La campagne présidentielle est lancée, et Jean-Luc Mélenchon a été l’un des premiers à déclarer sa candidature. Il multiplie de surcroît les interventions, les meetings, les propositions, et pourtant, personne ne parle de lui… pas même la presse dite de gauche. Que se passe-t-il ?
La dérive wokiste de Jean-Luc Mélenchon mériterait pourtant d’être analysée en profondeur. Des entretiens destinés à mettre en lumière les ruptures entre le Jean-Luc Mélenchon d’avant 2017 et celui d’aujourd’hui, qui cumule tentation islamo-gauchiste et wokisme, mériteraient de voir le jour. Il ne s’agit pas ici de condamner, mais de comprendre comment un républicain façon 1793 a pu, en quelques années seulement, rallier une triple volonté de puissance : la première issue du socle civilisationnel arabo-musulman, la seconde issue d’Afrique subsaharienne, et enfin la troisième, la plus récente, celle issue des universités progressistes américaines. Il s’agit de comprendre comment le socialisme matérialiste d’inspiration cubaine, ou plus largement sud-américaine, a pu s’amouracher des théories du genre au point de souhaiter les constitutionnaliser.
N’y a-t-il de salut à gauche que dans la surenchère sociétale ?
Par ailleurs, si ces courants étaient tellement à la pointe du progressisme, pourquoi le Mélenchon façon woke n’est-il pas plus médiatisé ? Pourquoi la presse dite progressiste ne le porte-t-elle pas ?
Nous avons fait un tour sur les pages « présidentielles » des deux quotidiens phare du gauchisme bon teint : Le Monde et Libération, dans l’espoir de trouver quelqu’article développant le programme, la pensée, l’orientation du héraut de la nouvelle gauche française. Rien ! Les articles du Monde s’enchaînent, entre Congrès LR, réaction macroniste à la poussée Zemmour, opposition Le Pen-Zemmour, Barnier, Ciotti, Montebourg, etc. Il y a aussi un petit papier sur Hidalgo. Et puis basta ! Chez Libé, c’est encore pire, car la rubrique « Election présidentielle 2022 » est segmentée en sous-rubriques, dont les titres parlent tous seuls : Macron, un président en campagne ; Hidalgo, le pari de l’Elysée ; Congrès LR, la droite en bataille pour 2022 ; Le Pen-Zemmour, la course de front ; et une dernière, fourre-tout : Gauche, le grand embouteillage, où on ne trouve néanmoins pas un papier sur le patron de La France insoumise… A notre connaissance, il n’y a que Valeurs actuelles pour avoir consacré un article à l’insoumis en meeting à Lille, ce lundi 15 novembre, où il déclarait dans un style bien à lui que « l’intime conviction d’être un homme ou une femme » méritait d’être affirmée par chaque individu, quand bien même celle-ci irait « contre la réalité des apparences et [du] corps », et qu’en conséquence, la « liberté de genre » devait être inscrite dans la Constitution. Rien de moins.
Certains, présents à l’Université de Lille, pourraient objecter que les deux pays cités par Mélenchon, qui ont fait de la liberté de genre une simple « formalité administrative », sont l’Argentine et l’Urugay. Et qu’il a donc réaffirmé ici son attachement au socialisme sud-américain. Ils pourraient ajouter qu’en matérialiste athée qui se respecte, le patron des insoumis en a profité pour tacler le pape François, originaire lui aussi d’Argentine. Soit. Mais alors, pourquoi personne n’en parle ? Pourquoi les journaux de gauche se précipitent-ils pour tendre le micro à la moindre dérive extrême-droitière de LR, pour jeter une lumière aussi crue que moralisante sur les « dérapages » d’Eric Zemmour, et ne couvrent-ils pas, au moins par une courte brève, les sorties programmatiques de celui qui est quand même, quoi qu’on en pense, le candidat de la gauche le mieux placé dans cette campagne ?
Qu’en conclure ?, sinon que le wokisme mélenchonien est totalement spectral en cette heure sécuritaire.
Hors sujet. Inexistant. Anhistorique. Utopique. Une abstraction dogmatique. Une sorte d’opium d’un peuple bobo détaché de « la réalité du véritable être humain », pour parler comme le Marx de 1843, détaillant à Arnold Ruge sa conception de la véritable « critique » – une critique qui se voulait rationnelle, scientifique, biologique, à mille lieues de s’opposer à ce que Mélenchon nomme « la réalité du corps » au profit d’un dogmatisme psychologisant. Peut-être ce silence est-il un appel à revenir aux fondamentaux du socialisme ? Car, après tout, n’y a-t-il pas, à cette heure plus qu’à aucune autre, nécessité de lutter contre les dérives d’un capitalisme mondial entièrement débridé, afin de ramener l’homme vers cette nature réelle dont il est issu, et non vers cette autre nature, fantasmée, pur produit de l’idéologie libérale ?
Frédéric Saint Clair
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