Les lignes qui suivent vont très certainement déplaire et bon nombre vont se dire que pour un juriste, a fortiori un constitutionnaliste, cela relève du scandale ! Qu’importe ! Selon nous il est des temps où il faut dénoncer un système qui court à sa perte. A notre perte.
Selon le Larousse, déclasser c’est faire en sorte de « rattacher à quelque chose de plus important, à l’objet principal ». Ce qui du même coup secondarise l’objet jusqu’alors principal. Dans notre esprit déclasser les grands textes ce serait les mettre en annexe de la Constitution. Cela nécessiterait bien entendu une révision.
Que voulons-nous dire par grands textes ? Lorsqu’on feuillette notre Constitution du 4 Octobre 1958, on constate qu’elle est précédée de textes importants qui sont la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946 et la Charte de l’Environnement de 2004. Ils sont la substantifique moelle qui regroupe nos principaux droits et libertés. Ils sont devenus l’Alpha et l’Omega du juge constitutionnel et, partant, des autres juges. A un point qui devient nuisible à l’Etat de droit lui-même.
- Premier grand texte que nous estimons devoir en quelque sorte descendre en division inférieure, c’est la Déclaration de 1789. Comme nous avons coutume de le dire à nos étudiants, l’étude de ces textes doit aussi toujours prendre en compte le contexte. Au risque de paraitre simpliste, disons que le contexte de 2023 est aux antipodes de celui de 1789 ! Pour renchérir sur J. Lang, 1789 c’est l’époque durant laquelle « les Français ont franchi la frontière qui sépare la nuit de la lumière. »
Nous nous sentons d’autant plus confortés que nous appartenons à l’Association des Amis de Robespierre et du Bicentenaire de la Révolution ! On ne reviendra qu’en quelques mots sur 1789. Comme le disait fort justement Mirabeau, à l’époque la France n’est alors qu’« un agrégat inconstitué de peuples désunis ». Elle est divisée en trois ordres. Celui qui possède l’essentiel, la noblesse. Celui qui dirige les esprits, le clergé et, l’immense majorité qui survit souvent dans une sorte de sous-développement, le tiers-état. L’abbé Sieyès nous dit le plus essentiel sur l’état social du pays. Qu’est-ce que le Tiers-État ? Tout. Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien. Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose. » A l’époque le prix d’une chandelle pour un chandelier de Versailles c’est près de cinq mois de salaire d’un ouvrier.
Le contexte de 1789 est aussi celui d’une monarchie absolue qui, depuis des siècles, a régné sans partage essentiellement à son profit. Au début de l’année 1789, la dette de l’Etat est énorme, le déficit est immense et les affaires stagnent. En environ dix ans, et pour faire face à l’inflation (déjà !!), Louis XVI a émis près de 500 millions de francs. Les guerres menées depuis Louis XIV, comme sa folie des grandeurs, ont creusé un gouffre dans les finances du royaume. On connait les maux de l’époque : déficit budgétaire abyssal, montée de l’aristocratie libérale et de la bourgeoisie, frustration populaire et notamment paysannes, début de famine, sous-développement au sein du tiers-état. Autant de facteurs qui vont générer le soulèvement de 1789. Face à une situation politique et financière catastrophique, Louis XVI se voit contraint de convoquer les États Généraux au début de l’été 1789. Une assemblée des trois ordres qui seuls peuvent décider de la levée de nouveaux impôts et engager la réforme du pays. Rien n’y fera. La situation peut être résumée par une image, celle d’une cocotte-minute qui va exploser !
C’est donc le 26 août 1789 qu’est adoptée la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen. Il s’agit bien entendu du texte fondamental de la Révolution française qui énonce un ensemble de droits naturels individuels et communs, ainsi que les conditions de leur mise en œuvre.
Des milliers de lignes ont été écrites sur ce texte. Rappelons simplement qu’il consacre, pour l’époque, les droits naturels et imprescriptibles de l’Homme : liberté, propriété, sûreté, résistance à l’oppression (art 2). Avant 1789 on peut dire qu’il n’existe d’Homme que biologique. En effet n’oublions pas que sous la monarchie il n’est point de citoyen mais des sujets. Et la plupart des membres du Tiers-Etat sont vivent dans une pauvreté terrible.
Précisons encore qu’on appelle monarchie absolue un régime où le monarque détient tous les pouvoirs et n’est contrôlé par aucune institution ou constitution.
