« Faut des idées! » est la nouvelle rubrique d’entretien politique pour le site de la Revue Politique et Parlementaire, animée par Virginie Martin.
À la veille des élections européennes, la politiste Virginie Martin s’entretient avec l’ensemble des principales têtes de liste. Démocratie, économie, culture : toutes et tous ont répondu sans filtre et très librement à nos questions.
Quand la politique renoue avec les idées… Ce vendredi 10 mai, Nicolas Dupont-Aignan, chef de file de la liste Debout la France pour les élections européennes a bien voulu essuyer les plâtres… Un jour, un entretien.
« Nous vivons un grand dérèglement démocratique », Nicolas Dupont-Aignan, tête de liste Debout La France, Européennes 2019
Virginie Martin : La démocratie, ou en tout cas, l’idéal démocratique semble être fragile/fragilisé. Quelle est votre lecture de ce « supposé » déficit démocratique ?
Nicolas Dupont-Aignan : Je vais être provocateur, je ne suis pas sûr qu’on soit encore en démocratie en France. La question se pose vraiment. Les oligarchies qui gouvernent le monde et qui se sont abattues sur le pays n’en font qu’à leur tête.
Cela induit une crise profonde, une frustration, une détestation des hommes politiques par la population et de surcroît un mauvais gouvernement. La démocratie est un formidable atout, c’est aussi un système de signes et de signaux qui doit alerter quand les choses dérapent.
Aujourd’hui nous vivons un grand dérèglement démocratique.
Il y a le dérèglement climatique mais le dérèglement démocratique est plus grave encore.
C’est le referendum de 2005 qui a été totalement bafoué, c’est l’incapacité de l’union européenne à entendre la voix des peuples et c’est le sentiment d’une élite devenue une oligarchie. Une élite c’est positif, une oligarchie cela devient dangereux. Donc obligatoirement la cocotte-minute commence à siffler douloureusement.
Je pense que l’enjeu majeur, en tout cas pour notre pays, est d’éviter cette dérive. Il n’y a pas de démocratie parfaite ce serait une illusion, mais par moment je m’interroge et j’en viens à me demander si le rêve de nos oligarques ce n’est pas la Chine, c’est-à-dire une dictature ultra capitaliste.
Des citoyens devenus consommateurs
La vieille idée selon laquelle un niveau élevé de développement aboutirait à la démocratie semble dépassé. Je me suis même posé parfois la question de savoir si finalement la démocratie ne serait pas une parenthèse de deux siècles dans l’histoire de l’humanité. Va-t-on vraiment réussir à redonner un sens aux élections et au suffrage ?
Il y a une vraie inquiétude sur notre pays. Inquiétude sur la concentration des médias dans la main d’une dizaine de milliardaires, inquiétude dans la technocratisation du pouvoir, inquiétude dans la puissance des firmes transnationales notamment les GAFA et même dans la formation. Nous avons transformé les citoyens en consommateurs et on ne veut surtout pas qu’ils soient éduqués, comme ça ils sont plus dociles. Une inquiétude parfois aussi dans la passivité de nos concitoyens. C’est pourquoi j’avais salué le réveil des gilets jaunes qui est comme une sorte de réveil du peuple. Il y a quand même de vrais signaux dangereux d’alerte.
VM : Si je vous entends bien on serait devenu des nains politiques et des géants économiques/ tout en étant des géants économiques ou se prétendant comme géants économiques ?
NDA : Je trouve qu’il y a dans notre pays, principalement en France, une dérive oligarchique est peut-être liée à notre passé monarchique et à notre très grande peur de la démocratie. Mais je pense vraiment que nous sommes face à une dérive très dangereuse dans notre pays ; il y a presque une arrogance avouée à gouverner contre un peuple qui serait bête, raciste, obtus, etc… Il n’y a pas ça en Suisse par exemple. Il n’y a pas ça en Angleterre ce qui explique la tension sur le Brexit, il n’y a pas eu ça aux Etats-Unis paradoxalement avec l’élection de Trump.
On peut tout dire sur Trump, ce n’est pas ma tasse de thé mais les Etats-Unis ont quand même réussi à élire quelqu’un contre le système.
Donc je dirais qu’il y a un problème occidental auquel s’ajoute un problème français lié à plusieurs facteurs : le passé monarchique français, la force de l’Etat central, du parisianisme lié à la capitale, le transfert de pouvoirs majeurs à l’Union Européenne et une concentration des médias dans quelques mains sans aucun mécanisme de contre-pouvoir qui existe pourtant à l’étranger. Notamment l’interdiction d’être propriétaire d’une chaîne quand on dépend des biens publics.
