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dans International, N°1115

Ce que le Sud global apprend à l’Occident

Stéphane RozèsParStéphane Rozès
11 décembre 2025
Ce que le Sud global apprend à l’Occident
Analyse

Dans un monde devenu brutal et chaotique, l’analyste et le décideur, privés de grilles d’analyse adaptées, peuvent encore s’arrimer à des notions relativement stables pour ordonner un cours des choses devenu contingent. Ces notions ne flottent pas dans les airs : elles expriment les représentations dominantes des peuples issues de leurs expériences collectives et révèlent la période et les lieux où elles s’enracinent.

Le concept d’ « Occident » est revenu dans le débat international depuis deux décennies, parallèlement à l’émergence du « Sud global » indexé sur les BRICS dont le PIB est dorénavant supérieur à celui du G7. Revendiquée par les civilisations asiatiques, eurasiennes, africaines, arabo-musulmanes et latino-américaines, cette notion est aujourd’hui assez largement admise en Occident. Symétriquement, au sein du Sud global, la notion d’ « Occident global » s’est substituée à celle d’ « impérialisme ». De « dominé », ce Sud global se construit comme alternative à l’Occident.

Il s’agira d’exposer ici les convictions d’un professionnel des études et du conseil – déduites de constats empiriques sur les comportements des peuples – que la nouvelle frontière Occident-Sud global n’a pas seulement une base économique ou géopolitique ; que l’installation de ces deux concepts ne résulte pas d’un mimétisme entre acteurs étatiques ; mais que leur fondement est politico-culturel.

Toutes les civilisations sont affectées par la globalisation néolibérale et postnationale, mais ses effets diffèrent en Occident et dans le Sud global. La vie internationale s’en trouve reconfigurée. L’émergence et l’installation du Sud global, à bas bruit, de façon immanente et plurielle, sont porteuses d’une vision du monde et d’une organisation internationale contenant en germe une alternative à celles de l’Occident. Cet effet miroir permet à ce dernier, par ricochet, de mieux comprendre sa singularité, celle des autres et ce qui fait le cours des choses. S’il en tire les leçons, l’Occident pourra envisager d’œuvrer à un nouvel ordre international plus juste et durable afin d’éviter le chaos et les guerres.

IL N’Y A PAS DE « FIN DE L’HISTOIRE »

Le long tournant du siècle commence par une illusion occidentale : la victoire des démocraties libérales sur le communisme avec la chute du mur de Berlin a laissé croire à la « fin de l’histoire », comme en témoigne le succès planétaire du livre éponyme de F. Fukuyama.

Pourtant, dès les années 1990, guerres régionales, interventions militaires occidentales, crises sociales, altermondialisme, terrorisme islamiste, révolutions arabes et tensions géopolitiques viennent contredire cette thèse et marquent le retour des nations, du nationalisme et d’une nouvelle ligne de fracture Nord-Sud. Il faudra attendre une décennie, après le 11 septembre 2001, pour que la thèse du « choc des civilisations » de S. Huntington remplace celle de « la fin de l’histoire ».

L’émergence de cette nouvelle ligne de fracture Nord-Sud se substitue à celle Ouest-Est, avec le Sud global. Cet acteur alternatif ouvre les yeux de l’Occident et accélère sa prise de conscience : l’histoire ne se clôt pas, elle bascule dans une nouvelle période.

UN AUTRE MONDE ÉMERGE

Le besoin de croire à partir de représentations stables est tel qu’il ne suffit pas que des faits contredisent immédiatement une grille d’analyse pour en changer. Il faut qu’une grille alternative s’impose, capable de réordonner le paysage mental afin de se réapproprier le réel et d’y trouver une place.

La lucidité occidentale renonce à la « mondialisation heureuse » en voyant surgir une fracture culturelle concomitante de l’ébranlement de ses sociétés avec l’émergence d’un Sud global alternatif. Celui-ci permet de post-rationnaliser et de réordonner intellectuellement le chaos mondial qui se propage.