Les historiens ont l’habitude de dire qu’il est cependant soumis aux Lois Fondamentales du Royaume. Rappelons que ces dernières ne concernent presque exclusivement que les règles de dévolution de la Couronne. Alors, et là encore au risque de choquer, on ne voit pas ce qui différencie sérieusement le monarque français du despote ou du tyran. D’autant qu’il nomme les ministres, les juges et les fonctionnaires selon son gré. Alors oui, la Révolution va libérer un peuple très majoritairement en souffrance et lui accorder des droits et des libertés qu’il n’a jamais connus. Et pour que cette Révolution triomphe et que les principes qu’elle consacre soient exécutés, elle va se doter de figures de proue : Robespierre, Danton, Couthon, … Comme dans toute période de ce type, il va y avoir les années-lumière et les années noires. Autrement dit pour que de grands principes libérateurs et protecteurs du peuple soient mis en œuvre, il va falloir que les personnalités au pouvoir s’en donnent les moyens. D’autant que conjointement à la révolution intérieure, il y a toujours des guerres aux frontières. Là encore, osons une expression qui nous chérissons. Il y a « les ennemis de l’intérieur et les ennemis de l’extérieur ». Personnage central de la Révolution, Robespierre entre le 27 juillet 1793 au Comité de Salut Public (véritable exécutif de la Révolution) où il participe à l’instauration d’un gouvernement révolutionnaire puis de la Terreur. Rappelons encore et toujours le contexte : guerre extérieure contre les monarchies coalisées, guerre civile (insurrections fédéralistes, guerre de Vendée…). Robespierre, nous y voilà. Il est sans doute le personnage le plus controversé de la Révolution française. Ses détracteurs (les Thermidoriens, les fondateurs de la IIIe République et les historiens de « l’école libérale » dont le chef de file fut François Furet) soulignent son rôle dans l’instauration de la Terreur et la nature autoritaire du Comité de salut public. Pour d’autres, dont nous sommes, Robespierre tenta de limiter les excès de la Terreur (qui ne devait être que temporaire), et fut avant tout un défenseur de la paix, de la démocratie directe et de la justice sociale, un porte-parole des pauvres. Surtout il fut réellement un « Incorruptible » et mena une vie modeste voire ascétique (ce qui ne fut pas le cas de beaucoup de ses amis…). On le sait peu mais il fut un des acteurs majeurs de la première abolition de l’esclavage en France. Sur ce dernier point, c’est suite à un discours phare dont il avait le secret que fut votée la première abolition de l’esclavage le 4 février 1794. Pour la première fois dans l’histoire, fut proclamée par la Convention nationale, cette abolition de l’esclavage près de quatre ans après l’adoption par l’Assemblée de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. A F. Furet, le censeur, il faut opposer les thuriféraires Soboul ou Mathiez. Ce dernier a notamment démontré que « L’incorruptible » avait plus épargné de gens que fait condamner (Etudes robespierristes, Vol 1 et 2 Armand Colin 1917-1918). Comme l’a si bien montré Marcel Gauchet, Robespierre est certainement dans l’histoire française « l’homme qui nous divise le plus » (Gallimard).
Quant aux excès des Terreurs (il y en a eu deux), on ne peut les nier. Quelle révolution (hormis peut-être celle des Œillets au Portugal ou les printemps arabes) ne fait pas de victimes directes ou collatérales ?
On le sait peu mais Robespierre a combattu Carrier qui fit des massacres à Nantes et Fouché « le mitrailleur de Lyon ». Il les a rappelé à Paris puis « placardisé ».
Lors du procès de Louis XVI, Robespierre énonça : « Louis doit mourir pour que la patrie vive. » Ce monarque était loin d’être aussi despote que ses proches prédécesseurs. Il était plutôt éclairé autant que débonnaire. Dans l’absolu ce n’est pas lui qui aurait dû être châtié. Mais, au risque de contrarier, il fallait un symbole. Comme une désincarnation physique d’un régime dont le pays, dans son immense majorité, ne voulait plus.
Dans cette Déclaration de 1789, un certain nombre de droits et libertés sont consacrés. Ils étaient vitaux à l’époque. Selon nous certains le sont moins à présent. On en prendra quelques-uns à titre d’exemple. Ainsi est consacré un principe essentiel : la présomption d’innocence (art 9).
Sous la monarchie absolue les sujets du roi peuvent, au nom de ce dernier, être embastillés pour n’importe quel motif.
Quant à la justice royale, elle est on ne peut plus expéditive et ignorante des droits de la défense. Le Code Pénal nous enseigne que : toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi. Il n’est pas certain que la presse soit toujours respectueuse de ce droit lorsqu’au fil des pages ou de certaines émissions TV, elle assène et répète que telle personne est mise en cause. Cela fait même l’objet de pleines pages voire de couvertures. Et lorsqu’un non-lieu, une relaxe voire un acquittement survient, cela fait tout juste quelques lignes le plus souvent. Sans compter les fuites de certaines affaires parfois orchestrées par quelques autorités policières, judiciaires voire des avocats ! Puisque de la présomption d’innocence il s’agit, nous rappellerons ce que nous avons déjà dit dans ces colonnes. Il est inadmissible de la faire jouer lorsqu’il s’agit de politiques et notamment de membre du gouvernement. Nous nous sommes positionnés depuis longtemps au soutien de la jurisprudence Bérégovoy/Balladur (remise en cause sous N.Sarkozy, étonnant ?). Tout ministre mis en examen doit quitter ses fonctions sine die. S’il est mis hors de cause, il peut revenir à son poste (ex : Tapie en 1991). Comme la femme de César, ses lieutenants doivent être irréprochables ! Actuellement il est inadmissible que M. Dupont-Moretti, Garde des Sceaux qui plus est, soit accusé de prise illégale d’intérêts et mise en examen devant la CJR, et reste en fonction. Plus encore que la présomption d’innocence, c’est le fait du prince qui le veut ainsi… Déjà au nom de ce droit à géométrie variable, il conviendrait de déclasser la Déclaration de 1789. Au pays de l‘Habeas Corpus , l’Angleterre, toute mise en cause d’un ministre entraine sa démission (même B. Johnson n’y a pas échappé).
