Dans sa déclaration de politique générale mardi, le Premier ministre s’est surtout attaché à gagner du temps. Au point de déjouer les pronostics pessimistes et de rester en fonction jusqu’à l’automne ?
François Bayrou va-t-il réussir son pari ? Sauf annonce-surprise de censure – peu probable – du Parti socialiste dans deux jours, il vient en tout cas de franchir avec succès une première étape. Le Premier ministre recueille à la fois les fruits de sa méthode – le dialogue permanent – et du calendrier qu’il a fixé dans sa déclaration de politique générale. Au terme de ces quelques semaines de discussions avec les chefs de partis et de groupes parlementaires de gauche, hors LFI, la situation s’était en effet détendue au point de voir le leader du PS Olivier Faure adopter une posture nettement plus constructive qu’à l’égard du gouvernement Barnier.
Par ailleurs, le calendrier de trois mois, annoncé par le chef du gouvernement sur la remise en chantier de la réforme des retraites à discuter entre partenaires sociaux ne manque pas d’habileté. Outre le fait que le PS avait été impressionné par la tribune commune, publiée avant Noël, par l’ensemble des syndicats de salariés et du Medef réclamant avant tout de la « stabilité » pour le pays, comment imaginer que les socialistes, désireux, sinon d’abroger cette réforme, du moins de la modifier sensiblement, pourraient-ils interrompre ces négociations en censurant le gouvernement ?
Certes, aussitôt après le discours de Bayrou, le Premier secrétaire du PS a menacé de voter la censure faute de précisions supplémentaires sur le budget de la part du Premier ministre, mais il a aussi salué « l’acquis » que constituait la possibilité de renégocier la réforme des retraites. Tout laisse donc à penser que cette menace relève davantage d’un baroud d’honneur pour celui qui se revendique comme « un opposant ». Ensuite, et c’est le pari de Bayrou, les socialistes ont montré trop de signes d’ouverture ces derniers temps pour se refermer brutalement. Enfin, et ce n’est pas la moindre des raisons, d’après les sondages, les électeurs socialistes, attachés à la culture de gouvernement, n’ont guère apprécié la censure du gouvernement Barnier et n’en souhaitent pas une seconde.
Bref, s’il est volontairement resté flou sur le contenu du budget et la réduction des dépenses qu’il se promet d’engager, pour éviter de fâcher d’emblée ses alliés potentiels, le Premier ministre semble s’être assuré le moyen de gagner du temps et, par-là même de prolonger son bail à Matignon plusieurs mois. D’où, sans doute, les critiques à peine voilées adressées à Emmanuel Macron et sa posture, plus présidentielle que gouvernementale.
Carole Barjon
Editorialiste