Il faut des anticorps démocratiques
Donc je pense qu’il y a absolument urgence en tout cas pour notre pays si on ne veut pas finir en révolution violente ou en apathie généralisée. Il y a urgence à rétablir des anticorps démocratiques contre le virus oligarchique.
Par exemple, l’éventuelle suppression de l’ENA ne résoudra rien, c’est du bullshit gadget typique et assez pervers en fait. Je ne défends pas l’ENA particulièrement – et pas parce que j’en suis diplômé – mais, si c’est le moyen pour les élites de revenir à des sélections non méritocratiques, par corps, par combine et peut être par copinage, cela ne sera pas mieux. Ce n’est pas parce que l’ENA a dérivé à cause de la faiblesse du pouvoir politique et du conformisme ambiant qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain et revenir au copinage dont est spécialiste le Président de la République.
VM : Vous dites que le citoyen est beaucoup plus consommateur que citoyen ? Peut on revenir sur ce point ?
NDA : Non je dis qu’il y a déficit, je pense que le niveau de formation a baissé, qu’on a abêti les gens. Il y a eu comme un affaissement de l’instruction publique et de l’éducation nationale dans ses exigences qui vont de pair avec une baisse de la méritocratie. Nous avons cru rendre service aux classes défavorisées en baissant le niveau d’exigence et se faisant nous les avons enfermées dans une trappe de méconnaissance qui est préjudiciable à la vie démocratique. Il ne suffit pas d’avoir un socle minimal de compétence, il faut quand même une culture, une éducation et on avait la chance avec le système éducatif français sous la troisième république d’avoir une exigence.
Je ne suis pas dans la nostalgie de l’école républicaine mais il faut trouver un équilibre.
Et en tout cas on voit que nous avons vraiment du travail. Mais on peut le faire. J’ai une vision assez sombre de ce qui se passe, pour autant je pense qu’il y a une capacité de redressement assez fabuleuse parce qu’il suffirait de remettre un peu d’exigence méritocratique et de connaissance dans le système éducatif. Loin de moi l’idée que c’est foutu et que notre pays ne s’en sortira pas. Malgré de si mauvais gouvernements depuis trente ans, il faut que les français soient sérieusement brillants, débrouillards et cultivés pour avoir tant de réussite donc je pense que le peuple français a des trésors d’ingéniosité simplement il faut vraiment faire sauter le bouchon qui verrouille tout.
VM : Vous êtes souvent taxé de populiste, comment vous expliquez cela ?
C’est normal parce qu’on est le miroir de leur mauvaise conscience. De surcroît ils savent, et c’est la grande différence, qu’ils sont minoritaires dans leur propre pays depuis 2005. Ils sont beaucoup plus agressifs depuis le non au referendum. J’ai vu un changement radical. Avant ils avaient de la commisération pour nous, puis ils se sont aperçus que leur peuple ne l’aimait plus et ne les supportait plus. Aujourd’hui, ils se maintiennent par l’amalgame, l’anathème, la suffisance mais cela ne durera pas donc je suis très confiant. Je pense que dans les 10 ans qui viennent ça va péter. Simplement j’aimerais que ça pète de manière positive, constructive, solide et qu’on évite une stratégie du chaos qu’a très bien organisé avec talent le Président de la République face à la crise des gilets jaunes. C’est-à-dire salir, amalgamer, manipuler et « propagander » si on peut utiliser ce terme. Ce sont des manœuvres d’arrière-garde, il gagne du temps, le système français gagne du temps.
Malgré leurs excès, les réseaux sociaux offrent une concurrence politique
Heureusement qu’il y a les réseaux sociaux. Tout le monde tombe sur les réseaux sociaux. Il y a des excès dans les réseaux sociaux comme dans toutes innovations, il y a du positif et du négatif, mais les réseaux sociaux offrent une concurrence.
Je vais vous raconter une anecdote tout à fait extraordinaire. Un journaliste d’un grand journal de province, la Voix Du Nord pour ne pas le citer, était surpris que ses journalistes se fassent agresser. Je lui ai rappelé qu’au second tour de l’élection régionale ces journalistes avaient pris parti pour un candidat contre une autre partie de la population. Je ne justifie en rien les violences contre les journalistes que je respecte mais a aucun moment cela ne l’interpellait donc il y a parfois des pertes de repères démocratiques absolument saisissantes dans notre société.
Je trouve qu’il y a une dérive en ce moment, c’est très prégnant. Peut-être aussi parce que j’en suis davantage la victime qu’avant : on ne peut plus parler dans la société française, on ne peut plus rien.
