Comme dans la fameuse réplique d’Hamlet de Shakespeare, acte III, scène 1, « Être ou ne pas être », telle est la question qui semble se poser à Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine, sur l’échange géopolitique ou non de négocier un cessez-le-feu afin de mettre fin à la guerre d’agression de la Russie.
Médiatisés en temps réel, les propos contestataires dans le Bureau ovale sont cuisants pour Volodymyr Zelensky et montrent le problème cornélien qui l’agite en interne en ce qui concerne toute discussion sur comment mettre fin à la guerre entre son pays et la Russie. Que ce soit sur la question du cessez-le-feu, des garanties de sécurité américaines ou de l’enjeu d’une Ukraine indépendante, la possibilité de faire converger les divergences apparaît bien illusoire.
Par ordre chronologique, la visite récente du président français Emmanuel Macron, du premier ministre anglais Keir Starmer auprès du président américain Donald Trump, le clash de Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine, est venu rappeler les difficiles attentes vis-à-vis d’une administration américaine pas comme les autres.
Or, depuis le vendredi 28 février et les dernières lueurs d’espoir d’un accord dans l’immédiat, s’impose le rappel que dans toute guerre, il y a les vainqueurs et les vaincus, ce qui fait craindre le pire. N’est-il pas à craindre que Moscou se serve de cet abcès de fixation comme levier d’influence futur dans la négociation de cette sphère d’influence du passé et des bouts de frontière ?
Comme pour tous rapports de force actuels, il convient de faire preuve de prudence dans la présentation des quelques remarques suivantes.
Les temps changent…
Selon toute vraisemblance, les États-Unis ont repris la main en engageant un dialogue avec leurs homologues russes et ukrainiens, rappelant que si chacun joue un rôle déterminant pour venir à bout de cette guerre, Washington a trouvé le ton juste entre réalpolitik et défense des valeurs démocratiques. Des propos qui bouleversent le jeu et où l’Ukraine est punie par les États-Unis par là où ses dirigeants ont péché : ils étaient à l’avant-garde de cette mobilisation et des livraisons d’armes américaines dès 2022 en réponse à l’attaque russe, on croit redécouvrir que c’est Washington seul qui s’affiche en tant que garant fiable de la sécurité mondiale et que, d’un front à l’autre, hors combat, ces derniers montrent qu’ils n’ont besoin de personne.
Tout cela est la réalité et nous devons la saisir dans sa complexité. Dans l’attente de ce que je vais décrire dans mon prochain livre. L’ordre mondial, « entre conflits d’intérêts », faute d’un cessez-le-feu, ce sont les efforts de concertation entre partenaires européens impliqués dans ce dialogue pour contrer la stratégie russo-américaine et le contexte urgent auquel se trouve confronté l’ordre mondial qui risquent d’être sapés.
On peut observer une remise en question des grands principes construits en 1945 au sein de l’ordre mondial et son déclin comme fin en soi, dans un contexte global de rivalité. Ces faits sont au cœur de la question actuelle sur l’Ukraine. À une période des relations internationales qui pousse à la diplomatie, on oppose une conception linéaire de la force. Énième illustration d’une rivalité du triangle Washington-Moscou-Pékin qui bouge et d’un ordre mondial qui essaie de la contenir. Quelques mots encore sur ce qui a vraiment changé pour évoquer le dilemme entre aspiration et réalité en matière d’intérêts nationaux. Les aspirations peuvent être menacées par des façons de penser et des façons de faire, de manière autoritaire.
À cet égard, l’Europe se retrouve au pied du mur.
Ground Zero pour la diplomatie européenne ?
Or, sur ce terrain, jouer le contrepoids pour l’Europe suppose d’abord clairement de déterminer avec qui et contre quoi il faut mettre son poids dans la balance, sans confondre politique d’équilibre et équilibrisme.
Les garanties de sécurité ont un prix. Les Ukrainiens, eux, avaient calé leurs positions en misant sur un échec des négociations russo-américaines. En outre, le volte-face inédit entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky du 28 février à la Maison-Blanche rebat les cartes puisqu’aucun accord sur les ressources minières n’a été signé.
Et pourtant ! Côté européen, on ne cherche peut-être pas à se faire rembourser, mais, faute d’améliorations de ce climat, pourquoi ne pas chercher à reprendre la main, sachant que la reconstruction de l’Ukraine et l’industrie de défense européenne vont susciter un besoin de matières premières clés dans le domaine de la défense, mais aussi de l’intelligence artificielle sur le long terme ? Par l’actualité de la question des terres rares, cet enjeu devrait être indéniablement un point d’accroche essentiel dans la réflexion stratégique des Européens, tout en nous permettant de comprendre que cet enjeu local sera aussi régional, voire mondial.
Hervé COURAYE