Depuis l’adoption de la loi contre le gaspillage alimentaire, votée le 11 février 2016, les supermarchés ont l’obligation de reverser leurs invendus à des associations caritatives.[1]
Ainsi, cette loi a rapidement prouvé ses effets bénéfiques : plus de 10 millions de repas sont distribués chaque année en France. Cela représente une augmentation de 22 % des dons alimentaires destinés aux associations caritatives.
De plus, nous veillons à la bonne application de la loi.
Accompagnés de lanceurs d’alerte et d’huissiers de justice, nous n’avons cessé d’inspecter les poubelles à côté des supermarchés pour constater les atteintes à la loi.
Après avoir constaté que plusieurs magasins continuaient de jeter les invendus alimentaires à la poubelle, nous avons déposé de nombreuses plaintes à leur encontre. Les procédures fonctionnent et sont un moyen de dissuasion efficace. Sans compter les « Bad buzz » et la mauvaise réputation des magasins récalcitrants.
Mais cela n’a pas suffi et il fallait donc aller plus loin.
Ainsi qui mieux qu’une municipalité pour appliquer la loi contre le gaspillage alimentaire et devenir un laboratoire mondial ?
La ville de Courbevoie a reçu les agents de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) le 2 vendredi février 2024.
Ils sont venus de Rome pour constater et valider l’officialisation d’un chiffre record : 400 000 repas ont été économisés et redistribués à des associations caritatives pour que les démunis (classe moyenne représentant des mères ou pères célibataires élevant plusieurs enfants, des retraités, des chômeurs ou encore des étudiants) puissent manger à leur faim.[2]
Cette situation sociale démontre d’ailleurs que même dans une ville d’apparence « riche », la pauvreté a de multiples facettes. La pauvreté augmente et la classe moyenne décline.
Ainsi dans un rapport alarmant, le Secours Catholique a estimé que près de 10 % des Français ont recours à l’aide alimentaire.[3]
En effet, « entre 5 et 7 millions de personnes » ont eu recours à l’aide alimentaire en 2020 alerte le Secours Catholique dans son rapport annuel sur l’état de la pauvreté en France publié sur la base des données de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS).[4]
La ville de Courbevoie a donc fait preuve d’inventivité dans sa lutte contre le gaspillage alimentaire.[5]
Depuis 2020, avec son Maire Jacques Kossowski, nous avons lancé une campagne pour mettre fin au gaspillage alimentaire.
En France, le mandat d’un élu municipal est de six ans. L’objectif était donc de faire de notre ville un laboratoire mondial.
Avant toute chose, il convenait de faire un premier constat.
Depuis le 11 février 2016, la règle interdisant le gaspillage alimentaire est limitée aux seuls magasins de plus de 400 m2.
La loi a permis la distribution de plus de 10 millions de repas par an et ses effets positifs se sont immédiatement fait sentir.
C’est en effet une hausse de plus de 22 % d’invendus alimentaires qui sont destinés chaque année aux associations caritatives.
Cette loi a été applaudie dans le monde entier.
Mais au niveau local, il y a encore des marges de manœuvres permettant de faire reculer ce fléau.
En effet, cette loi exonère les deux tiers des supermarché implantés à Courbevoie car leur surface de vente est inférieure à 400 m².
Il a donc été décidé qu’avec l’aide de plusieurs start-up et acteurs sociaux et économiques, une charte contre le gaspillage alimentaire serait votée chaque année dans toutes les sphères d’activité de la ville :
- 2020 avec tous les supermarchés situés dans la ville sans délimitation de superficie
- 2021 avec restauration hospitalière
- 2022 avec restauration scolaire
- 2023 auprès des commerces alimentaires (commerces de bouche, restaurants, boulangeries, marchés)
- 2024 avec les maisons de retraite
Ces chartes d’engagement, une première en France, ont un objectif multiple :
- Créer des synergies pour que chacun puisse prendre part à ce combat et adapter ses pratiques
- Participer à la sensibilisation du grand public à la lutte contre le gaspillage alimentaire
- Contribuer à réduire l’impact économique de ces déchets
- Mettre en place des partenariats de dons alimentaires en faveur des associations conformément à la loi
- Promouvoir les partenariats avec les associations municipales
- Organiser des promotions « anti-gaspi », notamment pour les produits proches de la date limite de consommation (DLC)
- Proposer des ventes en gros ou à l’unité afin d’adapter les quantités achetées et réduire les emballages
- Favoriser le développement des produits frais, et développer des opérations marketing de sensibilisation (opération « Fruits et Légumes Moches », etc.)
