De l’avis quasi-général, le projet de loi sur « l’aide à mourir » présenté par le président Macron dans les colonnes de La Croix et de Libération, le 11 mars dernier, marque un incontestable progrès sur la loi Claeys -Léonetti (qui permet la sédation continue et prolongée pour les malades agonisant – loi cependant peu connue et mal appliquée).
Le futur projet de loi comporte en réalité trois volets : un premier volet sur les soins palliatifs (insuffisamment développés en France), un deuxième volet sur le droit des patients et des aidants et un dernier volet sur l’aide à mourir. C’est ce dernier volet qui retiendra ici notre attention.
M. Macron évite, prudemment, de parler d’euthanasie et de « suicide assisté », de « droit à la mort ». Le futur texte, explique-t-il, offrira (seulement) « la possibilité (à certains malades) de demander une aide à mourir sous certaines conditions strictes ». « Aide à mourir », c’est l’expression simple choisie par le président. Ce texte est en réalité un texte de compromis : il fallait, en même temps, réaliser un progrès significatif dans la gestion de ce dossier sensible et ne pas heurter les « oppositions philosophiques et religieuses », en les respectant.
D’où le choix de M. Macron d’un texte voulu « humaniste » et de « fraternité ».
Texte de progrès qui n’atteint cependant pas les ambitions exprimées par les lois belge et suisse. Rappelons qu’en vertu de la loi belge de 2002 sur l’euthanasie, peuvent décider de mettre fin à leur vie les personnes atteintes d’une maladie incurable et frappées de souffrances constantes et inapaisables. Ces personnes doivent, selon la loi, exprimer leur volonté sans ambiguïté. Enfin, son application est soumise à l’accord préalable de deux médecins dont un psychiatre. Précisons que les malades peuvent faire leur demande d’euthanasie dès l’apparition des prémices de la maladie incurable.
Quant à la loi suisse, qui n’autorise pas l’euthanasie mais tolère le « suicide assisté », elle s’applique aux personnes en proie à une souffrance insupportable mais capables d’exprimer un plein discernement.
La future loi française n’offre pas le choix libre et inconditionnel de disposer de sa vie (définition même du suicide assisté). Elle est, rappelons-le, une « aide à mourir ». Cette aide est accordée aux personnes répondant à des critères stricts : elles doivent être majeures, atteintes d’une maladie incurable ou dont le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme, pleinement conscientes (ce qui exclut a priori les personnes souffrant de maladies psychiatriques ou de maladies neurodégénératives altérant le discernement comme Alzheimer), enfin exposées à des souffrances physiques ou psychologiques réfractaires, c’est-à-dire ne pouvant être soulagées. Le texte prévoit enfin que la décision d’accorder ou non « l’aide à mourir » appartient à une équipe médicale. Si elle est positive, c’est le patient lui-même qui devra s’administrer la substance létale (ou une personne volontaire qu’il aura choisie, s’il ne peut le faire lui-même). Si, au contraire, elle est négative, le patient pourra faire une deuxième demande à une autre équipe médicale.
*Le texte de loi n’est pas figé : il pourra bien sûr être amendé par les parlementaires.
Plusieurs questions se posent. Par exemple, les malades physiquement incurables (comme les cancéreux) doivent-ils être les seuls à entrer dans le champ d’application de la loi ? Quid des malades psychiquement désespérés qui, à la suite du décès de leur conjoint notamment, sombrent chaque jour un peu plus dans le dégoût de la vie, une vie qui a perdu tout attrait pour eux ? Faut-il les contraindre à rester de ce monde ? Par exemple encore, les personnes majeures doivent-elles être les seules destinataires de la loi ? En Suisse, les mineurs ont droit à revendiquer le suicide assisté. Ne pourrait-on imaginer en France qu’à partir de 15-16 ans, alors que l’on dispose de la majorité sexuelle, de la liberté contraceptive, de divers droits sociaux comme la possibilité de signer un contrat de travail, de créer une association, d’adhérer un syndicat … de faire le Service national universel, l’on puisse aussi décider de sa fin de vie ?
Enfin, est-il normal que la décision de la mort soit une prérogative des médecins, autrement dit de « tierces personnes », et non pas son propre choix, éclairée certes par la médecine ? La fin de vie n’est-elle pas une question intime ?
L’État donne-t-il la vie ? Non. Alors, peut-il, fut-ce en s’appuyant sur l’avis du corps médical, décider de ne pas y mettre fin ?
J’ai l’intime conviction que la vie nous appartient (n’avons-nous pas le droit au suicide ?). Comme les femmes qui, avec l’IVG, disposent librement de leur corps, n’avons-nous pas le droit de disposer librement de notre vie ?
Le droit à la mort ne pourrait-il être considéré comme un droit fondamental de la personne humaine ? J’ai pour ma part la « faiblesse » ? de le penser.
Une chose est certaine, nul ne décidera de ma mort à ma place. J’aurai le dernier mot.
Michel FIZE, sociologue et politologue
Auteur de « La mégalothymia d’Emmanuel Macron : essai de psycho-analyse », Independently published (Amazon), 2023