Un autre type de libertés et droits concerne tout ce qui touche à la liberté d’opinions « même religieuses » (art 10 de la Déclaration). Sous la monarchie absolue, une seule opinion a droit d’expression, celle qui loue le monarque et la religion catholique. Avec la Révolution la liberté d’opinion est totale « pourvu qu’elle respecte l’ordre public établi par la loi ». C’est beau, c’est généreux. Mais depuis 1789, notre pays a dû subir les dérives parfois criminelles de l’Islam radical. On a même eu droit à des décisions du CC ou des arrêts du CE qui privilégiaient la liberté religieuse des islamistes sur notre sécurité. On y reviendra. C’est également, et toujours au nom de cette sacro-sainte liberté d’opinion, qu’on laisse l’idéologie anarchiste blacks bloc attenter à nos rues et à nos policiers. “La liberté enfante l’anarchie, l’anarchie conduit au despotisme et le despotisme ramène la liberté.” (H. de Balzac).
D’ailleurs il serait selon nous nécessaire d’instaurer dans notre législation pénale le droit d’intercepter préventivement lesdits blacks bloc. Ils sont environ 2000, on connait leur identité et les lieux où ils ont leurs campements (vers le plateau de Millevaches en Corrèze ou dans la région nantaise par exemple). On ne le peut pas justement car, comme vous et moi, ces délinquants (pour la plupart fichés S) bénéficient de ce droit à opiner, à défiler, à exprimer leur « mal-être » en quelque sorte. « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté » disait un autre grand révolutionnaire, Saint-Just.
C’est donc à cause de la Déclaration de 1789 que les forces de l’ordre ne peuvent procéder à des blocages préventifs de ces individus nuisibles à la société et dont on sait qu’à chaque fois ils vont venir casser et, un de ces jours on peut le craindre, tuer un policier.
Au risque de choquer mais de façon parfaitement assumée, nous estimons que la liberté de ces individus ne peut plus être l’égale de la nôtre. Alors il faudrait donc changer la donne et déclasser la Déclaration de 1789. Concrètement cela signifierait que la Déclaration de 1789 devrait devenir l’annexe N°1 de la Constitution de 1958.
Cette Déclaration consacre aussi « la liberté de communication des pensées et des opinions » (art 11). Cela va viser plus spécialement la liberté de la presse. Il était nécessaire de le faire car elle était inexistante ou tout juste sous le manteau (et passible d’emprisonnement). Mais là encore, il y a eu des dérives.
La liberté de la presse fait partie des critères qui séparent les démocraties des régimes autoritaires. On n’en disconvient nullement. Il est incontestable que l’on vit mieux de ce point de vue à Paris qu’à Pékin.
Toutefois nous constatons que c’est aussi au nom de cette sacro-sainte liberté, interprétée extensivement, qu’il y a eu des morts dans les locaux de Charlie Hebdo ou qu’un enseignant fut décapité dans un lycée de Conflans-Sainte Honorine. « Mourir pour des idées ? D’accord mais de mort lente » disait G. Brassens. Peut-on rire de tout ? Oui mais pas avec n’importe qui et pas n’importe comment. Une couverture avec un imam ou un curé en position compromettante ou comme un des derniers numéros de Charlie Hebdo la tête d’E. Macron tombant dans un escalier après décapitation, n’est pas normal. On pourrait parler aussi d’Hara Kiri. Rappelons-nous du proverbe : « qui sème le vent, récolte la tempête ». Il ne veut ni plus ni moins dire qu’une personne qui suscite volontairement le trouble ne doit pas s’étonner d’en subir les conséquences. Il est assez navrant de constater qu’en France, depuis quelques années, une certaine presse entretient le courant islamo-gauchiste
On en arrive ensuite à l’avant-dernier article que nous voulions étudier ici, l’article 17. Relisons-le : La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. Précisons ici que la propriété est le seul droit à être mentionné deux fois dans la Déclaration. Ce dernier est mis à mal depuis des décennies par le problème des squatteurs. Une nouvelle loi vient d’être votée à l’Assemblée qui veut mieux protéger les propriétaires. La principale mesure concerne les sanctions encourues par les squatteurs. Le texte prévoit de tripler la peine, avec jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende contre un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende jusqu’à présent. Le problème c’est que les squatteurs sont en général des gens socialement déclassés, sans réel moyens. Dès lors augmenter l’amende ne changera rien au fait qu’ils ne pourront pas la payer. Ensuite élever le nombre d’années d’emprisonnement ne changera pas grand-chose non plus car ils en feront à peine la moitié voire n’auront que du sursis. Même au nom du droit de propriété, il n’a pas été possible de donner plus de pouvoirs d’exécution (d’expulsion) aux préfets toujours entravés dans leur action par celle des associations droit de l’hommistes en tous genres ou quelques lenteurs judiciaires. Et puis surtout n’oublions pas que lorsqu’il s’agit d’expulser un squatteur, la question est toujours compliquée et la procédure longue, car elle oppose deux droits fondamentaux : le droit à la propriété et le droit au logement. On reviendra sur ce dernier. Certains préfets refusent toujours d’expulser des squatteurs parce que le logement n’est parfois pas le domicile de la victime. Et même avec la nouvelle loi en cours d’adoption qui protège le domicile plutôt que la propriété.
