Tous perdants après l’échec du « conclave sur les retraites ? Les syndicats, le patronat, le Premier ministre ? Voire. Certains sont plus perdants que d’autres. A commencer par François Bayrou, qui a voulu cette concertation, présentée comme « sans totem ni tabou », tout en précisant que les modifications qui pourraient être apportées à la réforme Borne ne devraient pas remettre en cause son « exigence d’équilibre financier ». En introduisant cette limite, le chef du gouvernement pensait-il vraiment que son conclave puisse aboutir positivement ? En tout cas, le résultat lui donne tort. Quelle que soit l’issue de ses ultimes tentatives, le dialogue social seul n’aura pas fonctionné. S’il parvenait à ses fins, cela signifie qu’il aura fallu son intervention, autrement dit celle du pouvoir politique. Quoi qu’il en soit, Bayrou y aura gagné quelques mois supplémentaires à Matignon avant le rendez-vous à haut risque du budget à la rentrée. C’était du reste bien son objectif premier.
D’entrée, FO et la CGT ont jugé qu’il s’agissait d’un piège et quitté la table. Compte tenu du résultat, ils estiment aujourd’hui avoir eu raison. Peut-être, mais au moins, la CFDT aura prouvé qu’elle était à la hauteur de sa réputation de syndicat réformiste et constructif. Marylise Léon aura démontré qu’elle savait faire des concessions, et non des moindres, en acceptant le principe de l’équilibre financier à l’horizon 2030 et, surtout, en cédant sur l’âge légal, le fameux totem. Et ce, pour arracher quelques concessions importantes, notamment sur les carrières hachées et la retraite des femmes, acceptées par le Medef, En revanche, elle a bataillé en vain pour la prise en compte de la pénibilité des métiers dans le calcul de départ de l’âge à la retraite. Malgré cet échec – provisoire ? – la CFDT aura sauvé l’honneur en acceptant un challenge improbable au nom du dialogue social, son ADN depuis Edmond Maire et Laurent Berger en passant par François Chérèque.
Arc-bouté depuis toujours sur le refus d’un nouveau dispositif pour la pénibilité, le Medef s’est montré inflexible. Malgré la concession de taille de la CFDT, de la CFTC et de la CGC sur l’âge légal de départ demeurant à 64 ans, pas question de prendre en charge le coût d’un aménagement de la pénibilité qui s’élèverait à plusieurs milliards d’euros, ni d’accepter un départ plus tôt à la retraite pour les salariés concernés par ce critère. Et ce, malgré les exonérations de charges sociales patronales qui ont représenté une perte de recettes directes de 77,3 milliards d’euros en 2024 pour la sécurité sociale, d’après un récent rapport de la Cour des comptes.
Et dire qu’à l’automne dernier, le Medef avait signé une tribune commune avec les syndicats pour appeler à la responsabilité et à la stabilité de la gouvernance du pays ! Il est vrai qu’aujourd’hui, le Rassemblement national ayant annoncé qu’il ne voterait pas la motion de censure annoncée par le Parti socialiste, le risque d’instabilité est repoussé à l’automne. Et, en attendant, le patronat espère bien que la réforme Borne s’appliquera telle qu’elle avait été adoptée.
Carole Barjon
Editorialiste