Les propos portés par cette Tribune libre ne reflètent que la pensée de l’auteur et n’ont aucun lien d’aucune sorte avec les positions publiques ( ou non ) du Groupe EDF.
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L’énergie, c’est tout à la fois le « sang de notre économie » (Yves Brechet, l’ex-haut-commissaire à l’énergie atomique qui a préféré renoncer à une rémunération de 10.000 euros mensuels pour ne pas être complice » des décisions prises par les gouvernements successifs), c’est-à-dire la compétitivité, le développement, l’emploi ; la souveraineté et la sécurité ; et aussi l’avenir de l’humanité via la réussite ou non de la transition énergétique. Et en France, l’énergie, c’est EDF.
Le sujet, dont on a rarement autant parlé, sauf peut-être au moment des deux crises pétrolières des années 70s, reste pourtant largement méconnu, un peu comme s’il avait lentement gagné le statut de bruit de fond, dont tout le monde est vaguement conscient, mais que personne finalement n’écoute vraiment.
Essayons de revenir sur quelques points clefs.
On a beaucoup écrit sur le rôle joué par l’Allemagne dans la descente aux enfers de notre champion national, EDF.
Indéniablement, c’est vrai, l’Allemagne a joué sa partition, pour des raisons de politique interne, mais tout en cherchant aussi à affaiblir notre pays (et c’est un européen convaincu, né à Strasbourg, ayant travaillé à Munich et germanophile qui le dit).
Politique interne : tout d’abord les élus allemands, comme les nôtres, ont cherché à négocier des accords électoraux pour prendre le pouvoir dans leur propre pays. Chez eux comme chez nous, le poids des « verts » est devenu subitement plus important que leur poids réel dans l’électorat. La question n’est même pas de savoir s’ils ont été manipulés ou non par des lobbies venus de l’Est (versements de Gazprom à Greenpeace Allemagne) : le fait est que plus encore que chez nous, ils sont devenus incontournables. Les gouvernements allemands, passés sous les fourches caudines de leurs partenaires écologistes, ont donc accepté de fermer leurs centrales nucléaires. En prétextant un remplacement progressif par des ENR solaires et éoliennes, pourtant intermittentes et plus carbonées (chiffres approximatifs pour donner une idée : 5g CO2 kWh pour le nucléaire, 11g pour l’éolien, 48g pour le solaire, 400 g pour le gaz et 1000 g pour le charbon), rendant le recours au gaz, ou pire au charbon, inévitable. La proximité de l’ex-chancelier Schröder avec Gazprom (devenu son employeur, un fois son mandat terminé – personne ne croira que ça s’est décidé subitement à cette échéance, sans contacts préalables) a-t-elle joué dans cette décision ? C’est très vraisemblable.
Affaiblir notre pays : Toujours est-il qu’en abandonnant le nucléaire, l’Allemagne s’est rendue dépendante du gaz russe, et a sacrifié son industrie. On le voit actuellement avec l’effondrement de l’indice de confiance des entrepreneurs allemands, et la volonté affichée par de nombreux chefs d’entreprises de délocaliser, notamment vers les … Etats-Unis (le pays qui vend aussi du gaz de schiste – et des avions de combat F35 – aux européens, et qui tire donc un bénéfice financier direct de l’arrêt du nucléaire).
On comprend aisément que pour l’Allemagne, la France, qui est un allié, est aussi un concurrent commercial.
Et que moins ce concurrent est performant, plus l’Allemagne est performante en données comparées. Or le coût de l’énergie est un facteur clef de la compétitivité industrielle. Abattre EDF, c’était donc la meilleure solution pour faire vaciller d’un coup d’un seul l’ensemble de le production industrielle française, et au-delà, toute notre économie.
Comment ? De toutes les manières possibles : en demandant le découpage d’EDF (finalement mis de côté moyennant une contrepartie, la mise en place de l’ARENH, ce poison pour EDF), en faisant le nécessaire à Bruxelles pour que le nucléaire ne puisse pas bénéficier des mêmes aides que les autres énergies, pourtant plus polluantes, en obtenant la fermeture de Fessenheim, bref, en faisant tout et tout le temps pour nuire à l’atome. Y compris jusque chez nous en France via certaines fondations qui ont des bureaux jusque dans les locaux de nos administrations ! Voire à ce sujet les études très complètes publiées par l’Ecole de Guerre Economique.
Accuser nos amis Allemands de tous nos maux serait pourtant profondément injuste. Henri Proglio, ex-patron d’EDF, ne dit rien d’autre : « Il était naturel que l’Allemagne veuille détruire EDF. J’en veux davantage à notre gouvernement qui n’a pas défendu le nucléaire ».
Tout d’abord, mêmes causes, mêmes effets : pour gagner le pouvoir, nos élus de tous bords ont composé avec les écologistes politiques, avec les conséquences désastreuses que l’on sait.