Comme on l’a conseillé à un de nos proches qui a travaillé sur le texte de loi, il aurait fallu s’inspirer de l’exemple québécois. À partir d’une étude de la législation, de la jurisprudence et d’une enquête de terrain à la Régie, les auteurs s’interrogent sur le droit en vigueur et la procédure relative aux deux cas précis autorisant l’expulsion pour des arriérés de loyer : le retard de plus de trois semaines et les retards fréquents. Ils décrivent une procédure expéditive notamment parce que le pouvoir discrétionnaire des magistrats pour tenir compte des obligations contractuelles des locateurs, de la proportionnalité de la décision, du témoignage et du préjudice des locataires est marginal. Il s’agit ainsi d’un contentieux largement « sans espoir », lors duquel les causes du non-paiement et les conséquences humaines et sociales de l’expulsion sont écartées (https://www.erudit.org/fr/revues/mlj/2016). Sauf à être mal informé, cette belle province de Québec n’est point une dictature !
Dernier article qui selon nous est sujet à caution, l’art 13 : Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. Cette contribution commune n’est rien d’autre que le lointain ancêtre de l’impôt sur le revenu. Or que constate-t-on depuis des décennies ? Que comme le souligne Agnès Verdier-Molinier, 10 % des contribuables payent 70% de l’impôt sur le revenu. La France est le pays de l’UE où ce dernier est le moins bien réparti. En augmentant ne serait-ce qu’à 20 % le chiffre des contribuables (la moyenne européenne est proche de 40%), on permettrait à l’Etat d’avoir plus de rentrée d’argent. Rappelons tout de même que c’est notamment pour payer les fonctionnaires et les services où ils œuvrent que cet impôt a été créé.
Ce manque à gagner énorme ne préoccupe pas spécialement ceux qui nous gouvernent. Donc nous estimons qu’il y a là un autre motif de déclasser la Déclaration de 1789.
Alors oui, cette dernière consacre des droits de l’Homme et du Citoyen qui étaient inconnus et ô combien fondamentaux voire vitaux en 1789. S’ils restent importants et gages d’un état de Droit qui se respecte, ils se sont « usés » ou plutôt ont été « usés » au fil du temps. Les juges constitutionnels et administratifs s’y sont beaucoup employés ces dernières années. Au risque d’instaurer ce que Jean-Eric Schoettl a fort justement appelé « le fondamentalisme droit de l’hommisme ». Au risque de desservir la cause qu’ils prétendaient défendre ie l’état de droit.
Il était légitime qu’en 1789 le peuple ait soif de droits car il n’en avait pas. Il n’avait que des devoirs aussi injustes les uns que les autres. La Déclaration a donc consacré l’essentiel à cet égard. Mais de nos jours on ne peut sérieusement contester que nous aurions un grand besoin de fixer une liste de devoirs. “C’est le devoir qui crée le droit et non le droit qui crée le devoir.” (Chateaubriand).
Nous n’hésitons donc pas à plaider ici pour une Déclaration des devoirs de l’Homme et du Citoyen !
- Le second grand texte qu’il faut selon nous annexer, c’est le Préambule de 1946. Là encore resituons bien le contexte. Lendemain de guerre. Une grande partie du pays est à reconstruire tant au niveau économique qu’industriel et social. Bien sûr que les démunis se multiplient et qu’il faut prodiguer aide et protection. Mais assez rapidement les choses s’améliorent et la France s’inscrit alors dans la période dite « Les trente glorieuses ». Elle est reprise du titre d’un livre de Jean Fourastié consacré à l’expansion économique sans précédent qu’a connu la France, comme les autres grands pays industriels, du lendemain de la Seconde Guerre mondiale jusqu’au choc pétrolier de 1973. Par la suite c’est une sorte de mouvement inverse qui s’en suit. Du fait de ce choc pétrolier mais aussi des défaillances de certains de nos gouvernants tant au niveau national qu’européen. La France tout particulièrement va s’enliser dans une dette publique devenue abyssale. Elle a atteint 2 950 milliards d’euros fin 2022 selon l’Institut national de la statistique et des études économiques. Quant à l’endettement la France est parmi les plus mauvais élèves de l’UE. Elle prévoit de réduire son déficit public à 2,7% du PIB en 2027. Bercy a annoncé récemment prévoir de faire baisser le déficit public sous la barre des 3% du PIB et le ratio d’endettement à 108,3% du PIB en 2027, atteignant ainsi en partie les objectifs fixés par le Pacte de stabilité et de croissance européen. Du côté de l’inflation, sa prévision a été relevée à 4,9% pour cette année.
Cette mauvaise situation économique est due aussi à un certain nombre de « principes politiques, économiques et sociaux, particulièrement nécessaires à notre temps » fixés par le Préambule de 1789. Ils ont souvent été interprétés de manière extensive et généreuse par certains présidents de la République.
