Le … juillet, à minuit, après avoir consulté le Premier ministre, les présidents des deux assemblées et le Conseil constitutionnel, le président Emmanuel Macron a informé la Nation, par un message solennel, qu’il mettait en application l’article 16 de la Constitution.
Après les importants désordres dans les rues, à Lyon, Marseille, Paris notamment, au soir du 1er tour des législatives, le 30 juin, qui avait vu l’arrivée en tête du RN dans des centaines de circonscriptions, après la victoire de ce même parti, le 7 juillet, avec 36 % des suffrages (lui assurant la majorité absolue à l’Assemblée), après la nomination de Jordan Bardella à Matignon et une cohabitation immédiatement compliquée, après deux tentatives d’attentat (déjouées) dans les premiers jours des JO de Paris, après une première évacuation du Stade de France pour alerte à la bombe, le président Macron a donc pris, « la mort dans l’âme » selon son expression, cette importante décision. « Il faut, explique le Président, lutter de toutes les manières contre les désordres et les troubles qui se répandent partout dans notre pays, mettre fin à l’ingouvernabilité croissante. J’estime aujourd’hui que les institutions de la République … sont menacées « d’une manière grave et immédiate » et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels par suite d’une « cohabitation de blocage », est interrompu » (comme en 1961, l’appréciation de la réalité de la menace relève de l’appréciation discrétionnaire du chef de l’Etat]. Bien sûr, ajoute M. Macron, le Parlement se réunira de plein droit dans les jours à venir – sans cependant pouvoir légiférer. C’est en effet à moi, et à moi-seul, qu’il appartient de prendre les décisions portant sur les matières prévues à l’article 34 de la Constitution [qui échappent, rappelons-le, à la censure du juge) ».
On se souvient qu’à ce jour l’article 16 n’avait été déclenché qu’une fois, le 23 avril 1961, à la suite du putsch des généraux, et qu’il était resté en vigueur plus de cinq mois, jusqu’au 29 septembre 1961. On se souvient encore qu’au cours de cette période, le général de Gaulle avait pris dix-huit décisions, principalement dans le domaine de l’ordre public. Parmi les mesures adoptées, la suspension de certaines libertés, des arrestations sans mandat judiciaire, l’extension de la durée des internements administratifs, la création de deux juridictions militaires d’exception.
A l’exception d’une modification de la Constitution qui lui est interdite, le Président qui recoure à l’article 16 dispose des « pleins pouvoirs » (exécutif et législatif), des « pouvoirs exceptionnels à relent dictatorial » (Jacques Chapsal) – le texte se borne en effet à dire que le chef de l’Etat « prend les mesures exigées par les circonstances ». « Ces mesures, est-il précisé, doivent être inspirées par la volonté d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission ». Cela veut dire que le Président peut prendre des décisions, de toute nature, qui sont requises par la gravité de la situation tout en agissant en sorte que puissent à nouveau fonctionner les pouvoirs publics.
Dans son message, le Président indique donc qu’il prendra prochainement toute une série de mesures économiques et financières destinées à consolider réellement le pouvoir d’achat des Français et à réduire les déficits publics aggravés ces dernières semaines. Il précise qu’il suspend immédiatement toutes les mesures discriminatoires, prises en tous domaines, contre les étrangers résidant légalement dans ce pays.
Michel Fize
Sociologue, politologue
Auteur de « La mégalothymia d’Emmanuel Macron : essai de psycho-analyse (Independant published, 2023)
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