C’est le contraste entre les forces centrifuges qui l’affectent et les forces centripètes montantes du Sud global qui va faire basculer l’Occident. En son sein, ses cadres cognitifs sont minés d’abord de l’intérieur. Ses sociétés se replient. La chute du Mur réveille les souverainetés nationales sous le glacis du totalitarisme soviétique. L’Union européenne s’élargit, en minant ses nations fondatrices, sans parvenir à devenir une puissance, sur fond de confrontation avec la Russie et de l’ascension de la Chine.

Crises économique et sociale nourrissent un altermondialisme mêlant anticapitalistes, libertaires et écologistes autour des causes des sans-terre brésiliens, du zapatisme et lors des forums sociaux mondiaux. Mais après 2008, le mouvement s’essouffle, la question nationale prime sur la question sociale et les protestations se nationalisent comme le montrent les mouvements au Chili, Hong Kong ou au Liban.

L’altermondialisme a révélé le Sud non seulement comme résistance mais aussi comme proposition alternative, porteur d’espoirs pour une jeunesse et une petite bourgeoisie intellectuelle occidentale déstabilisées. Mais les sociétés occidentales se fragmentent et voient monter replis nationaux et populismes.

Le Sud, à l’inverse, devient global. Sur fond de décolonisations, le « Tiers-Monde » s’était constitué dès Bandung (1955) avec le mouvement des non-alignés. Il émerge avec la CNUCED, les « chocs pétroliers » avec l’OPEP et le NOEI (1974), les « dragons asiatiques », et se modernise avec des réformes internes (Deng en Chine, Inde, Brésil, Turquie, Afrique du Sud). La création du G20 (1999) prépare la constitution du Sud global. Le tournant géopolitique est marqué par la fondation des BRICS (2001 puis 2010). La Chine en devient la locomotive économique, créancière de l’Occident et déploie ses « Routes de la soie ». À l’ONU, des votes majoritaires en faveur d’un « non-alignement 2.0 » sur le climat, la Palestine, les sanctions contre la Russie, ou la question des dettes renforcent le Sud global face à l’Occident. En interne, il se consolide à travers des initiatives Sud-Sud : BRICS élargis, Banque des BRICS,OCS. Le Sud global est désormais un acteur central et un vis-à-vis alternatif de l’Occident, l’obligeant à un retour critique sur ce qui lui est advenu.

LA MONDIALISATION SE RETOURNE CONTRE L’OCCIDENT

Il est difficile pour une civilisation de voir se profiler sa possible éclipse. L’irruption tranquille du Sud global plonge l’Occident, fatigué, dans la perplexité. Celui-ci a initié la mondialisation, mais elle se retourne contre lui. Jusque-là, les mondialisations étaient conduites par des cités-États, des nations ou des empires éventuellement portés par des révolutions techniques mais toujours incarnés politiquement.

Aujourd’hui, marchés et technologies, pilotés par des instances néolibérales postnationales, échappent aux communautés humaines. Le progrès se dérobe objectivement et la raison intellectuellement, alors qu’ils semblaient constituer les clés de l’avenir pour l’Occident. Son imaginaire prométhéen – que l’on peut résumer par l’adage cartésien : faire que « l’Homme soit comme maître et possesseur de la nature » – se trouve déstabilisé, tandis que le Sud global évolue dans le cours des choses sans crise existentielle.

Ce miroir énigmatique invite à regarder les angles morts de l’histoire occidentale. Dès les Lumières, un pli intellectuel apparaît entre deux souches : celle du libéralisme politique incarnée par Montesquieu, pour qui la loi tient à son esprit, à sa conformité avec les us et coutumes d’un peuple ; et celle de Condorcet, pour qui vérité et raison étant « une », la loi devrait être la même pour tous les peuples, à charge pour eux d’y adapter leurs mœurs.