Au premier rang desquels il faut mentionner F. Mitterrand qui, élu en 1981, va pour « ouvrir les vannes » pour satisfaire son électorat et endetter le pays pour 30 ans. On y reviendra.
Prenons quelques paragraphes significatifs d’un Préambule qui doit lui aussi être mis en annexe car il est beaucoup plus sujet à caution que la Déclaration. D’abord le §4 qui instaure le droit d’asile : Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République. Il n’est nullement dans notre intention de revenir sur ce droit qui permet aussi aux démocraties de se distinguer des régimes autoritaires. Ce n’est pas ce droit qui doit être remis en cause. C’est juste ce qu’est devenue son application au fil du temps. Nous ne sommes pas sûrs du tout que viennent en asile en France les seules personnes persécutées en raison de leur action pour la liberté. D’ailleurs les services consulaires et préfectoraux ont les pires difficultés à séparer le bon grain de l’ivraie parmi les candidats à venir en France. Qui peut objectivement établir une différence entre le demandeur d’asile et le migrant économique ? A notre sens personne. Alors qu’il était ministre de l’Intérieur durant le premier mandat d’E.Macron, G. Collomb avait été assez clair sur ce thème en 2018.
Il avait affiché sa volonté de « trier » les migrants, entre les « réfugiés des théâtres de guerre » et les « migrants économiques ».
Selon lui «il y a 95 000 demandes d’asile par an, c’est-à-dire une grande ville chaque année ». Et de dire une évidence : « si nous accueillons tout le monde, nous ne pourrions pas le faire dans de bonnes conditions ». 2022 est l’année où il y a eu le plus de demandes d’asile sur le territoire français : 156.103 précisément, soit une augmentation de 28% par rapport à 2021 (60 % refusées selon la Direction Générale des Etrangers en France).
Rocard, grand despote s’il en est (!) a estimé en 1989 au micro d’Anne Saint-Clair :
« […] je pense que nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde, que la France doit rester ce qu’elle est, une terre d’asile politique — nous sommes signataires de la Convention de Genève qui prévoit de donner accueil à tous ceux dont les libertés d’expression ou dont les opinions sont réprimées sur place — mais pas plus. »
Oserions-nous dire que tout est dit et toujours d’actualité. Ce droit d’asile, devenu assez dévoyé, doit être géré avec plus de lucidité et d’efficacité.
Le §5 de ce Préambule énonce : Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. Il faut noter d’emblée qu’il s’agit du premier texte qui, depuis 1789, instaure un devoir. Lorsqu’on lit la première phrase, il est aisé de constater qu’elle est en deux parties. Lorsqu’on observe depuis quelques décennies déjà notre société, on doit à la vérité de dire que la première partie est devenue quasi chimérique au profit de la seconde. En effet avec le choc pétrolier des années 70, le chômage est devenu le fléau des sociétés occidentales et particulièrement en France.
Les années Mitterrand de grande générosité (nationalisations par ex) ont aggravé les choses. Dès lors le chômage a augmenté à vitesse V depuis les années 80 pour culminer à près de 5 millions à la fin des années 90. Il est devenu un chômage de masse.
Or les données se sont vraiment améliorées à la fin du mandat de F. Hollande. Mais c’est avec E. Macron que le taux de chômage s’est le plus réduit. Selon les derniers chiffres publiés le taux est à 7,2% selon l’Insee. On n’a pas vu ça depuis 2008.
« La meilleure façon de lutter contre le chômage, c’est de travailler » disait R. Barre. Même s’il n’est jamais facile d’être en situation de chômage, un certain nombre de chômeurs semblent se complaire dans cette situation. Les raisons ? En France on a plus insisté sur la seconde partie de la phrase : droit d’obtenir un emploi. Et l’on a mis en place l’ANPE puis Pôle Emploi. Et surtout l’assurance-chômage qui, pour un trop grand nombre de bénéficiaires consiste ni plus ni moins qu’en un assistanat. Retrouver le plein emploi est un leurre total selon bien des experts. Même si le président de la République s’est engagé pendant la campagne présidentielle à faire que la France le retrouve d’ici 5 ans. Plus que cet objectif inaccessible (aucun pays d’Europe n’y est parvenu), il faut passer par un ensemble de réformes qui comprennent l’adaptation de l’assurance chômage, la réorganisation des services autour d’un guichet unique dénommé « France Travail » ainsi qu’une réforme du RSA. En 2019 une réforme a été impulsée sous l’égide du gouvernement pour modifier l’assurance-chômage. Elle vise trois objectifs tout à fait positifs à notre sens : lutter contre le recours abusif aux contrats courts avec notamment l’instauration d’un bonus-malus sur les cotisations chômage pour les entreprises afin de les inciter à embaucher sur des emplois de longue durée ; faire en sorte que le travail paye plus que l’inactivité en établissant de nouvelles règles d’indemnisation qui incitent à la reprise de l’emploi ; renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi avec le recrutement de 1 000 nouveaux conseillers par Pôle emploi et la mise en place de deux demi-journées d’accompagnement intensif. Un guichet unique est aussi annoncé. La France est un des seuls pays de l’UE où l’on peut gagner (bien) plus en étant au chômage qu’en activité. Chaque lecteur connait au moins un cas de ce type dans son entourage. De même en « jonglant » avec les règles du chômage, il est possible de vivre quelques années correctement. A cet égard nous recommandons cet ouvrage Thierry F, Moi Thierry F., chômeur professionnel, Albin Michel, 2006. Certes dix-sept ans ont passé et les textes se sont raidis. Mais nous ne résistons pas à un extrait : « Je n’ai rien fait d’extraordinaire pour en arriver là. Je me suis contenté de suivre la législation française à la lettre. Car je suis la mémoire vivante de toutes les aides existantes, de tous les règlements de l’Assedic et de l’ANPE (…) J’en ai traqué les bizarreries, les contradictions parfois. Et c’est ainsi que je suis devenu ce que je suis : un chômeur professionnel parfaitement respectueux de la législation en vigueur. Un indemnisé chronique, quoi. » Tout est dit.