Je revoyais des textes sur Raymond Aron. Quand on voit comment Raymond Aron a été traité par les staliniens finalement mais c’est vrai qu’on oublie toute cette période.
VM : : Vous semblez sous-entendre que tout cela se durcit depuis 2017 ?
NDA : Ça se durcit pour une raison très simple. Le système politique a réuni les tenants de la pensée unique de gauche et de droite dans le même gouvernement pour se tenir chaud et se renforcer. Mais maintenant ils sont seuls, ils ne peuvent plus jouer d’une fausse alternance. Les Républicains restent une fausse alternance et sont en perte de vitesse parce qu’ils sont assimilés à En Marche. C’est d’ailleurs très intéressant que le hasard de la sémantique fait qu’ils défendent en réalité le même programme et que leur nom soit quasiment identique (LR, LREM).
Ils ont les forces de l’argent pour eux, les forces médiatiques, la chance de pouvoir diviser l’adversaire et de le caricaturer mais ils ont contre eux le fait qu’ils n’arrivent pas à traiter les problèmes de fonds du pays : insécurité, immigration et appauvrissement. Ces trois maux du pays que vivent nos concitoyens au quotidien s’aggravent parce qu’ils ne traitent pas les causes et parce que leur mythe de substitution qui s’intitule la construction européenne est à bout de souffle puisque ce mythe n’existe désormais quasi qu’en France. L’Allemagne vole de ses propres ailes, l’Angleterre s’en va, l’Italie a un autre gouvernement et donc l’Europe, l’Europe, l’Europe, il n’y a plus que le président français qui anone ça dans le désert. On voit très bien que si on part des réalités leur système est à bout de souffle. Pour autant ils gardent des bons atouts. Tout l’enjeu est d’unir les forces adversaires dans un projet crédible ce qui n’est pas toujours facile compte tenu des personnalités, des égos et de l’instrumentalisation que fait le pouvoir du Rassemblement National (après avoir essayé de détruire La France Insoumise).
C’est justement le travail ingrat que j’essaye de faire depuis des années, un travail extrêmement difficile. Pas de le faire parce que je pense qu’on a un projet sérieux mais en revanche d’émerger face à des critiques radicales et moins sérieuse qui ont les faveurs du pouvoir. Les difficultés auxquelles je me heurte dans cette campagne européenne ne sont pas les mêmes que quand j’étais à 2%. Je n’avais aucune attaque et quand on a frôlé les 10% tout le monde nous est tombé dessus. Pourquoi ? Parce que si nous réussissons notre pari d’être dans les 10% ou 12% cela veut dire que le Rassemblement National n’est plus la seule alternative et que Les Républicains ne peuvent pas faire semblant d’alterner avec la même politique. Vous pensez bien que nous avons contre nous les deux et que c’est extrêmement tendu. Et j’en veux pour preuve la manière dont certains journaux nous boycottent intégralement ; Le Figaro pour ne pas le citer.
J’ai le souvenir de la manière dont Jean-Pierre Chevènement avait été ciblé quand il avait atteint 15%. Je vis, dans cette campagne européenne, exactement le même déchaînement du système qui est beaucoup plus agressif avec des gens raisonnables à gauche ou à droite que paradoxalement avec les extrêmes car ils jouent des extrêmes qui sont finalement leurs meilleurs ennemis.
VM : Venons en au deuxième thème de notre entretien … « L’économie de marché », dans son acception classique des années passées, semble être remise en cause par beaucoup. Elle ne semble plus être l’unique ou quasi unique socle des programmes politiques. Quel est votre regard sur cette critique de plus en plus aiguisée de « l’économie de marché » et tous les concepts liés à ces notions ?
NDA : Economie de marché, s’il y a libre concurrence c’est positif. Je ne connais pas les miracles de l’économie collectiviste. Je ne suis pas hostile à l’économie de marché. En revanche, il y a une dérive vers un système de monopoles privés qui n’a rien à voir avec l’économie de marché organisée et régulée. Et qui est lié à deux phénomènes :
Le premier, une mondialisation qui a mis en concurrence des esclaves avec des économies développées et qui aboutit à la célèbre phrase que les riches des pays pauvres deviennent aussi riches que les riches des pays riches et que les pauvres des pays riches deviennent aussi pauvres que les pauvres des pays pauvres (en exagérant un peu). Mais c’est cela qui explique l’éclatement de nos sociétés, la destruction des classes moyennes et qui a été une fuite en avant dramatique pour nos sociétés occidentales.
Paupérisation liée à une absence de régulation.