Ce pli entre libéralisme et néolibéralisme devient au XIXe siècle une bifurcation entre partisans du gouvernement des hommes et tenants de l’administration des choses. Après la chute du mur de Berlin, cette bifurcation se mue en fracture. Le néolibéralisme, porté par l’héritage de Condorcet, se retourne contre le libéralisme de Montesquieu et l’emporte avec, dans les faits, le ralliement des élites et la globalisation économique, financière, numérique et ses gouvernances post-nationales, au premier rang desquelles celle de l’Union européenne.

Les peuples, se sentant privés de la maîtrise de leur destin, se replient, se fragmentent et se rangent à nouveau du côté de Montesquieu, cherchant refuge dans leurs nations et mœurs face à l’hégémonie des marchés et de la technique. Il est significatif que les premières réactions politiques au sein de l’Occident contre le néolibéralisme politique émergent dans les patries du libéralisme politique : l’Angleterre avec le Brexit, et les États-Unis avec les deux saisons du trumpisme.

En contournant la souveraineté nationale, condition de la souveraineté populaire, le néolibéralisme s’oppose à l’esprit du libéralisme et déstabilise les imaginaires des peuples occidentaux. La globalisation se retourne contre elle-même et déstabilise d’abord l’Occident qui l’avait initiée face à un Sud global ascendant.

UNE AUTRE FAÇON DE VOIR ET PENSER EXISTE

En Occident, la difficulté à admettre l’émergence d’un autre monde, la récusation de la notion de Sud global, fut long-temps justifiée – et l’est encore par certains analystes – par l’idée qu’en son sein les différences de puissances économiques et d’intérêts géopolitiques étaient telles que la notion manquait de consistance. Qu’y-a-t-il de commun, apparemment, entre la Chine et l’Inde, l’Inde et le Pakistan, la Russie et l’Iran, le Brésil et l’Arabie saoudite, l’Afrique du Sud et l’Égypte, l’Algérie et le Maroc… ? Au mieux ces pays ne seraient-ils que provisoirement cimentés par un ressentiment anti-occidental.

Pourtant, le Sud global ne se lézarde pas, il continue de se renforcer, obligeant à questionner les prémisses de l’argumentation. C’est donc qu’il existe, dans les orientations des civilisations et des peuples, autre chose que l’intérêt économique, géopolitique et les façons occidentales de voir, d’être et de faire.

L’existence du Sud global invite à penser ensemble les questions culturelles, religieuses, politiques, les rapports sociaux et géopolitiques. Ainsi, déjà, dans les études internationales auprès des leaders économiques et d’opinion, on constate que les Occidentaux, dans leurs appréciations sur le cours de la mondialisation, dissocient sa réalité de ce qu’elle devrait être. Les civilisations du Sud global, au contraire, alignent le souhaitable sur la réalité qu’ils restituent. Comme l’imaginaire occidental assigne à l’homme de dominer et contrôler la nature, les autres et les choses, sans cesse il est mû par le fait de faire plier le réel à ses souhaits et à l’évaluer à cet aune. Or la globalisation économique, financière et numérique entraîne le monde dans un mouvement perpétuel sans rivage. C’est là la source du malheur occidental.

Ce qui rassemble au contraire les civilisations du Sud global, c’est la quête de l’harmonie, à l’instar de Confucius : « L’homme de bien s’accorde avec les saisons du ciel et les ressources de la terre… L’homme de bien vit en harmonie avec les autres ». Cette recherche de l’harmonie avec la nature, avec les autres et avec le cours des choses les amène spontanément à s’y adapter avec fluidité.

Ainsi, le Sud global apprend à l’Occident que, dans toutes les civilisations, les intérêts économiques et géopolitiques sont précédés par des imaginaires, des manières de voir, d’être et de faire qui relient les communautés humaines et que ces imaginaires sont profondément divers.

La globalisation néolibérale, sans autre perspective qu’un mouvement perpétuel et présentiste d’adaptation permanente aux marchés, aux techniques et au numérique déstabilise existentiellement l’Occident. Pour le Sud global, en revanche, elle représente un défi géopolitique.

