Dans son allocution solennelle du lundi 17 janvier visant à acter la fin de la “séquence” retraite, le chef de l’Etat a demandé à la Première ministre de présenter une feuille de route destinée à mettre en œuvre les trois grands chantiers qu’il a fixés : le Travail, la Justice et le Progrès.
Sans l’énoncer explicitement, Emmanuel Macron renouvelait ainsi le bail de la locataire de Matignon à travers cette nouvelle mission.
La cheffe du gouvernement, sortie plus que jamais fragilisée à l’issue de cette phase retraite, espère reprendre du souffle avec ces 100 jours décrétés par le président de la République.
Conformément au vœu présidentiel, Elisabeth Borne déclinera donc ce mercredi 27 avril à la suite du conseil des ministres, les actions qu’elle compte mener d’ici le 14 juillet ou éventuellement après selon les plus optimistes.
Sans surprise, la Première ministre, qui multiplie les réunions interministérielles et les rencontres avec les groupes politiques (de la majorité comme de l’opposition), devrait remettre sur la table des dossiers brûlants laissés en suspens par la réforme des retraites. Arrivent donc la loi plein emploi, la loi immigration, la loi sur l’industrie verte, celle sur la fin de vie et l’épineuse réforme des institutions…
Toutefois, certaines mesures relèveront du pouvoir réglementaire. Emmanuel Macron l’a réaffirmé en souhaitant “moins de lois, moins de bureaucratie et plus de liberté d’action”. La liberté d’action, justement.
À la tête d’une majorité relative et chétive, la Première ministre ne dispose pas d’une grande marche de manœuvre.
La question principale qui doit être posée est celle de savoir, si cette nouvelle mission peut légitimer politiquement la cheffe du gouvernement ?
Marine Le Pen la dépeint comme “carbonisée”. Un portrait réfuté catégoriquement dans son entourage qui la présente comme “résiliente” et “déterminée”. En politique, chacun tient ses mots et les soupèse à sa manière. C’est un fait. Toutefois, la dernière motion de censure rejetée à neuf voix près remet en doute la capacité de la Première ministre à tenir la barre.
Qu’il en déplaise à certains, Elisabeth Borne souffre d’une illégitimité politique depuis le soir du second tour des élections législatives.
Consciente de ce fait, la cheffe du gouvernement s’est résignée à demander la confiance au parlement. Incapable de bâtir un contrat de gouvernement, Elisabeth Borne opte pour la construction d’une majorité d’idée, un coup à droite, un coup à gauche. Une méthode rudement mise à l’épreuve lors de l’examen du texte sur la réforme des retraites.
Il convient de rappeler également que dans le fonctionnement de la Ve République, la feuille de route du chef de gouvernement est présentée dans le cadre du discours de politique général exposé devant la représentation nationale et non devant des journalistes à l’occasion d’une conférence de presse.Une façon d’enjamber le parlement ? Encore une faute sur la forme. Il est bien d’avoir la confiance du président de la république, mais il est encore mieux de disposer de celle du parlement. Car la France reste et demeure pour l’instant un régime parlementaire même rationalisé…
Carlyle Gbei
Journaliste politique
Photographie : source : Victor Velter / Shutterstock.com