Helmut Kohl disait “Rappelons-nous qu’ils ne s’agit pas, en fin de compte, de créer l’Europe unie des gouvernements, mais l’Europe des citoyens […] Ce sont ceux-là que nous voulons gagner à la cause européenne”. Avec le Brexit, les citoyens britanniques ont rappelé qu’ils disposaient d’un libre arbitre démocratique et que l’Europe avait, en partie, perdue de sa clarté. Qu’elle n’était plus vraiment ce phare qui nous guidait depuis tant d’années.
Les 10 dernières années nous ont cependant montré la force de résilience des économies et leurs capacités de rebond en temps de crise. Depuis la crise des subprimes, en 2007, en passant par l’écroulement de la banque Lehman Brothers, puis par les tensions sur dettes des Etats et autres crises de l’Euro, rien n’a semblé pouvoir détruire ce que nos parents ont mis tant de temps à bâtir pour nous assurer un avenir qui soit le plus stable possible dans ce monde post-seconde guerre mondiale et pour que plus jamais l’apocalypse et la folie ne soient envisageables.
Avec le Brexit, une nouvelle fois l’incertitude en notre avenir et les tensions inhérentes à cet état se ravivent.
Une nouvelle fois, nous semblons au bord du chaos et face à un mur toujours plus haut et de plus en plus dur à franchir ou contourner. Une nouvelle fois une déflagration s’est produite. Il est impossible d’en évaluer à court terme toutes les conséquences car personne ne connait les conditions de la négociation à venir ni la position que prendront les parties.
Depuis quelques jours, ce qui prédomine, dans cette décision du Brexit du peuple britannique, c’est l’incertitude totale face aux conséquences de la sortie de l’Europe du Royaume Uni. Cette incertitude sur l’unité de ce royaume que l’Ecosse ou l’Irlande pourraient quitter. Cette incertitude sur la voie à prendre pour sortir de l’ornière est terrible et ravage nos pensées d’européens convaincus. Cette incertitude entraîne dans un abîme d’une complexité infinie qui empêche de se projeter vers cet horizon qui ne sera peut-être plus commun.
Pas plus de l’autre côté de la Manche que sur le vieux continent, les dirigeants ne donnent l’impression d’imaginer une voie claire sur les conséquences de ce nouvel état de l’Europe. Les peuples espèrent qu’un sursaut permettra à tous les pays de sortir de cette impasse avec le moins de dommages collatéraux possibles.
Las, personne ne semble vraiment avoir imaginé ce Brexit et surtout ses conséquences ! Partout des voies commencent à s’élever pour qu’une marche arrière soit possible et éviter ainsi une nouvelle catastrophe économique. Imaginer que même Londres puisse faire sécession du reste de son empire était totalement inenvisageable jusqu’à présent et montre l’impact que pourrait avoir ce vote sur tous les équilibres que nous connaissons. Imaginer que la capitale de l’empire britannique devienne une sorte d’îlot isolé permettant d’assurer un lien financier avec le vieux continent aurait pu sembler irréel avant le vote et pourtant … depuis … l’idée a été émise … elle illustre l’amertume dans laquelle les peuples sont plongés depuis le 24 juin et les divisons que se dévoilent.
Quoi qu’il arrive maintenant et quelle que soit la façon dont seront menées les négociations, il va se produire pendant toute leur durée un phénomène d’aléas qui peut faire basculer d’un côté ou de l’autre cette fragile balance sur laquelle reposent nos équilibres démocratiques et économiques alors que nous ne sommes toujours pas sortis de la crise précédente. Même si depuis tant d’années, nous avons appris à gérer le risque en simulant par de multiples modèles les éventuelles situations mais, dans ce cas de figure, nous manquons totalement de repères et aucune simulation ne peut répondre aux questions qui se posent. Comment allons-nous maîtriser les risques qui vont se présenter ? Comment allons-nous rendre notre avenir meilleur ? comment allons nous sortir de ce marasme ? De leur côté, les Britanniques ont fait le choix de quitter ce marché européen qui nous tend les bras. Ils ont fait le choix d’hypothéquer, voire d’abandonner, ce passeport européen qui leur permettait d’avoir la plus puissante des Places financières européennes, l’incroyable s’est produit ! Leur décision va dorénavant laisser un trou béant dans cette Europe qui va devoir s’adapter. Face à l’incertitude, la façon d’y échanger des biens, des services et des flux financiers va rapidement évoluer. La nature ayant horreur du vide, une concurrence terrible va s’exercer sur le contient pour prendre cette place de nouvelle plaque tournante de l’économie et de la finance européenne.
Face à ce défi, Paris, et la France, vont devoir s’organiser pour tirer profit de ce nouvel état de la géopolitique et montrer que notre pays pourra aussi devenir ce nouveau champion européen pour aimanter les investissements et les talents. La FrenchTech est devenue une marque exceptionnelle comme vitrine de nos innovations, elle doit s’inscrire durablement comme la vitrine pour attirer les capitaux et les start-up. Au niveau mondial, nombre d’entreprises vont avoir besoin d’un nouveau hub de pénétration du marché européen, nombre de business angels et d’investisseurs vont vouloir investir dans ces nouvelles terres d’accueil de leurs capitaux pour éviter les barrières qui pourraient être mises avec le Royaume Uni.
La France doit devenir de champion de ces nouveaux équilibres. Depuis, de nombreuses années elle est en retard fiscalement … elle va devoir s’adapter vite à ce nouveau contexte pour devenir l’eldorado de l’innovation européenne et attirer durablement.
Depuis tant d’années que nous subissons des distorsions de concurrences fiscales, enfin la France l’occasion de se repositionner, de combler le retard et d’attirer les pépites. Ce numérique, qui est une chance pour notre pays, doit matérialiser cette opportunité de ré-attirer le e-commerce, de ré-attirer les nouvelles formes de business, de ré-attirer cette jeunesse qui nous quitte trop massivement, de ré-attirer ces investisseurs qui nous permettront d’enclencher un cercle vertueux. François Mitterrand disait que « L’Europe a besoin d’un horizon, elle a besoin d’une méthode de travail, elle a besoin d’une ambition mobilisatrice, elle a besoin d’actions immédiatement utiles. » La France a aussi besoin de cette force mobilisatrice car si nous n’enclenchons pas rapidement notre transformation, une nouvelle fois le TGV de la modernité risque de nous passer devant.
Alban Jarry