Lorsque l’on parle du devoir de travailler on ne peut que s’étonner qu’il y ait en France autant d’emplois vacants. Au total, on compte 364 500 emplois vacants au 4e trimestre 2022, en baisse par rapport au trimestre précédent (-2 %). Le nombre d’emplois vacants recule dans le tertiaire marchand (-9 %), alors qu’inversement il progresse dans la construction (+10 %), le tertiaire non marchand (+8 %) et l’industrie (+4 %).
Il faudrait être plus strict dans le suivi des chômeurs qui abusent du système.
Selon un rapport de la Cour des comptes de septembre 2020, la fraude sociale concernant l’allocation-chômage se monte, pour 2019, à 211,8 millions d’euros de préjudices subis ou évités. Ce chiffre doit évidemment être pris avec des pincettes, puisqu’il ne concerne que les fraudes identifiées. Disons tout de même que cette fraude est bien inférieure à la fraude fiscale. En effet la fraude à la TVA représente à elle seule, selon l’Insee, entre 20 et 25 milliards d’euros par an. Partie émergée de l’iceberg, les montants mis en recouvrement par le fisc après contrôle fiscal ont atteint en 2022 14,6 milliards d’euros, soit 1,2 milliard de plus qu’en 2021. Il est bien évident que cette triche des « possédants » est encore plus grave. En effet elle porte atteinte à l’égalité fiscale qui est énoncée par la Déclaration de 1789. Et là on ne doit compter que sur les services fiscaux pour œuvrer.
Par la suite le Préambule de 1946 décline toute une série de droits sociaux qui, s’ils étaient plus que nécessaires à l’époque, sont pour certains devenus problématiques à notre époque. On en arrive au §7 : Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. C’est la première fois en France que ce droit est reconnu. De façon générale le droit de grève est un droit bénéficiant à tout salarié dans l’entreprise, sous conditions. La grève est définie comme étant la cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles. Elle entraîne une retenue sur le salaire du salarié gréviste (sauf exceptions). Depuis le début des grèves contre la réforme des retraites, un grand nombre de salariés le vivent à leurs dépens. Quant au secteur public, et contrairement à ce que l’on pense, le droit de grève est reconnu aux agents publics. Là encore sous certaines conditions (perte de salaire notamment). Il fait aussi l’objet de certaines limitations. En effet un certain nombre d’agents n’y ont pas droit : fonctionnaires actifs de la police nationale, gardiens de prison, magistrats judiciaires par exemple. Gendarmes et militaires en sont interdits aussi. Certains hauts fonctionnaires également : préfets, ambassadeurs, recteurs. La catégorie qui exerce le plus le droit de grève ce sont les enseignants du public. Les agents publics territoriaux et hospitaliers ont aussi ce droit. Nous sommes pour une interdiction du droit de grève dans la fonction publique. Un fonctionnaire a deux privilèges : une sécurité d’emploi et un salaire assuré à la fin du mois. Ce n’est pas le cas dans le privé.
Il faut préciser ici que ce droit de grève doit cohabiter avec un principe consacré par le CC la continuité du service public. Contrairement à ce qui est dit parfois, ce principe de continuité n’est absolument pas inscrit dans la Constitution. Il a été consacré par le CC (décision 79-105 DC du 25 juillet 1979). De facto il n’est pas une règle constitutionnelle mais a seulement valeur constitutionnelle.
En France, et notamment dans les transports publics, la continuité de service public est très largement écartée au profit du droit de grève. Le service minimum n’est qu’un « slogan » (C. Beaune ministre des Transports). Dès lors c’est l’usager et lui seul qui en pâtie. Et dès qu’une loi est prévue pour réglementer la grève, le CC ne tarde jamais à la censurer comme contraire au droit de grève ! Le serpent se mord la queue.
Dès lors si le principe de continuité du service public apparaît en théorie comme le pendant du droit de grève des agents, il n’est en réalité effectif que dans les cas particuliers où la grève est susceptible de porter atteinte à l’ordre public.
Un de nos éminents collègues a décrit un jour « le service public à la française » comme le service public en grève !!
Dans de nombreux pays de l’UE la grève n’est pas constitutionnalisée et cela permet plus de pragmatisme et d’adaptabilité.