SE MODERNISER SANS S’OCCIDENTALISER

Le ciment du Sud global est de vouloir se moderniser sans s’occidentaliser. Cela transparaît clairement dans les propos et écrits des dirigeants chinois, indien, brésilien, japonais, russe, turc ou sud-africain. Ainsi Xi Jinping définit cinq axes qu’il offre en exemple : « L’indépendance, la primauté du peuple, le développement pacifique, l’ouverture et l’inclusion, et la lutte solidaire ». Ces principes résonnent avec le propos du Premier ministre indien Narendra Modi : « Nous pouvons être modernes et profondément indiens », soulignant ainsi qu’il est possible d’accéder à la modernité sans renoncer à son identité culturelle. Il est remarquable de constater la cohérence de ces deux déclarations émanant de puissances concurrentes économiquement et stratégiquement. De son côté, le Brésilien Lula a affirmé : « Il existe bien plus d’intérêts qui nous unissent que de différences qui nous séparent. Assumer notre identité comme Sud global signifie reconnaître que nous voyons le monde avec une perspective similaire ». C’est que la définition du « bon » porté par le Sud global est fondé sur un tout autre rapport au monde.

L’UNIVERSEL N’EST PAS L’UNIVERSALISME

L’imaginaire prométhéen occidental promeut un universalisme normatif fondé sur la raison, les droits de l’Homme, le libre-échange et la démocratie libérale. L’Occidental se jugeait, et jugeait le Sud global, à sa capacité à fusionner représentations et intérêts. Mais surgit en face de lui la vision du Sud global non pas universaliste, dont la perspective et la ligne d’horizon seraient l’unification des civilisations et des peuples comme finalité, mais au contraire universelle : respectant les différences civilisationnelles et nationales, promouvant l’harmonie intérieure et internationale porteuse d’une multilatéralité des relations entre communautés humaines.

Le Sud global est ainsi passé de la critique d’un ordre occidental à la conscience commune de se moderniser sans s’occidentaliser, puis à ravir à l’Occident l’ambition de penser le monde en promouvant l’universel.

Le Sud global a eu à apprendre de l’Occident. C’est en Chine que l’effort théorique a été le plus conséquent et révélateur, à partir de la construction d’un « néoconfucianisme ». Depuis les années 1990, les intellectuels organiques du régime ont réinvesti Confucius comme « ressource civilisationnelle ». Il ne s’agit pas d’un simple retour à la tradition impériale, mais d’une reconstruction adaptée à l’État-nation moderne chinois et à un nouveau discours global. Elle articule à la fois l’imaginaire impérial chinois, la volonté d’occuper une place centrale au sein du Sud global et dans le monde en tant qu’ « Empire du milieu ».

Il y eu une véritable dialectique de la pensée entre le monde intérieur chinois, la nécessité de se hisser à la hauteur de l’universalisme occidental de façon différente et d’offrir aux autres civilisations un cadre compatible avec ce qu’elles sont. Cet universel néoconfucéen promeut la primauté des devoirs, de l’harmonie et des relations. L’individu est inséré dans des cercles de responsabilité. L’universalité se pense par « l’harmonie dans la diversité » : chaque civilisation contribue sans qu’une seule impose ses normes. Enfin, il valorise la méritocratie morale : la sélection des dirigeants sur la vertu et la compétence, combinant approbation populaire et autorité civilisationnelle.

Le pouvoir chinois a repris cette rhétorique dans ses initiatives diplomatiques (Nouvelles Routes de la soie, « Communauté de destin pour l’humanité ») et dans son soft power (Instituts Confucius, forums sur la civilisation).

La pérennité d’un Sud global fondé sur une approche universelle – et non universaliste centrée sur l’individu, les droits abstraits et la démocratie libérale – de l’Occident l’interpelle d’autant que dans la foulée cet universel pose les jalons d’une autre façon d’organiser le monde.

UN AUTRE ORDRE INTERNATIONAL EST POSSIBLE

Le Sud global s’affirme aujourd’hui pour proposer une alternative à l’ordre international occidental issu du siècle précédent et de ses drames, ordre miné par la globalisation néolibérale et par les réactions de repli des peuples sapant le multilatéralisme. Émerge ainsi une autre approche.

