plein cœur de l’université de New-York, de nombreux étudiants ont manifesté avec des slogans hostiles à Israël, la présidente de l’université faisant valoir que si de tels slogans étaient condamnables, elle ne pouvait interdire les manifestations, toujours au nom de cette liberté d’expression protégée par le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis.
Les gouvernements européens doivent faire face à une véritable fracture de leurs sociétés sur cette question, en raison de l’importance de la population musulmane laquelle fort heureusement ne rejoint pas majoritairement les mots d’ordre du Hamas, mais qui n’en considère pas moins que le sort réservé aux Palestiniens depuis plus de 50 ans relève d’une injustice.
Ils se sont ainsi insurgés contre les actions militaires entreprises par Israël contre le territoire de Gaza sans pourtant se rendre compte qu’en aucun cas, l’action du Hamas ne pouvait être regardée comme une action de résistance. Mahmoud Abbas, tardivement, a fini par faire savoir par le canal de l’Agence palestinienne de presse et d’information, que « le Hamas ne représente pas le peuple palestinien », non sans une forte pression des Etats-Unis mais aussi sans doute d’autres pays, notamment dans le Proche-Orient.
Les gouvernements sont aujourd’hui confrontés à un risque terroriste très élevé comme l’a montré l’assassinat du professeur de lettres Dominique Bernard, au lycée d’Arras vendredi 13 octobre 2023. Ce drame rappelle l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre 2020, il y a trois ans, dans un collège de Conflans-Sainte-Honorine.
Des manifestations de liesse et de joie dans le Proche-Orient
Mais il y a pire. Les manifestations de liesse en faveur du Hamas et de la libération de Gaza ont été organisées dans le Proche-Orient et les pays arabes, notamment en Irak, en Iran, au Liban et en Jordanie.
L’Iran, toujours plus menaçante, a fait savoir par une intervention à la fois publique à l’ONU et par des canaux privés que ce pays ne resterait pas sans réagir si les forces israéliennes intervenaient à Gaza.
Le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amirabdollahian a, samedi 14 octobre, rencontré le chef du bureau politique du Hamas Ismaël Haniyeh, après avoir aussi la semaine dernière, rencontré le chef de l’organisation terroriste du Hezbollah à Beyrouth Nissan Nasrallah. L’Iran constitue incontestablement un soutien actif du Hamas, même si ce pays a démenti avoir contribué à l’attaque terroriste sur Israël qui a fait, rappelons-le, 1 300 morts. Mais, le porte-parole de l’armée israélienne a affirmé, lundi 16 octobre, que l’Iran avait donné son aval au Hezbollah pour des missiles tirés depuis le sud du Liban, conduisant l’armée israélienne à demander aux habitants d’évacuer la zone située à la bordure de la frontière avec le Liban sur un largeur de deux kilomètres.
Quant à l’Arabie Saoudite, ce pays a annoncé pour l’heure la suspension de sa politique de normalisation avec Israël, alors qu’il avait manifesté sa volonté de ne plus soutenir le Hamas et donc toute forme de terrorisme, incitant le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, à rencontrer le chef de l’Etat de facto Mohammed ben Salmane pour tenter de contrôler la situation sur le plan diplomatique.
L’isolement de Mahmoud Abbas
S’agissant enfin de Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité palestinienne, ce dernier non seulement est complètement dépassé par la situation, mais porte une responsabilité particulière dans ces évènements et dans l’échec des accords d’Oslo dont on a commémoré le trentième anniversaire au mois de septembre 2023. Depuis 2006, de crainte de se voir dépassé par le Hamas, aucune élection au conseil législatif palestinien n’a eu lieu. Il n’a pas su non plus contrôler les flux financiers reçus sur le plan international, dont une partie a été pendant des années détournée vers le Hamas, outre un système généralisé de corruption.
La situation est donc très sombre pour les Palestiniens. Certes, quelques voix se sont faites entendre au cours de cette semaine dramatique pour qu’une paix durable s’installe et pour maintenir coûte que coûte la solution à deux Etats, comme l’a encore réaffirmé l’Arabie Saoudite, comme plusieurs pays occidentaux et européens. Mais, pour l’heure, cette perspective est mise entre parenthèse. Un haut responsable militaire israélien a déclaré que l’intervention de l’armée à Gaza allait changer cette région pour les cinquante ans à venir.
La solution à deux Etats, seule issue pour une paix durable, s’éloigne de plus en plus.
Un terrain d’affrontement des grandes puissances
Les grandes puissances ne sont pas restées sans agir. Le secrétaire d’Etat Antony Blinken a multiplié les déplacements dans la région afin de permettre l’ouverture de la frontière avec l’Égypte au poste frontière de Rafah, ce qui pourrait intervenir malgré les réserves du gouvernement égyptien qui considère qu’il s’agit d’une question de sécurité nationale. Le président Abdel Fattah al-Sissi redoute en effet de se retrouver sur son territoire avec des terroristes infiltrés du Hamas d’une part et, d’autre part, de devoir gérer pendant des années un camp de réfugiés palestiniens dans le Sinaï. Le secrétaire d’Etat a également fait pression pour qu’Israël reprenne la fourniture en eau de la population civile, à tout le moins dans le sud de Gaza. Le président américain Joe Biden a enfin fait connaître sa position sur le sort de Gaza dont « l’occupation serait une grave erreur ».
Les autres grandes puissances ont également fait entendre leur voix. Tant la Russie que la Chine ont insisté sur le droit des Palestiniens de disposer d’un Etat indépendant en mettant en cause la position de l’Occident. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov était en début de semaine à Pékin pour célébrer les dix ans de l’initiative chinoise de « la soie et de la ceinture » en présence de 130 pays, mais aussi afin de préparer la visite que doit y faire Vladimir Poutine dans les prochains mois. Cette rencontre a montré la convergence de vue des deux pays sur le conflit israélo-palestinien.
Le Proche-Orient devient le terrain de l’affrontement des grandes puissances, la Russie et la Chine y voyant l’opportunité d’une nouvelle opposition avec les Etats-Unis, l’Europe et l’Occident de façon générale.
L’Inde, enfin, joue un rôle qui pourrait être qualifié de solitaire en pratiquant ce que l’on pourrait appeler la diplomatie de triangulation consistant à parler, mais de façon séparée, avec Israël, l’Iran et le monde arabe de façon générale. Ce pays a en effet, au cours de ces dernières années, construit des relations solides avec des pays importants tels que les Emirats arabes unis et l’Arabie Saoudite, qu’elle n’a pas l’intention de remettre en cause, ce qui l’oblige tant pour des raisons géostratégiques qu’économiques et énergétiques à développer une diplomatie prudente et équilibrée.
Le ministre chinois des Affaires étrangères a estimé, quant à lui, que la riposte d’Israël dans la bande de Gaza « excédait les limites de la légitime défense » et qu’il convenait d’ « arrêter la punition collective infligée au peuple de Gaza ». Historiquement, la Chine a toujours soutenu la cause palestinienne.
La terrible attaque terroriste du Hamas sur Israël et la riposte d’Israël ouvrent un nouveau chapitre des relations conflictuelles entre les grandes puissances, qui a connu une accélération avec les évènements dramatiques que vient de connaître Israël. Ce n’est sans doute que le début d’un monde multipolaire où chacune des grandes puissances veut jouer sa partition.
Patrick Martin-Genier