Depuis ses origines, la Coupe du Monde de Football a été instrumentalisée à des fins politiques par des régimes ayant de lourds passifs au niveau du respect des droits de l’Homme.
Les exemples ne manquent pas. En 1934, Benito Mussolini a utilisé cet événement comme un outil de propagande permettant de répandre son idéologie fasciste à travers le monde.
En 1978, la Coupe du Monde s’est tenue en Argentine. Deux années plus tôt, le pays était confronté à un coup d’Etat. Une dictature totalitaire a renversé violemment le pouvoir, entraînant dans sa foulée la disparition de milliers d’opposants politiques. Ce pouvoir, qui a bafoué de façon éhontée les principes fondateurs des droits humains, s’est servi de la Coupe du Monde pour redorer son image.
À partir de 2018, alors que la Coupe du Monde se déroulait en Russie, des voix ont commencé à s’élever contre de telles pratiques. Des ONG comme Amnesty International ont alerté l’opinion, en pointant du doigt les choix de la FIFA, qui permettait décennie après décennie, à des pays totalitaires, d’accueillir cet événement sportif pourtant vecteur de fraternité et d’égalité.
Les associations humanitaires ne sont plus seules à agiter le drapeau rouge. Les joueurs font eux aussi entendre leur voix.
Ces derniers n’hésitent plus à exprimer leur citoyenneté en posant le genou à terre, en signe de protestation. Ils s’insurgent régulièrement contre le racisme qui peut gagner les terrains.
Ils sont aujourd’hui nombreux à clamer haut et fort leur désaccord sur les agissements du pays hôte du Mondial 2022.
La Coupe du Monde de Football de 2022 au Qatar
Un vent de révolte souffle en effet dans le monde du football suite à des révélations publiées dans la presse britannique en février dernier. Alors que la prochaine Coupe du Monde de Football doit se tenir l’an prochain au Qatar, il s’avère que cet Etat a fait appel à des milliers de migrants afin de construire les infrastructures liées au Mondial 2022. Ces ouvriers travaillent dans des conditions extrêmes et inhumaines. Près de 6.500 d’entre eux auraient trouvé la mort depuis décembre 2020. Parallèlement à ces faits ignominieux, des soupçons de corruption entoureraient l’attribution de l’organisation du Mondial 2022 au Qatar.
Tour à tour, les joueurs de la Norvège, de l’Allemagne, des Pays-Bas et de la Belgique ont exprimé leur indignation face à telles pratiques, contraires au respect des Droits de l’Homme.
Des appels au boycott de la Coupe du Monde de Football ont même été lancés afin d’alerter le plus grand nombre sur ce qui se déroule de manière cachée au cœur de cet Emirat aux multiples visages.
Le Qatar, une nation ambivalente
Le Qatar est l’une des nations du Moyen-Orient les plus clivantes au monde.
D’une part, ses apports au football français sont indéniables. Le Qatar a en effet permis de faire entrer le PSG dans le quarteron des meilleurs clubs qualifiés pour le titre de la Champions League.
D’autre part, l’Emirat est systématiquement pointé du doigt, aussi bien par les fans de football que par le grand public, pour des raisons éthiques. Et les arguments sont légitimes.
En effet, le Qatar ne respecte pas les Droits de l’Homme les plus fondamentaux.
Rappelons que l’appel au boycott du Mondial 2022 au Qatar repose sur des faits prouvés. Des milliers d’ouvriers exploités auraient travaillé dans des conditions inhumaines. Ils en sont morts.
Derrière ces événements tragiques liées au Mondial 2022, il existe au Qatar de nombreuses réalités amères, bâties sur le silence et le manque de liberté.
Dans un rapport publié fin mars 2021, l’ONG Human Rights Watch demande au Qatar de cesser les privations de liberté faites aux femmes. L’ONG dénonce notamment les mesures de tutelle floues, qui sous-entendent que les femmes doivent constamment demander l’autorisation à leur époux pour chaque acte du quotidien.
L’art d’utiliser le principe des Droits de l’Homme à son avantage
Pourtant, le Qatar n’hésite pas à agiter le principe des Droits de l’Homme pour rendre illégitimes les actions de pays voisins, comme l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis, qui rappelons-le, l’ont placé sous embargo.
Pour l’anecdote, Doha a organisé au printemps 2019 une conférence internationale, dont le but était de mettre en lumière le sort de ses ressortissants, qui étaient privés du respect de leurs droits humains par ses pays voisins.
Le Qatar, qui manie avec perfection l’arme de la communication pour mettre en joue ses adversaires, n’est pourtant en rien exemplaire, ni sur le plan éthique, ni sur le plan du respect des Droits de l’Homme.
En début d’année 2020, l’Emirat a fait adopter une loi qui supprimait le peu de liberté qu’il restait encore.
Non seulement ce pays sombre dans les ténèbres, mais il invite journalistes, touristes, sportifs et travailleurs à détourner les yeux et à passer leur chemin.
Le cheik Talal Al-Thani, prince héritier de la famille royale, fait lui-même l’objet d’un traitement inhumain selon les propos de son épouse Asma Arian, aujourd’hui réfugiée en Allemagne. Elle vient d’ailleurs d’interpeller le Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme, alléguant que son époux était torturé et maltraité en détention. Selon ses propos, cette incarcération aurait été actée « sans aucune forme d’inculpation. Cheik Talal Al-Thani a été emprisonné dans des conditions extrêmement dures et en violation de ses droits humains fondamentaux. Les mauvais traitements dont il a été victime ont mis sa vie en danger. Il a également été séparé de force de ses plus jeunes enfants et de moi-même ».
Il est évident que ce prince héritier n’est pas le seul à subir ce genre de traitements violents et contraires aux droits humains les plus fondamentaux.
Il semble illusoire de penser que la Coupe du Monde de Football 2022 puisse être annulée ou simplement boycottée par les équipes les plus prestigieuses du monde. Mais la vie étant en perpétuel mouvement, il se pourrait aussi que la révélation d’une nouvelle affaire, change la donne.
Dans tous les cas, il est toujours temps de faire entendre nos voix, de partager ensemble notre désapprobation face à de tels agissements qui se déroulent dans l’ombre, jour après jour, au cœur de cet Emirat.
Si le Qatar veut réellement jouer dans la cour des grands, il faudra qu’il s’ouvre, un jour, à la liberté, à la démocratie, à la justice et à la probité.
Nabil Fadli
Avocat à la cour