Xi Jinping promeut un pluralisme civilisationnel, reprenant le « système Tianxia » pour développer une philosophie des relations internationales post-westphaliennes. Il vise à l’instauration d’un ordre international multipolaire fondé sur la non-ingérence et le principe « win-win ». La Chine « n’importe pas de modèle étranger ni n’exporte le modèle chinois ; elle ne demande pas aux autres pays de copier l’expérience chinoise ».

Sa puissante voisine et rivale, l’Inde de Modi, partage la même analyse sur le nouvel ordre international à construire. Il entend « répondre aux priorités du Sud global en élaborant un programme international inclusif et équilibré, en reconnaissant le principe des « responsabilités communes mais différenciées » pour tous les défis mondiaux, respecter la souveraineté de toutes les nations, l’État de droit et la résolution pacifique des différends et des conflits ; et réformer les institutions internationales, y compris l’ONU, pour les rendre plus pertinentes ». « Aujourd’hui, le monde a besoin d’un nouvel ordre mondial multipolaire et inclusif. Cela doit commencer par des réformes complètes des institutions internationales ».

Les autres leaders du Sud global convergent dans le même sens. Luiz Inácio Lula da Silva affirme : « Les pays émergents doivent jouer un rôle moteur dans la réforme des grandes institutions internationales, telles que le Conseil de sécurité des Nations unies et le Fonds monétaire international. » ; « Si l’ordre international ne reflète pas la nouvelle réalité multipolaire du XXIe siècle, il revient aux pays des BRICS d’aider à le renouveler ». Le président russe Vladimir Poutine ajoute : « La souveraineté, le développement autonome ne signifient en aucun cas l’isolement, l’autarcie… » ; « Je souligne que la Russie se dit favorable à un débat international le plus large possible sur les paramètres de l’interaction dans le monde… ».

Le 31 août 2025, la Chine a profité de l’anniversaire des 80 ans de son indépendance pour réunir les leaders du Sud global, dans le cadre de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), lors d’un sommet destiné à « promouvoir le perfectionnement de la gouvernance mondiale et d’unir les forces du Sud global ».

Face aux initiatives brouillonnes de Donald Trump et aux tensions croissantes, notamment commerciales et en mer de Chine, Xi Jinping a dénoncé « la mentalité de guerre froide et les actes d’intimidation » et y a opposé le fait que « Le monde connaît actuellement de profondes transformations historiques qui affectent tous les domaines des relations politiques, socio- économiques et sociales. La volonté de créer un ordre mondial multipolaire plus juste, plus équitable et plus représentatif, ouvrant de nouvelles perspectives pour le développement des États et une coopération internationale mutuellement avantageuse, se renforce ». Il a précisé : « Les États membres sont favorables au respect du droit des peuples à choisir de manière indépendante et démocratique les voies de leur développement politique et socio-économique et soulignent que les principes de respect mutuel de la souveraineté, d’indépendance, d’intégrité territoriale des États, d’égalité des droits, de bénéfice mutuel, de non-ingérence dans les affaires intérieures, de non-recours à la force ou à la menace de la force constituent le fondement du développement durable des relations internationales ».

Le monde connaît aujourd’hui à la fois un repli des civilisations et des peuples et la montée d’une ligne de fracture entre le Sud global et l’Occident, le premier s’imposant peu à peu comme alternative au second.

Il n’est pas aisé pour l’Occident d’apprendre rapidement des autres civilisations alors que celles-ci, depuis quelques siècles, ont eu connaître l’Occident pour le meilleur et pour le pire. C’est pourtant de cette capacité d’apprentissage que dépend l’avenir du monde : entre coopération ou affrontement entre Sud global et Occident.

Pour l’heure, le hard power est l’apanage de l’Occident. Mais le soft power du Sud global s’implante dans un Occident miné par les interrogations et divisions sur l’Ukraine, Gaza, les questions environnementales, commerciales et les modèles d’organisation de la défense. À cela s’ajoute la remise en cause du multilatéralisme par Donald Trump qui contribue à déstabiliser davantage l’Occident.