Les § 10, 11, 12 et 13 du Préambule consacrent des principes sociaux plus spécifiques. Par ordre d’apparition les voici : La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement (10). Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence (11). La Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales (12). La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir d’Etat (13).
C’est ce que l’on appelle les droits à l’assistance sociale de l’Etat. Redisons que le contexte de l’époque c’est l’immédiat après-guerre. La France est un pays assez décimé composé notamment de veuves avec ou sans enfants, d’orphelins, de personnes âgées en détresse, d’indigents en tous genres. Dans les usines qui tournent encore, les travailleurs sont soumis à des conditions le plus souvent indignes. Si le pays doit être reconstruit économiquement, il doit l’être aussi sur la base de droits sociaux nouveaux. On l’a dit plus haut, on y parvient et la France va vivre assez vite les Trente Glorieuses.
De nos jours, il apparait que certains de ces droits sociaux sont devenus, notamment du fait d’une interprétation souvent ultra protectrice de ceux qui nous gouvernent ou nous jugent, une sorte d’entrave à la bonne marche de la Nation. La France consacre 33,3 % de son produit intérieur brut (PIB) à la protection sociale, soit 834 milliards d’euros par an (La protection sociale en France et en Europe en 2021 – Drees Ministère de la Santé). On est passé devant certains pays nordiques pourtant leaders en la matière. Mais eux pratiquent une assistance plutôt sélective sans être pourtant des dictatures (où alors quelque chose nous a échappé !). Si l’on prend l’exemple des 35 heures on s’aperçoit qu’au total, l’ensemble du dispositif destiné à abaisser le coût des bas salaires pour les entreprises et à compenser la hausse du SMIC (résultant des 35 heures) ferait peser sur le budget de l’État une charge annuelle de 22 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter les 4 milliards du dispositif d’encouragement aux heures supplémentaires (sénat.fr).
Si l’on prend un second exemple, l’Aide Médicale d’Etat. Selon le rapport d’une députée, l’aide médicale d’État a coûté 1,2 milliard d’euros aux contribuables en 2022 et l’addition ne cesse de s’allonger (rapport parlementaire de la députée LR Véronique Louwagie, 2023). Et ce rapport de constater que cette même AME permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins gratuit (100% des frais médicaux et hospitaliers couverts) à condition de séjourner en France depuis au moins 3 mois. Ses bénéficiaires (+ 5,9% entre 2021 et 2022) échappent au parcours de soins coordonnés. Si on intègre les frais de gestion du dispositif et des créances irrécouvrables des hôpitaux laissées par certains clandestins, le coût de cette béquille sociale s’élevait donc à 1,2 milliard d’euros en 2022. Et la députée de souligner qu’« en l’absence de réforme, ce montant devrait continuer de croître durant les prochaines années ».
On peut aussi parler des cartes vitales. En 2022, le montant de la fraude détectée par l’assurance maladie s’élevait à 316 millions d’euros, soit environ 0,1% des prestations servies. La fraude réelle représenterait entre 3% et 5% des prestations servies. La mise en place d’une carte Vitale biométrique permettrait-elle de renforcer significativement la lutte contre la fraude ? La CNIL y est défavorable (là encore sacro-saint droits et libertés…). On s’achemine vers une fusion de la carte vitale et de la carte d’identité.
A noter que les fraudes à l’assurance-maladie sont à 80% le fait des professionnels de santé, pointe la Cour des comptes, qui regrette le manque de contrôles.
Au 30 septembre dernier, ce viatique médical profitait à 403 144 personnes. C’est 20,5% de plus qu’en 2019. Le rapport propose pour limiter le coût du dispositif, la députée de recentrer l’AME sur les soins urgents ou, à défaut, de redéfinir le panier de soins disponible pour en exclure certains gestes médicaux. C’est une solution. Mais il en est une autre qui, on le sait ne va pas plaire. C’est de couper le robinet de l’immigration clandestine au moins de façon temporaire. Le droit d’asile, certes est consacré par la Constitution (alinéa 4 du Préambule de 1946 et art 53-1). Mais il est réservé aux migrants politiques. Les migrants économiques ne peuvent théoriquement en bénéficier. Même si elle doit y prendre sa part (et elle le fait plus que la majorité des pays de l’UE) la France, on l’a dit, « ne peut accueillir toute la misère du monde » soulignait avec justesse Michel Rocard. Lorsque de Gaulle de son côté clamait « C’est beau, c’est généreux la France » nous étions au début des années 60 lorsque notre pays avait besoin de main d’œuvre qu’elle se devait de bien traiter.
Un projet d’Aide Médicale Universelle a été proposé par Mme Dumont autre députée LR. Cette AMU recentrerait la solidarité française sur la prise en charge des situations les plus graves et sous réserve du paiement d’un droit de timbre par les personnes prises en charge. Il est des pays proches de nous qui ont drastiquement réduit les aides aux étrangers en situation clandestine (ou pas d’ailleurs). On pense au Portugal par exemple. Les pays nordiques sont devenus beaucoup moins généreux (Finlande par ex).