Oui à l’économie de marché mais dans des conditions de concurrence loyales d’où l’importance des travaux de Maurice Allais. Lui aussi tant vilipendé alors qu’il avait tout expliqué sur les dérives du libre-échange déloyal. Oui au libre-échange mais par grandes zones régulées. Un libre échange exacerbé est nuisible à la planète et nuisible aux droits sociaux. D’ailleurs parenthèse,les petits oiseaux ont beaucoup plus d’intérêt pour nos élites parisiennes que pour les ouvriers ou les agriculteurs qui se flinguent tant ils sont malheureux : une barrière environnementale oui mais barrière sociale jamais. Je ne dis pas qu’il ne faut pas de barrière environnementale, j’en suis favorable mais c’est quand même extraordinaire que les acteurs de cinéma aient le droit d’être protéger par un vrai protectionnisme qui a été défendu becs et ongles par tous les Présidents de la République mais que les ouvriers et les agriculteurs puissent crever sans que personne ne s’en préoccupe.
Deuxième phénomène c’est l’incapacité de l’Union européenne à créer des champions européens ou même nationaux. Cette démission technologique qui a abouti à ces entreprises transnationales qui deviennent des états dans l’Etat : les fameux GAFA. Contre balancé en Chine et un peu en Russie par leurs propres GAFA mais avec une Europe totalement à la ramasse et des dirigeants français totalement perdus qui seront responsable devant l’histoire d’un recul scientifique et technologique absolument saisissant. A ça s’ajoute la mondialisation.
Nous avons besoin d’un plan stratégique, nous n’en n’avons pas
On s’aperçoit alors que l’économie de marché est devenue une économie de prévarication où au lieu d’inciter les entreprises à créer des richesses, à se développer à partir de petites entreprises dont on allège les charges qu’on incite à investir en France, on donne de temps en temps aux copains des biens publics qu’on privatise comme l’a fait Emmanuel Macron quand il était ministre des finances (il est d’ailleurs relevable de la Haute Cour de Justice dans cette affaire) et comme il continue à faire avec aéroport de paris, etc… C’est tellement simple pour des grandes entreprises de racheter des biens existants mais on n’est pas loin de l’URSS d’Eltsine : les oligarques se servent parce qu’ils ont mis un des leurs à la tête de l’Etat.
C’est la grande période de prévarication, les copains se partagent les biens publics. C’est un scandale absolu. En revanche moi je suis pour une politique libérale mais libérale au sens d’incitation de baisse des charges pour ceux qui produisent en France, d’incitation au progrès technologique, de société de capital risque. Il faut reprendre à la base pour faire émerger des innovations, pour diffuser l’innovation et la relancer. Mais en revanche un état stratège pour les très grandes entreprises pour défendre nos intérêts avec des alliances à la carte au niveau européen ce qu’avait très bien fait le Général De Gaulle qui avait à la fois baissé les charges et développé l’entreprise privée et développé une vision stratégique. Avec parfois des échecs bien sûr, le plan Calcul et autre mais aussi des réussites : Airbus, Ariane, etc… Il y a d’ailleurs des pays qui le font très bien : Singapour ou la Corée du Sud.
C’est ça le grand paradoxe. On me traite et on nous traite de populiste, de gens fermés sur le monde… On connait mieux le monde que toutes ces personnes qui ne voient rien. Moi je suis allé voir en Corée du Sud, je suis allé voir à Singapour et en Asie du Sud Est : c’est ce qu’ils ont fait.
La mondialisation n’est pas la fin des nations, pas du tout !
La mondialisation exige au contraire des nations qui ont une stratégie à long terme, une vision stratégique. Toutes les grandes multinationales ont une copie stratégique et nous on n’a rien. Nos dirigeants européens resteront dans l’histoire comme des criminels politiques, des nuls politiques, je le dis comme je le pense.
VM : Donc, dans ce grand concert des dirigeants européens, il y en a quelques-uns qui vous paraissent plus stratèges, plus clairvoyants ?
NDA: Salvini en Italie. Orban malgré tout en Hongrie. Tout le monde lui tombe dessus moi je suis allé voir, il a peut-être des défauts mais en tout cas il y a une vraie stratégie. Après Merkel restera une abomination pour son pays parce qu’elle a cassé le miracle de la réunification allemande, c’est-à-dire celui du consensus allemand et a pris une responsabilité écrasante devant l’histoire.
Quand elle a arrêté le nucléaire dans un délire d’ignorance incroyable qui est un coût exorbitant pour l’Allemagne. Libre à elle d’avoir fait ce choix mais pas assumé sur le plan de la pollution, du charbon, etc…
Puis elle a fait rentrer une vague migratoire sans précaution pour la cohésion de l’Allemagne avec le retour de nationalistes qui produisent toujours, quand il s’agit de l’Allemagne, des inquiétudes.