- Mener une discussion avec les fournisseurs afin de définir une stratégie de contrôle contre le gaspillage alimentaire (chartes qualité des produits, etc.)
- Agir pour valoriser les déchets.
Par ailleurs, le 24 octobre 2022, la ville de Courbevoie a organisé une réunion de travail à l’Assemblée nationale dans le but de proposer un amendement à la législation française contre le gaspillage alimentaire. Les députés Karl Olive et Philippe Juvin étaient présents à la réunion.[6]
La proposition était simple : modifier la loi contre le gaspillage alimentaire promulguée le 11 février 2016.[7]
La ville de Courbevoie a spécifiquement proposé les amendements suivants :
- Réduire le plafond actuel de 400 m2 imposé aux supermarchés pour le réduire à au moins 100 m2 afin d’inclure plus de 5 000 points de vente supplémentaires.
- Augmenter les amendes actuelles de la 5ème classe représentant 10 000 euros à 20 000 euros contre les supermarchés qui continuent de jeter les invendus alimentaires consommables.
Fort de tout ce travail, la FAO a désigné la ville de Courbevoie « Ville verte mondiale » en 2024, lui accordant ainsi une reconnaissance formelle.
Nous appelons ainsi toutes les communes à décliner ces chartes qui ne coûtent rien aux contribuables.
Comme le rappellent les rapports du projet DrawDown (2020) et du GIEC (2022), la réduction du gaspillage alimentaire est l’une des trois principales solutions pour lutter contre le réchauffement climatique.
Nous ne dirons pas que nous n’étions pas informés.
Arash Derambarsh
Adjoint au maire en charge du développement durable dans la commune de Courbevoie
Il est à l’origine de la loi contre le gaspillage alimentaire votée le 3 février 2016 en France. En Suède, en 2019, il a reçu le « WIN WIN Gothenburg Sustainability Award ».
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[1] Banque Alimentaire : https://www.ba-81.org/actualites/blog-des-b%C3%A9n%C3%A9voles/323-la-france-pionni%C3%A8re-de-la-lutte-contre-le-gaspillage-alimentaire.html
[2] « Courbevoie lutte contre le gaspillage alimentaire » (BFM TV) : https://www.bfmtv.com/paris/replay-emissions/bonjour-paris/hauts-de-seine-courbevoie-lutte-contre-le-gaspillage-alimentaire_VN-202402050155.html
[3] « Pauvreté en France : 10% de la population a eu besoin d’une aide alimentaire en 2020 » (Université Paris Saclay) : http://www.ritm.universite-paris-saclay.fr/poverty-in-france-10-of-the-population-needed-food-aid-in-2020/
[4] Site Ville de Courbevoie : https://www.ville-courbevoie.fr/2195/lutte-contre-le-gaspillage-alimentaire.htm
[5] The law on Food Waste – From Courbevoie to Assembly : https://resource.co/article/law-food-waste-courbevoie-assembly-10198
[6] « Antigaspillage alimentaire: une proposition de loi pour «aller plus loin» (La Voix du Nord) : https://www.lavoixdunord.fr/1252076/article/2022-11-10/antigaspillage-alimentaire-une-proposition-de-loi-pour-aller-plus-loin
[7] Proposition de loi : https://acrobat.adobe.com/id/urn:aaid:sc:EU:727392be-c20e-4f68-b86d-dcc46fca7193