Matthieu Creson revient sur la récente déconvenue des républicains aux États-Unis devant l’absence de « vague rouge » qui avait été anticipée. Faut-il se réjouir de ces résultats ? En France, ce n’est pas seulement Trump, c’est le parti républicain qui est généralement malaimé parce qu’il incarnerait le conservatisme et la réaction contre le « progressisme » et la générosité. C’est oublier, soutient Matthieu Creson, que le parti démocrate aux États-Unis – de plus en plus marqué idéologiquement par l’ultragauche – tente d’appliquer depuis des années un programme politico-idéologique contredisant à bien des égards, et souvent de manière flagrante, l’esprit des fondateurs américains (ainsi lorsqu’il défend par exemple l’étatisation outrancière et la « wokisation » de la société américaine). L’étatisation, l’ « européanisation » et la « wokisation » de l’Amérique ne pourront donc s’arrêter, selon Matthieu Creson, que si les authentiques « conservatives » – contrairement à ceux qu’on appelle outre-Atlantique les RINOs (« Republicans In Name Only ») – parviennent à retrouver la faveur des électeurs en renouant avec la philosophie des Pères fondateurs qui a présidé à la création du pays il y a deux siècles et demi.
C’est un fait : la « vague rouge » aux élections américaines de mi-mandat, prédite par les sondages et nombre de commentateurs politiques, n’a pas eu lieu. Vu la déroute de la présidence Biden sur de nombreux plans (hausse des prix, augmentation de la criminalité, non-contrôle des frontières au sud du pays, « wokisation » grandissante du système éducatif américain, etc.), on pourrait aisément tomber des nues à la vue des résultats obtenus. Ainsi le populaire animateur de télévision et chirurgien Mehmet Oz (Dr Oz) s’est-il fait battre contre toute attente par le progressiste radical John Fetterman en Pennsylvanie – alors même que Fetterman a subi un AVC en mai dernier, dont il semble toujours subir les contrecoups. Plusieurs commentateurs conservateurs pensaient aussi que la très pro-Trump Kari Lake l’emporterait sur sa rivale Katie Hobbs et deviendrait ainsi le nouveau gouverneur de l’Arizona. Cela ne s’est manifestement pas produit.
Mitch McConnell, le chef de la minorité au Sénat, l’avait dit quelques mois plus tôt : il y aura une corrélation entre le résultat des élections et la qualité des candidats républicains. D’où cette question, que posent désormais non seulement l’establishment républicain, mais aussi certains soutiens de Trump : celui-ci a-t-il parfois pu parier sur les mauvais candidats ? C’est par exemple ce que se demande l’essayiste et réalisateur de documentaires Dinesh D’Souza1 (qui souligne néanmoins la grande qualité de certains candidats, telle Kari Lake, qui incarne pour lui l’avenir du Parti républicain, au même titre que Ron DeSantis, largement réélu gouverneur de Floride).
D’Souza pose toutefois une hypothèse plus générale, susceptible d’éclairer davantage les résultats de ces dernières élections : les Américains auraient-ils en fait renoncé aux valeurs conservatrices ? Face à cette évolution possible de la société américaine, l’auteur conservateur Mark Levin s’est efforcé de convaincre ses concitoyens que ces midtermsreprésentaient ni plus ni moins pour eux un « choix entre la liberté et la tyrannie »2.
Le mot « tyrannie » peut paraître exagéré : il semble pourtant bien correspondre à une réalité, tant le parti démocrate s’est radicalisé depuis la présidence Obama, voulant supprimer de plus en plus de garde-fous institutionnels prévus par la Constitution américaine, et entendant s’immiscer de manière croissante dans la vie des citoyens pour leur dicter leurs choix.
Les républicains peuvent-ils néanmoins entrevoir une lueur d’espoir pour les années qui viennent, et notamment pour la présidentielle de 2024 ? Oui, répond D’Souza, car Noirs et Hispaniques semblent aujourd’hui soutenir de plus en plus le Parti républicain – conclusion qui ressort d’une récente enquête menée par le Wall Street Journal3. La stratégie de l’ultragauche américaine (qui domine idéologiquement le Parti démocrate depuis plusieurs années) consiste, disons-le clairement, à criminaliser et à culpabiliser les Américains en leur répétant qu’ils sont depuis toujours des racistes – voire allant jusqu’à instiller l’idée que les fondements philosophiques mêmes sur lesquels le pays a été créé seraient entachés d’un « racisme systémique », justifiant ainsi toujours plus de contrition sous la forme de réparations en tous genres. L’idée étant à la clef de fédérer les minorités – raciales, sexuelles – prétendument opprimées par l’Amérique depuis ses origines.
L’ironie du sort serait que les républicains parviennent à renouer avec le succès électoral en adoptant pour ainsi dire la stratégie des démocrates et en devenant ainsi le nouveau parti des Noirs et des Hispaniques, entre autres ; non pas dans une logique communautariste et multiculturelle, qui est la logique par excellence du Parti démocrate, mais bien plutôt dans une perspective patriotique.
Pour ce faire, il faut que ces derniers comprennent qu’ils ont en fait, en tant qu’individus et citoyens américains, tout à gagner à défendre les valeurs de l’Amérique (bien plus incarnées aujourd’hui par les républicains que par les démocrates), valeurs qui, depuis 250 ans, ont fait le succès incomparable de ce pays dans le monde.
1 https://www.youtube.com/watch?v=qOWK1enZN3w
Matthieu Creson
Enseignant, chercheur (en histoire de l’art), diplômé en lettres, en philosophie et en commerce