Mais surtout ce que je trouve impressionnant, vous allez peut-être me trouver prétentieux mais ce n’est pas le cas, c’est la nullité de nos dirigeants européens. Leurs visions de court terme et leur incapacité à avoir vu les grands défis du siècle : le défi scientifique et technologique, le défi du développement africain… J’étais le seul pendant la présidentielle à parler du développement de l’Afrique, tout le monde me riait au nez. J’étais le seul à écrire là-dessus mais ça n’intéresse personne. Or la population du continent africain va doubler dans les 30 ans : c’est une génération ! C’est le plus grand défi que nous ayons devant nous.
3 défis
Nous avons trois défis. Un défi de cohésion sociale, autour des enjeux culturels et civilisationnels notamment pour assimiler les millions de personnes qui sont arrivées sur notre sol et qui continuent d’arriver alors même qu’on ne les assimile plus.
Un défi scientifique car on est en train de louper la révolution scientifique du 21èmesiècle comme si on avait loupé la révolution du charbon ou de l’électricité. C’est quand même un vrai problème. Sur l’intelligence artificielle, sur le génome, etc… C’est effrayant !
Et enfin, un déficit face au développement de l’Afrique qui est qui est vital pour notre survie européenne. Et vous croyez que sur ces trois points il y a eu le moindre programme, les mêmes velléités ? Non rien.
Vous allez me trouver sévère mais quand on prend du recul c’est un effondrement incroyable en 20 ans et particulièrement en France.
Et il faut être honnête, si on regarde l’Allemagne, elle s’en est sortie mieux parce que l’Allemagne défend ses intérêts à court terme de manière logique. Mais c’est un pays qui reste fragile avec son effondrement démographique et ses tensions communautaires.
Tout cela est très fragile, voilà pourquoi il faut complètement réorienter la construction européenne. Arrêter avec cette bureaucratie qui se mêle de tout et qui nous étouffe et concentrer l’Europe sur les grands projets industriels et scientifiques : le projet sur la Méditerrané, le projet africain…
Se dire qu’il y a 5/6 priorité européenne et qu’on déverse des milliards, des centaines de milliards de la banque centrale européenne sur ces priorités. La Chine a un plan stratégique. On peut tout dire mais la Chine a un plan stratégique.
VM : Vous ne croyez pas du tout à la piste multiculturelle ?
NDA : Non, la piste multiculturelle c’est la guerre du Liban dans 20 ans donc je n’y crois pas un instant. C’est une Balkanisation et cela finira en guerre civile. D’où l’urgence de bloquer l’immigration, d’assimiler et d’être intraitable face au communautarisme islamique. Sans aucun esprit de haine à l’égard de quiconque. Moi je vais vous dire, je suis arrêté dans la rue la plupart du temps par des français d’origines étrangères qui me disent « bravo, merci, on n’est pas venu en France pour retrouver les islamistes, pitié aidez-nous ». Donc je ne supporte plus cette espèce de caricature et de salissure qu’on me fait et qu’on m’a fait pendant tout le second tour de la présidentielle.
Une politique de l’autruche
Ce qui est quand même paradoxal c’est que j’ai été sauvé, dans ma circonscription, par toutes les populations d’origine étrangère qui ont voté massivement pour moi parce qu’ils ont compris mon choix. Parce qu’eux savent de quoi il retourne. C’est fascinant de voir cette inversion complète. Je le disais à ma femme et à ma fille suite à l’affaire de Notre Dame. Quand vous pensez que le seul fait d’oser poser la question de savoir si c’est un acte de malveillance, un attentat ou un incendie m’a valu les hurlements de toute la petite classe politique et journalistique. On se demande si on vit dans un pays de raison. On a même plus le droit de poser une question. Et ce déni de réalité, cette politique de l’autruche correspond exactement à la politique de l’autruche des pacifistes de l’entre-deux guerres face au péril hitlérien. C’est la même histoire. Vous reprenez tous les textes de tous les gens qui alertaient sur le péril hitlérien et vous avez le même comportement d’autruche face au péril fachiste vert islamiste. C’est tragique. Comme si le français ne voulait pas regarder le défi en face et c’est très français d’ailleurs.
Un effet de seuil
Il y a eu des immigrations très positive. Tout n’est pas négatif. Il y a juste un problème d’effet de seuil et il y a un problème de nature d’immigration. Est-ce qu’un jour on va pouvoir regarder en face le problème migratoire ? Ce n’est pas la même chose d’avoir une immigration de travail et d’avoir une immigration de prestation sociale.