Abandon de Superphénix et d’Astrid (toute l’avance que nous avions sur la génération IV du nucléaire à la poubelle – et avec elle nos ambitions en terme d’avance technologique et de retraitement des déchets pour « boucler la boucle »), plus aucun chantier nucléaire (d’où perte de compétence à EDF et au sein de la filière, il ne faut pas chercher ailleurs les difficultés du chantier de Flamanville), priorité donnée au solaire et à l’éolien … intermittents … qui imposent la consommation accrue de gaz. On connaît parfaitement les effets. On a vu chez nos voisins d’outre Rhin.
Passons rapidement sur la 5ème colonne : quand on a des amis comme Dominique Voynet (ex-ministre qui a expliqué face caméra comment elle avait menti et désobéi à son propre gouvernement pour nuire au nucléaire) ou Corine Lepage (ex-ministre, également avocate, à l’origine de multiples procès contre l’Etat français pour nuire elle aussi au nucléaire), on se passe d’ennemis.
Au sein de notre classe politique, l’incompétence, l’amateurisme et l’opportunisme politique ont été mis au grand jour par les travaux de la récente commission d’enquête parlementaire sur la perte de souveraineté énergétique de la France. Difficile de choisir entre toutes les « pépites » contenues dans les auditions mises en ligne. On se contera de citer les propos de François Brottes, ancien patron de RTE, qui reconnait à la fois la primauté des « accords politiques », sur toute autre considération, l’absence d’étude pour voir par quoi on allait remplacer le nucléaire, et l’absence d’étude pour savoir si oui ou non il y aurait assez de métaux rares pour construire les éoliennes et les panneaux solaires dont on allait avoir besoin. Juste incroyable. Mais vrai. Il ne faut pas oublier non plus de s’interroger sur toutes les mesures qui ont affaibli, pour ne pas dire saigné, notre champion EDF : investissements hasardeux à l’étranger, dividendes exorbitants, tarifs bloqués et utilisés comme instruments politiques, mise en place de l’ARENH à l’initiative de la France ( ! ) mais au détriment d’EDF (au profit de qui ? de fournisseurs alternatifs qui ne produisent que des factures), trésorerie d’EDF utilisée pour racheter des turbines (Arabelle) ou dissimuler les erreurs (les fautes ?) de la (l’absence de) politique énergétique nationale (qui incombe au gouvernement, faut-il le rappeler). Tout figurait déjà dans le rapport parlementaire de la députée Valter en 2015, qui écrivait noir sur blanc : « L’Etat a traité EDF tout à tour comme un pompier, ou comme une vache à lait. Sa responsabilité dans la situation actuelle ne peut être écartée ».
Et maintenant ?
En France, EDF croule sous les dettes (d’autant plus incroyable que l’électricité se vend bien et que les coûts de production restent bas : où passe l’argent ?).
La filière manque de bras (voyons le verre à moitié plein : c’est aussi une bonne nouvelle, ça veut dire qu’on va créer en France des emplois qualifiés et non délocalisables par dizaine de milliers, des emplois bien rémunérés et qui ont du sens).
Mais les modalités de fixation des prix, comme les conditions de financement des outils de production, dépendent de Bruxelles (donc en partie de l’Allemagne). Ce point est absolument capital, essentiel, prépondérant.
Il faut tout revoir. Le chantier est énorme. Et terriblement politique. La pédagogie est clef : les électeurs ne soutiendront les difficiles réformes à venir que s’ils les comprennent. Et ils ne les comprendront que si les élus de la république les leur expliquent.
De manière enfin objective, transparente, et courageuse. Les élus vont devoir, enfin, faire preuve de courage. Et aussi faire passer l’intérêt de la France avant le leur propre. Chaque électeur aura aussi sa part de responsabilité. En s’informant. En allant voter. « On a les élus qu’on mérite ». Les journalistes, les leader d’opinions, les dirigeants d’entreprise, l’éducation nationale … tous ont un rôle à jouer.
Le nouveau PDG d’EDF, Luc Rémont, retrousse les manches, et rendra prochainement sa feuille de route. Il peut s’appuyer sur les femmes et les hommes d’EDF et de la filière, qui ne demandent qu’à donner le meilleur d’eux-mêmes pour un objectif qui nous dépasse tous : la France. Avec son économie. Le pouvoir d’achat de nos concitoyens. L’écologie pour tous. Nos concitoyens peuvent compter sur nous. Nous comptons sur eux tous pour soutenir EDF, préserver son intégrité, et inciter nos élus à exiger à Bruxelles les réformes indispensables pas seulement pour la France : pour la stabilité énergétique de l’Europe, la compétitivité de notre continent, la stabilité politique de notre zone économique, et la réussite de la transition énergétique.
Jean-Marc Paloc
Salarié EDF