Au-delà des personnes, des divergences idéologiques et d’intérêts – entre néoconservateurs ou trumpistes censément plus réalistes – l’Occident à l’imaginaire prométhéen comprend deux sous-familles : l’américaine messianique et l’européenne universelle.

La crise de l’Europe résulte de la contradiction entre les institutions néolibérales, postnationales de l’UE et son génie, qui réside dans la diversité de ses peuples constitués en nations. Cette crise de l’Europe l’empêche, pour l’heure, de contrebalancer l’influence d’une Amérique qui tend à nier la   singularité des peuples, alors que l’Europe est constituée dès ses origines de cette singularité et en a tiré profit comme elle en a subi les conséquences lors des colonisations et décolonisations.

Une Europe retrouvant des institutions conformes à ce qu’elle est réintégrerait sa place dans l’histoire et serait à même d’établir un pont avec le Sud global, posant ainsi les bases d’un nouvel ordre international juste et durable fondé sur sa capacité à relever les grands défis de la planète.

L’ultime leçon du Sud global – du fait de sa différence et de sa diversité – à l’Occident réside sans doute dans la nécessaire prévalence de la politique sur la technique, du gouvernement des hommes sur l’administration des choses et sur l’hégémonie de l’économie, de la finance et du numérique afin d’assembler les nations de la planète.

Alors l’Occident, après avoir appris du Sud global et œuvré à bâtir un ordre international adapté aux réalités du monde et réellement efficace, pourrait conserver à l’avenir une place centrale dans l’Histoire.

La ligne de fracture entre l’Occident et le Sud global peut devenir soit une ligne de front annonciatrice de barbarie, soit le levier d’une transformation durable des relations internationales recivilisant la mondialisation. Une course de vitesse est engagée autour de cette nouvelle frontière.

Stéphane ROZÈS
Politologue Président du cabinet de conseil Cap Enseignant à l’Institut catholique de Paris Ancien DG de l’institut d’études CSA Enseignant à Sciences Po et HEC Dernier ouvrage paru :
Chaos. Essai sur les imaginaires des peuples. Entretiens avec A. Benedetti Éditions du Cerf, 2022

Stéphane Rozès

Stéphane Rozès est président de Cap (Conseils, analyses et perspectives). A ce titre, il accompagne, depuis 2009, des présidences et directions générales de grandes entreprises nationales et internationales, des États et des collectivités territoriales sur leurs stratégies d’opinion et de transformation en les aidant à construire une cohérence entre leurs identités, leurs messages et leurs conduites. Ancien directeur général de l’institut de sondages CSA, il a travaillé dans tous les secteurs des études d’opinion publique, corporate, de marketing et du numérique. Il a confidentiellement collaboré avec l’Elysée sous les présidences Chirac, Sarkozy et Hollande. Il continue à échanger régulièrement avec le sommet de l’Etat. Stéphane Rozès a participé à de nombreux ouvrages collectifs sur la société française, les questions internationales et livre régulièrement, depuis 2005, des contributions aux revues Le Débat (Gallimard), Études, Commentaire et La Revue Politique et Parlementaire. Au sein du Collège des Bernardins, il est membre du Conseil d’orientation de son Forum et membre du Projet Montesquieu, groupe de réflexion œcuménique. Il a été membre fondateur d’Anima Mundi, groupe pluridisciplinaire qui travaille sur les identités culturelles des peuples, et a été membre du conseil d’orientation d’Aspen France. Il a été expert national, avec Pierre Radanne, pour le Grand débat sur la Transition énergétique en 2013 et expert pour la Consultation planétaire sur la lutte contre le réchauffement climatique dans le cadre de la Cop21 à Paris en 2015. Il est membre des Conseils scientifiques de l’Institut Rousseau, de la revue Turbin et de La Revue Politique et Parlementaire. Stéphane Rozès est, depuis 1990, maître de conférences à Sciences-po Paris et a enseigné à HEC de 2009 à 2011.

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