C’est un peu le remake de David contre Goliath dans lequel la France vient de se lancer. Google est suspecté d’une fraude fiscale de près de 1,6 milliard d’euros que l’État français souhaite bien récupérer. C’est dans ce cadre qu’une perquisition d’ampleur et hautement confidentielle, baptisée l’opération « tulipe », s’est déroulée fin mai dans les locaux de l’entreprise.
À l’origine, un soupçon de fraude fiscale
Le 16 juin 2015, une enquête préliminaire a été ouverte à la suite d’une plainte de l’administration fiscale contre Google. L’objectif : vérifier si l’entreprise est dans la légalité ou non. En effet, la société, comme la plupart des géants américains, dispose d’un siège social en Irlande. Une situation qui lui permet de profiter d’avantages intéressants, spécifiques à la convention fiscale entre l’Irlande et la France.
Or, si Google a oublié de déclarer une partie de ses activités en France et qu’elle dispose donc d’un « établissement stable en France », la donne change. Elle est alors imposée de façon plus importante, dans un régime proche de celui qui existe pour les entreprises française. L’AFP a affirmé en février que les arriérés s’élèvent à près de 1,6 milliard d’euros, sans compter les éventuelles amandes. Chiffre que Bercy n’a jamais confirmé, mais qui donnent un ordre d’idée des pertes engendrées.
L’opération tulipe, la garantie de la confidentialité face à Google
L’Etat français est bien déterminé à aller jusqu’au bout, comme l’a rappelé Michel Sapin, ministre des Finances et des Comptes publics. « Aucun accord n’est envisageable, on ne négocie pas avec le fisc ». Le parquet national Financier (PNF) a donc procédé fin mai à une opération d’ampleur.
Plus d’une centaine de personnes, des magistrats du PNF, policiers, agents du fisc et experts en informatique, ont collecté « plusieurs téraoctets de données » au siège France de Google. Une quantité d’informations telle, que leur exploitation va prendre plusieurs mois, voire plusieurs années, faute de logiciels extrêmement performants.
La peur d’être surveillé par Internet a amené les enquêteurs à utiliser des méthodes particulières. Des ordinateurs oui, mais uniquement pour du traitement de texte et surtout sans connexion afin de rester hors réseau. Évoquer le nom de Google ? Pas question ! Les policiers en ont choisi un autre, celui de Tulipe !
Un procès, mais pas tout de suite
Google s’est bien sûr défendu et a affirmé respecter la législation française et aider les enquêteurs dans leur travail. Un procès devrait permettre à chaque partie de s’expliquer et d’avancer des arguments, mais la législation française, et les nombreuses voies de recours possibles dans un tel dossier font que l’affaire peut traîner plus ou moins 10 ans. D’ici là, ni les contribuables, ni l’économie du pays ne verront la couleur d’un centime. Un préjudice important, qui rend compréhensible le choix du gouvernement britannique d’avoir signé un accord de près de 166 millions d’euros alors qu’il avait été lui aussi lésé par les pratiques d’optimisation fiscale de Google.
Alexandre Gavard