La société française est ébranlée par la colère de ses citoyens qui se sentent lésés et incompris ; résultat de l’inaction des gouvernants depuis une vingtaine d’années.
Vous les gouvernants, vous les responsables politiques, vous les hauts fonctionnaires,
Pendant près de 20 ans, nous avons été nombreux à militer contre les discriminations, pour plus d’égalité des chances, à expliquer simplement que tous les citoyens de notre pays doivent pouvoir trouver leur place en fonction de leurs compétences, de leur travail, de leur mérite. Pendant 20 ans, nous avons réfléchi, travaillé, proposé, rédigé, publié des centaines de propositions à mettre en œuvre dans l’intérêt de notre pays et de sa cohésion sociale. Des idées toujours bien accueillies mais rarement déclinées de façon concrète et opérationnelle.
Pendant 20 ans, les plus modérés d’entre nous, les plus universalistes, les plus humanistes, au sein de leur parti politique de droite, de gauche, du centre, dans leur syndicat d’entrepreneurs ou de salariés, ont été ignorés, pris de haut, peu écoutés. Des sujets « sympathiques » à vos yeux. Des thèmes médiatiquement vendeurs mais dont les véritables décideurs ne voyaient pas la valeur stratégique et vitale pour l’avenir de notre pays. Pendant 20 ans, par VOTRE refus à agir sur ces questions déterminantes d’EGALITE vous avez décrédibilisé et affaibli les plus pragmatiques et les plus modérés tout en renforçant la colère des victimes qui ne voyaient pas leur vie quotidienne s’améliorer.
VOUS avez nourri l’extrémisme et la radicalisation par votre refus d’agir efficacement sur ces thématiques essentielles à notre pays.
Nous étions pourtant nombreux, sérieux et impliqués, à vous avoir alerté. Vous avez préféré laisser la situation se dégrader avec le temps.
Si je n’avais pas le recul, l’âge et mon expérience, si j’avais 20 ans aujourd’hui depuis ma cité du Val Fourré à Mantes-la-Jolie, il est certain que guidé par la colère contre la société, je serais, et à coup sûr, dans les rangs de ce mouvement contestataire. Qu’aurais-je à perdre après avoir vu mes parents trimer si dur sans réelle reconnaissance ? Qu’aurais-je à espérer après avoir vu mes aînés ramer parfois malgré leurs diplômes et leur sérieux ? Qu’aurais-je à perdre dans une telle situation, sans espérance d’un avenir meilleur ? Il faut beaucoup de maturité pour répondre à la violence du rejet et de l’exclusion par une réponse non-violente et une réflexion constructive.
Le mouvement d’Assa Traoré s’inscrit dans un mouvement mondial certes, mais avec une colère et un radicalisme bien français.
Une colère et parfois une haine que VOUS avez nourri par votre mépris, par votre ignorance, par votre inaction et parfois par certains de vos calculs politiques. Le mouvement d’Assa Traoré a ressuscité des organisations extrêmes pourtant quasiment disparues comme le « Mouvement Immigration Banlieue ». Son mouvement permet actuellement à la « France Insoumise » de renforcer sa base. Son mouvement contribue à l’afflux de nouveaux adhérents au sein de syndicats tels que la CGT et Sud. Son mouvement impose des débats racialistes tels que l’amnésie historique en voulant bannir de l’espace public une partie de notre Histoire, aussi sombre soit-elle.
VOUS n’avez pas voulu écouter les plus apaisés, les plus réfléchis, les plus modérés : VOUS faites face aujourd’hui aux conséquences de vos indécisions. Vous ne pouvez plus vous soustraire à vos responsabilités car en plus de l’impératif de régler les problèmes d’égalité des chances si longtemps ignorés, d’autres problèmes de cohésion nationale émergent.
Durant ces 20 dernières années nous avons vu la progression fulgurante du Front National, nourri principalement par la colère et la déception des Français de ne pas voir se régler par la droite et par la gauche les principaux problèmes du quotidien. Pour les mouvements racialistes, il en relève du même processus. Moins les modérés agiront, plus les français en attente de résultats, victimes ou non, se radicaliseront sur ces sujets.
Mais si VOUS êtes les principaux responsables, nous avons aussi à reconnaître et prendre notre part.
Peut-être que nous aussi, républicains modérés, avons été trop gentils et trop « bons élèves » en demandant poliment le changement. Peut-être que cette méthode qui aurait dû fonctionner face à des gens intelligents n’est pas la bonne, preuve que ceux qui se sont succédés aux responsabilités n’étaient pas si intelligents que cela. Nous les modérés, les humanistes, les universalistes, devons aussi changer de méthode afin de ne pas reproduire les mêmes résultats.
Une nouvelle façon d’agir, respectueuse mais exigeante, constructive mais sans complaisance, devra probablement émerger.
En attendant, je VOUS appelle VOUS, responsables politique à AGIR rapidement et concrètement car toutes les bêtes immondes se nourrissent de l’inaction, des déceptions et de la colère qui en découlent !
Aziz SENNI,
Entrepreneur Engagé
MEDEF – coPrésident de la commission nationale « Nouvelles Responsabilités Entrepreneuriales »
Membre du Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire
Auteur de L’ascenseur social est en panne, j’ai pris l’escalier (Edition l’Archipel)