Emmanuel Macron, candidat non encore déclaré, multiplie les déplacements et les thématiques. Lundi, à Nice, il s’est exprimé sur la sécurité. Pourquoi, en pleine crise du Covid, et alors que les médias ne parlent que d’Omicron et de passe vaccinal, décider d’un déplacement consacré à la sécurité ? Et pourquoi à Nice ? En d’autres termes : quelle est la stratégie d’Emmanuel Macron ?
La stratégie du Président-candidat s’apparente à celle d’un parasite politique ! Et elle est judicieuse. L’objectif ? Celui de tout parasite : vivre aux dépends des autres, politiquement, électoralement. Emmanuel Macron sait qu’une campagne présidentielle ne se gagne que si on est en mesure de dicter l’agenda, d’imposer ses thèmes. Or, entre septembre et novembre, les médias ont parlé, de manière quasi-obsessionnelle, d’Eric Zemmour – et Emmanuel Macron n’avait donc pas la main sur l’agenda. Ensuite, l’actualité a été captée par le Congrès LR – et Emmanuel Macron n’avait donc pas la main sur l’agenda. Désormais, c’est Omicron qui hypnotise les médias. Certes, Emmanuel Macron en tire un bénéfice électoral notable (57% des Français affirmaient ce dimanche dans un sondage Ifop pour le JDD qu’aucun candidat ne pourrait faire mieux que le Président en matière de lutte contre la Covid-19), mais il n’impose pas son thème, c’est le thème qui s’impose à lui. De plus, le thème est instable, fluctuant. La situation favorable pourrait évoluer, voire se retourner, et lui faire perdre son bénéfice. L’échéance électorale approchant, le Président-candidat a donc besoin de visibilité sur les sujets centraux de cette campagne, hors Covid : la sécurité et l’économie. Le même sondage du JDD affichait ce dimanche que, bien qu’en tête par rapport aux autres candidats, seulement 40% des Français estiment que nul autre candidat ne peut faire mieux que lui en matière de sécurité, et 48% en matière d’économie. Il doit donc continuer de creuser l’écart. Comment faire ?
Emmanuel Macron a compris, depuis 2017, qu’il ne sert à rien d’être bon pour emporter l’élection présidentielle, il suffit d’être meilleur que les autres, voire même seulement d’apparaître meilleur que les autres.
Quel meilleur moyen de devancer ses concurrents que de piller leurs propositions, même si c’est de façon grossière, et de les transformer en action politique, même si c’est de façon caricaturale ? L’objectif ? Pouvoir répondre aux candidats lors des débats présidentiels à venir, et en particulier à celle qui le menace le plus directement en terme de grignotage électoral, Valérie Pécresse : ce que vous proposez, je l’ai déjà fait ! D’où le choix du lieu, Nice, et du thème, la sécurité, pour initier cette stratégie parasitaire ! Explications :
Tout d’abord, le lieu : Nice. Il n’aura échappé à personne qu’Eric Ciotti, est un élu niçois. Ensuite le thème : la sécurité. Il n’aura pas non plus échappé au lecteur qu’Eric Ciotti est le Monsieur sécurité de Valérie Pécresse. Emmanuel Macron vient donc sur ses terres et sur ses thèmes, lui couper l’herbe sous le pied. Par ailleurs, il prend soin de s’entourer de l’édile de la ville, Christian Estrosi, qui a claqué la porte de LR pour rejoindre les alliés du Président, et qui se targue lui aussi d’être en pointe en matière de sécurité (première ville de France en nombre de policiers municipaux (armés) et de caméras de surveillance), et de l’autre dissident LR, Hubert Falco, maire de Toulon. Qu’Emmanuel Macron pose la première pierre d’un futur hôtel des polices dont le permis de construire n’a pas encore été déposé ? Aucune importance. Qu’il annonce les chiffres biaisés d’une criminalité prétendument en baisse alors qu’elle ignore volontairement les violences aux personnes, les homicides, les viols, etc. ? Aucune importance. Car les symboles sont là : un budget de 15 milliards d’euros sur 5 ans pour la police et la gendarmerie ! D’où sort ce chiffre ? Tout droit de la proposition de loi de programmation et de sécurité intérieure d’Eric Ciotti, présentée en mai 2019 à l’Assemblée nationale, qui budgétait exactement la même somme ! Emmanuel Macron prévoit également le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes. Eric Ciotti en demandait 15 000. Le parasitage opère admirablement ! Il opère de même sur les autres thématiques : fiscalité, transmission de patrimoine, réindustrialisation, souveraineté, énergie nucléaire, etc., construisant ainsi un programme factice, fabriqué à l’aide de pièces programmatiques entièrement recyclées. Finalement, Emmanuel Macron est peut-être l’inventeur du développement durable électoral…
Frédéric Saint Clair
Écrivain, Politologue