Ce n’est pas la même chose d’avoir une migration de catholique et une immigration de musulman, je suis désolé de le dire.
Ce n’est pas la même chose d’avoir une immigration dans un pays qui est en forte croissance et qui assimile et dans un pays qui est pleine crispation de chômage et qui se ghettoïse. Mais cela ne veut pas dire que parce qu’on est musulman et qu’on arrive en France on est méchant. Pas du tout. Il y en a qui s’en sortent très bien et qui apporte beaucoup : infirmières, médecins… Je suis élu d’une circonscription avec 45 nationalités, je n’ai aucun problème, je n’ai jamais prononcé la moindre parole xénophobe de ma vie. Je déteste la xénophobie, l’homophobie, la misogynie et c’est ça qui les dérange le plus. Parce qu’ils savent très bien que je n’ai aucun problème et que je suis aimé par tous ces gens parce qu’ils savent très bien qui je suis. En revanche justement parce que je suis comme ça j’ai le devoir de dire stop. Est-ce qu’il n’est pas inadmissible que dans notre société, un couple homosexuel ne puisse plus se tenir par la main en se promenant dans Paris ? Est-ce qu’il n’est pas inacceptable qu’une fille ne puisse plus être en jupe dans le 93 ? Parce que c’est ça la réalité. Mais ça, les petits bobos des beaux quartiers ne veulent pas le voir. Non ça, ça ne se dit pas, ils ne veulent pas le voir. Comme Aristide Briand ils sont la tête sous le sable. Donc voilà on va attendre que ça fasse pschitt et boum. Il a fallu 250 morts en France et c’est comme s’il n’y avait rien eu.
VM : Et pour revenir à l’économie est ce que vous trouvez finalement que le rassemblement national a pris une teinte trop à « gauche » (pour faire très vite) au niveau économique et est-ce que du coup vous vous sentez plus proche de la droite classique ?
NDA : Ni à gauche ni à droite, je suis entre les deux. Le problème du rassemblement national que j’ai connu de près durant la campagne présidentielle c’est que, quand Marine parle, elle parle 95% constat et 5% solution. Moi je dis toujours à nos amis (je ne fais pas toujours aussi bien que je voudrais) qu’aujourd’hui le constat devrait être 15% et les solutions 85%. C’est le problème fondamental de l’alternative au système. Faisons notre mea culpa. Nous ne battrons le système que quand notre alternative sera irréprochable. Irréprochable dans le comportement et irréprochable dans le programme. Il faut être meilleur. C’est exactement comme une femme dans le boulot, il faut qu’elle soit meilleure qu’un homme pour réussir. Eh bien les souverainistes ou les patriotes il faut qu’ils soient meilleurs que les autres sinon on nous accable de tout.
VM : et en même temps est-ce que nous ne sommes pas rentrés dans des ères d’ultra communication politique avec des candidatures éclair ou insolite comme en Ukraine ou même en France avec une arrivée à l’Elysée ultra rapide ?
NDA : Oui enfin ça n’arriverait pas en France. Quant à Emmanuel Macron, il n’est pas arrivé par hasard. Il est arrivé poussé par toute l’oligarchie parisienne, française. Mais en termes de notoriété c’est vrai qu’on peut très vite fabriquer quelqu’un avec la communication.
VM : Donc est-ce qu’il faut un programme irréprochable ou être très bon en communication ?
NDA : L’idéal serait les deux. Et puis une communication très partiale parfois (en parlant de Macron). Alors ce n’est pas qu’ils arrivent à convaincre de la pertinence de leur modèle mais c’est qu’ils arrivent à déconsidérer toute alternative, à créer un vide et donc un dégoût de la politique qui s’exprime par l’abstention. C’est-à-dire que nous avons des médias nihilistes. C’est la phrase du Général De Gaulle… Et c’est ça le problème de fond. Est-ce que j’ai la solution ? Non.
Et en tout cas dans tous les déplacements que je fais je suis très surpris. Pour en revenir à l’économie, j’ai été visiter dans la Sarthe une entreprise de papeterie, la dernière qui faisait du papier recyclé, en parfait état. 600 ouvriers sur le carreau parce que l’Etat n’est pas capable de mettre 30 millions d’euros. Parce qu’il y a une règle de l’Union Européenne qui dit que si l’on met 15 millions public il faut mettre 15 millions privé.