Il faut savoir qu’un clandestin coûte un minimum de 14.000 euros. Un rapport de la Cour des comptes de mai 2020 estime ainsi, pour l’année 2018, « que chaque journée de retenue en métropole a représenté une dépense de 622 euros […] en progression de 30 % en un an ». De même la rétention administrative coûte aux Français 690 €/jour et par clandestin. Ce chiffre quelque peu effarant est celui de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot pas spécialement réactionnaire ( https://www.bvoltaire.fr/, octobre 2022).
Il n’y a pas de raison de ne s’en prendre qu’à la Déclaration de 1789 et au Préambule de 1946. Il faut aussi faire un sort à la Charte de l’Environnement de 2004. S’il n’est qu’un principe à vilipender c’est celui dit de précaution.
S’il permet peut-être d’éviter des dommages écologiques et humains, le principe de précaution est souvent un frein au progrès et à l’innovation en matière économique et industrielle. Il en va de même pour le principe « pollueur-payeur ».
Il est légitime de sanctionner celui qui pollue. Mais, à l’inverse, on ne peut empêcher ce dernier de se dire que dès l’instant où je paye, je peux polluer.
Nous avons parlé au début de notre analyse d’un nécessaire déclassement de nos grands textes. On pourrait se dire aussi qu’ils n’y sont finalement pour rien. Les principaux responsables sont ceux qui les utilisent au premier rang desquels le Conseil Constitutionnel et, à degré moindre, le Conseil d’Etat. Depuis des décennies les Sages du Palais Royal, où ne figurent plus de juristes émérites (constitutionnalistes par ex), sont sourds à tout réalisme social voire sociétal. Actuellement il faut savoir que l’essentiel des décisions se jouent entre L. Fabius et A. Juppé. Ainsi la loi de 2020 en matière de terrorisme et notamment le port obligatoire d’un bracelet pour les terroristes et radicalisés sortant de prison, a été censurée sur cet aspect-là. Le juge constitutionnel a estimé que nos droits et libertés (aller et venir notamment) primait sur le droit à la sécurité.
Oyez, oyez bonnes gens, au pays de Voltaire et d’Hugo, un terroriste (qui a déjà blessé ou tué) ou un radicalisé (qui blessera ou tuera) détient les mêmes droits que vous ! C’est ce qu’on appelle « le gouvernement des juges ».
Le général de Gaulle, depuis sa dernière demeure de Colombey, doit se retourner une fois encore, dans son caveau. Lui qui accepta uniquement comme concession (notamment à Debré) la présence du Conseil dans sa Constitution ! En aucun cas il n’aurait toléré ce qu’il est devenu. Comme l’a souligné fort justement Jean-Eric Schoettl ; il existe une dérive des décisions du CC qui risquent de mettre à mal notre édifice républicain. Il y a une incontestable inversion des valeurs. C’est ce qu’il appelle à juste titre « le fondamentalisme droit de l’hommiste ». On pourrait aussi estimer que certaines décisions mais surtout certains comportements au sein de quelques administrations françaises (universités par ex) relèvent de ce que notre collègue et ancienne ministre, Frédérique Vidal, appelait « l’islamo gauchisme ».
Pour ce qui est du Conseil d’Etat le mal est moindre. En effet depuis quelques années on note qu’il sait faire preuve d’un « nécessaire réalisme » (D. Kessler). Un exemple avec la fermeture de mosquées salafistes. Le CE a validé plusieurs décrets pris par le Ministre de l’Intérieur à cet égard. En province certains tribunaux administratifs savent désormais se montrer stricts en matière d’immigration illégale (TA de Clermont-Ferrand par exemple). Au grand dam d’associations et avocats en tous genres pour qui le réalisme n’est pas une vertu partagée et qui ont cédé au wokisme.
Désolé encore de décevoir ceux qui croyait qu’un constitutionnaliste était fatalement un défenseur acharné des droits et libertés. Bien sûr que ces derniers sont essentiels, nous ne le nions nullement. Mais il s’avère qu’à la longue, le temps a fait son œuvre, les hommes et avec eux la société ont évolué (par toujours dans le bon sens). Il existe de plus en plus d’antagonismes entre la réalité sociale du pays et ces grands textes. Et surtout un fossé se creuse entre ceux et celles qui les appliquent et la population.
Dès lors, étant donné qu’on ne peut toucher le fond de ces textes, il nous parait le temps venu de les déclasser. C’est-à-dire les positionner en annexe de la Constitution. Ce serait aussi une manière de les désacraliser et peut-être d’enlever un peu de pression sur les épaules du Conseil Constitutionnel !
On peut aussi songer à une Charte des Devoirs du Citoyen ?! Puisque le président Macron a un projet de révision, osons !
Achevons avec une grande femme qui a su, plus que quiconque, ce que c’était d’être privée de ses droits, de sa liberté et de souffrir dans sa chair. « Et puis, autre chose me gêne dans ces droits de l’Homme prétendument universels, c’est que, précisément, ils ne le sont pas. Il y a toujours deux poids, deux mesures. Quand il s’agit de négocier des accords commerciaux avec la Chine, le silence est d’or. Quand on cherche à séduire Poutine, on lui décerne volontiers des brevets de civisme, passant sous silence ses manquements aux sacro-saints droits de l’Homme. » (Simone Veil – 1927-2017 – Une vie, 2008)
Raphael Piastra
Maitre de Conférences en droit public des Universités