Le 24 février, la Russie a lancé une offensive militaire contre l’Ukraine. Pour la Revue Politique et Parlementaire, Thomas Flichy de La Neuville fait chaque jour un point de conjoncture sur la situation.
Depuis le début des événements d’Ukraine, l’attention a été dirigée sur l’écume des évènements, c’est-à-dire les opérations militaires et leurs dramatiques conséquences humanitaires. Toutefois, la véritable confrontation entre les puissances maritimes et continentales se passe ailleurs, dans le champ géoéconomique. Ainsi, même si Vladimir Poutine réussit à se saisir militairement de la façade de la mer noire, il enregistre un net recul sur le plan géoéconomique. Les États-Unis en ont en effet profité pour ordonner le gel des actifs russes en euros et dollars et pour agiter la menace d’un débranchement du bras gazier Nordstream II, qui relie la Russie à l’Allemagne.
Pour le moment, le gaz russe circule normalement dans les pipelines d’Europe orientale, y compris ceux qui sont placés sous le champ de bataille ukrainien. Toutefois, le prix du kw/h de gaz est passé de 10 euros pendant la période COVID à 204 euros la semaine dernière. Ce sont les États qui comblent la différence en s’endettant. Or la baisse potentielle de livraisons russes ne sera jamais comblée par les exportations de GNL américain. Les infrastructures portuaires du nord de l’Europe ne sont pas en mesure de compenser ce manque éventuel d’énergie. Les États-Unis et la Russie, qui exportent vers l’Orient et l’Occident restent pour l’instant bénéficiaires de la hausse.
La grande perdante est l’Europe qui est en passe de lancer son premier emprunt lié à la guerre. L’Europe orientale va avoir besoin d’énergie. Sous ce rapport, les propositions françaises de livraisons de centrales nucléaires à la Pologne sont sérieusement concurrencées par l’offre américaine. Ayant balayé les velléités françaises de structurer une défense européenne, les États-Unis vont ainsi accroître leur emprise économique sur le vieux continent. Mais l’une des conséquences les plus inattendues de ce basculement est que les États-Unis auront besoin d’ouvrir le coffre-fort gazier iranien afin de maintenir à un niveau décent le niveau de vie de leurs classes populaires. Toute ploutocratie doit en effet satisfaire aux exigences minimales de confort de ses administrés. C’est donc à fronts renversés que l’Iran revient sur le devant de la scène géoéconomique. Les États-Unis vont lui faire une ouverture alors même que la Russie s’opposera à toutes renégociations sur le nucléaire. Vous pensiez l’Iran évacué de l’histoire ? Le voici au centre du jeu.
Thomas Flichy de La Neuville
Professeur d’université