On laisse filer une entreprise, des ouvriers qui m’ont montré leur outil de travail, qui sont fiers. L’Etat débloque des millions pour le plan social mais ce qu’ils disent, c’est qu’ils ne veulent pas de ces millions pour une indemnité chômage, ils veulent travailler. On le fait pour Peugeot et on ne pourrait pas le faire là parce qu’ils habitent au fin fond de la Sarthe ?
Il y a une masse de talents dans le pays, il y a une intelligence collective incroyable. Cette intelligence collective ne supporte plus la télévision, les gens ne l’ouvrent même plus, ils l’éteignent.
Il n’y a pas de campagne européenne
On n’imagine pas la détestation des journalistes et des politiques par le peuple. C’est lié au fait que les gens ne voient plus aucune issue parce qu’il n’arrive pas à connaître les programmes. Parce qu’on est que dans l’instantanéité, dans le zapping, etc… La preuve c’est cette campagne européenne. On nous a dit que c’était très important et comme d’habitude il n’y aura pas de campagne européenne parce qu’ils ne veulent pas qu’il y ait de campagne européenne. S’il y en avait une on verrait bien le problème. Le lendemain du débat tous les éditorialistes ont dit « c’est l’horreur ! » alors que c’est ça la pluralité politique !
VM : j’en viens à mon troisième et dernier thème, on parle peu d’arts et de culture (« cultivée » ou populaire) dans les débats politiques en général. Quel est votre ressenti sur ces questions ? De votre côté qui vous accompagne sur vos chemins culturels ?
NDA : Deux choses. Premièrement, la culture devrait être beaucoup plus présente dans la vie politique, notamment l’accès à la culture. Je suis stupéfait que la culture soit de plus en plus réservée aux gens aisés. Tout est payant, tout est cher. Par exemple l’accès aux monuments. Pourtant il y a une soif d’accès à la culture.
La seule culture populaire qui reste c’est la gastronomie.
Dans le sens des émissions à la télé, chacun peut acheter malgré tout trois légumes même si c’est cher pour faire quelque chose mais la culture en général a été vraiment professionnalisée. Comment peut-on exprimer ça ?
Une culture réservée à une élite
Une culture réservée à une élite ou à une large élite mais il y a un fossé de plus en plus élevé, de plus en plus profond entre une grande masse de population qui n’ont jamais accès à la culture et cette élite. En ce sens, il y a une américanisation de la société.
Moi je connais très bien ce sujet parce que j’ai recréé à Yerres la propriété Caillebotte , cela a pris 20 ans. J’ai voulu que ce lieu soit le plus accessible possible au grand public : restauration du patrimoine, accessibilité, identité, art contemporain, sculpture… Je pense que la culture est une part essentielle du message politique à condition de l’ouvrir au plus grand nombre. Et entre nous, il y a un rôle extraordinaire à jouer à la télévision. La télévision en tant que média pour accéder à la culture aux grandes âmes de l’humanité n’est pas utilisée comme il le faudrait. Cela m’a toujours fasciné ça. Je date un peu, je suis peut-être un peu réactionnaire sur ce sujet, un Malraux bis. De Carolis avait essayé à la télévision.
Ce qui est paradoxal c’est que ce sont des séries américaines qui ont réhabilitées les fresques historiques en les romançant.
En faisant ce qu’attendaient les gens. On aurait très bien pu faire les rois maudits remodernisés : entre les rois maudits et Game of Thrones il n’y a pas grandes différences. Tout ça pour dire qu’il faudrait une vraie politique culturelle et le vrai problème de fond quand vous y réfléchissiez et que vous prenez un peu de recul c’est qu’il n’y a plus de volonté publique politique. Nos dirigeants sont devenus des épiciers et de très mauvais épiciers en plus. Et on peut bien gérer les comptes publics et quand même essayer d’avoir une volonté politique. Mais pourquoi ce n’est pas le cas ? Parce qu’on s’est laissé piégé par des budgets sociaux en explosion liés à tout le problème des délocalisations. Donc pour moi le schéma que j’avais présenté à la présidentielle que je trouvais très cohérent c’était la relocalisation d’un million d’emplois pour faire grossir le capital. Une fois qu’on a relocalisé, on peut financer notre système social tout en luttant contre le gaspillage et retrouver une marge de manœuvre pour investir et avoir une vraie politique sociale : éducation, initiation, etc… D’une manière générale tous les gouvernements ont abandonné. Ils ont abandonné parce qu’ils ont perdu de vue l’idée fondamentale qu’en démocratie le rôle d’un gouvernement est de gouverner, d’avoir une volonté politique.
Il faut une vision, une volonté, un plan
Encore une fois c’est ce que font les pays asiatiques. Et il y a un homme en Corée du Sud, un ministre, qui m’a dit « nous vous savez on a copié notre stratégie industrielle sur le Général De Gaulle : planification, baisse des charges, protectionnisme déguisé, ambition culturelle ». La seule chose que je demande c’est que notre pays retrouve une ambition. Alors on ne peut pas tout faire mais s’il y avait une ambition affichée, les français accepteraient de faire beaucoup plus d’effort. Mais pourquoi faire des efforts alors que c’est le chacun pour soi ? Quel est l’intérêt ? Toujours plus pour sa pomme. Cela fait 20 ans que ça dure si ce n’est pas 30, on commence à voir le résultat et le danger c’est de sortir de l’histoire. Voilà pourquoi je ne suis pas non plus anti européen et pas pour la sortie de tout. C’est que je ne conçois l’avenir de la France que dans une juste articulation entre le niveau national et des coopérations européennes ciblées, à 3 ou 4 pays sur la base du volontariat avec un plan stratégique européen précis. C’est ça l’enjeu. Si c’est pour dire nous allons faire tout, tout seul, c’est inutile. Si c’est pour devenir le Venezuela de l’Europe non merci. Si c’est pour se jeter corps et âmes dans un mythe européen bureaucratico-financier non merci. Donc il faut trouver l’articulation et ça, c’est difficile à expliquer en trois secondes mais je pense que c’est possible.
VM : Et donc de manière plus personnelle, qui vous accompagne artistiquement ?
NDA : J’ai eu la chance d’avoir une mère très cultivée. Des parents qui n’étaient pas riche mais cultivés qui m’ont énormément éveillé à tout ça. J’ai d’ailleurs failli être architecte. Ça s’est joué à pas grand-chose. C’est vraiment parce que j’avais la passion de la politique que cela ne s’est pas fait. J’ai dessiné des villes entières, des immeubles… J’ai une pièce chez moi de papiers de ce genre. Donc j’étais très heureux quand j’étais maire parce que j’ai pu dérangerles promoteurs et d’ailleurs ils n’avaient pas envie de venir chez moi !
VM : quel est votre avis sur les Smart Cities ?
NDA : Très intéressant ! Recomposer la ville, trouver un nouveau modèle, je trouve ça très intéressant. En revanche, je pense qu’il y a une hérésie en France, c’est cette volonté de densifier à tout prix alors qu’on a les plus beaux paysages du monde. On interdit aux maires ruraux de construire deux maisons accolées au bourg alors que le rêve des français c’est de retrouver la nature. On a un pays qui n’est pas si vaste que ça et avec la fibre optique on peut relier tous les villages de France : on pourrait concilier la protection de la nature. J’ai écrit des choses là-dessus, c’est un peu imaginaire mais je pense qu’on a un pays merveilleux, des sites extraordinaires et qu’on pourrait avoir une vie très agréable.
D’ailleurs les français supportent ces si mauvais gouvernements parce qu’ils ont la chance de vivre dans un très beau pays.
Simplement, il y a une partie de nos concitoyens qui souffrent énormément et la crise des gilets exprimait cette souffrance. C’est terrible cet abandon des français, d’un bon tiers des français. L’enjeu c’est de retisser des liens. C’est assez simple ce qu’il faut faire en réalité. Le problème de fond c’est comment convaincre les français dans un système verrouillé à mort.
VM : trois bâtiments architecturaux dans le monde vous prenez quoi ?
NDA : Notre-Dame maintenant qu’elle a en partie sombré bien sûr. Plus sérieusement c’est vrai que, quand on est près de quelque chose on en oublie souvent sa valeur.
Mais trois c’est très exigeant. Par exemple à Paris le bâtiment que je préfère c’est l’Institut, un classique parfait, mais les goûts et les couleurs vous savez… Je pense que la Place d’Espagne à Rome est sans doute l’un des plus beaux espaces au monde. Oui, Rome est une très belle ville mais je dois avouer que « ma tentation de Venise » c’est Florence. Pour moi le plus grand artiste de tous les temps c’est Michel-Ange. J’ai une fascination pour Michel-Ange, je pense avoir lu tous les livres sur lui. Parce que c’est un artiste. Il y a une phrase de Jules II que j’avais mis en préface d’un de mes livres, une phrase de Jules II sur Michel-Ange, je m’en souviens plus !
Pour moi Michel-Ange est peut-être l’artiste le plus fabuleux.
Le plus grand des plus grands c’est Michel-Ange et sa vie est passionnante. Je vous recommande des petits livres de Sophie Chauveau, historienne de l’art qui a écrit des romans remarquables sur des artistes comme Vinci, Lippi, Botticelli…