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dans Economie, N°1097

Financement de la mobilité : quelles innovations à l’étranger ?

Cécile MaisonneuveParCécile Maisonneuve
19 janvier 2021
Financement de la mobilité : quelles innovations à l’étranger ?

Poser la question du financement de la mobilité aujourd’hui est nécessaire alors que la transformation du système de mobilité s’impose pour deux raisons.

En premier lieu, la demande de mobilité progresse partout sous la pression démographique et du fait de l’augmentation globale de la richesse par habitant. Cette donnée universelle, et son corollaire qu’est l’urbanisation, imposent à la fois de renforcer les moyens destinés à l’entretien du système de mobilité existant et de le développer. Ce constat vaut certes pour les pays en développement, dans un contexte d’urbanisation galopante mais il vaut tout autant dans les pays matures où le besoin d’infrastructures reste majeur, qu’il s’agisse de leur entretien comme l’a rappelé le drame du pont de Gênes, ou de leur développement, qu’illustre de manière éclatante le projet du Grand Paris Express.

En second lieu, la décarbonation de la mobilité qu’implique l’atteinte de la neutralité carbone à horizon 2050 dans le cadre de l’accord de Paris rend la question de son financement indissociable de l’enjeu climatique. Le secteur des transports représente aujourd’hui près du quart des émissions à l’échelle mondiale selon l’Agence Internationale de l’Énergie tandis qu’entre 1990 et 2017, seuls les secteurs du transport et de l’énergie ont vu leur part dans le total des émissions croître respectivement de 42 à 46 % et de 22 à 24 %.

Le financement de la mobilité et sa décarbonation sont désormais les deux faces d’une même médaille.

Or, qu’il s’agisse des Gilets jaunes en France ou des émeutes suscitées au Chili par l’augmentation du tarif des transports en commun, l’actualité récente a montré que, sans même parler de décarbonation, la refonte d’un système de financement peut se heurter à des oppositions fortes.
Villes et États ne sont pas pour autant désarmés face au défi du financement de la mobilité. Comme le montrent des exemples internationaux, à différentes échelles territoriales, de nombreux instruments de financement de la décarbonation de la mobilité existent. En alliant innovations technologique, technique et politique, des villes telles qu’Oslo, Hong Kong, New York ou des États comme l’Oregon ont mis en place ou expérimentent des solutions efficaces, reposant sur une refonte des outils fiscaux traditionnels (redevance kilométrique, taxe ou quotas sur l’enregistrement des véhicules) ou encore sur le développement de taxes assises sur des actifs fonciers ou immobiliers.

L’analyse de ces différents exemples étrangers rappelle cette évidence : il n’existe pas de solution miracle et unique pour financer la mobilité. Mais elle est riche d’enseignements car elle montre qu’en mettant l’accent sur le « comment faire ? » autant que sur le « quoi faire ? », des pistes d’action multiples se dessinent, aussi nombreuses qu’efficaces.

Pas de solution unique mais des approches combinées

Si l’histoire et la culture ont forgé des schémas de financement différents selon les pays, des similarités existent néanmoins entre les systèmes existants, au premier rang desquels la nature des contributeurs au système de financement. En effet, la mobilité est majoritairement financée par le triptyque « contribuable, usager, entreprise ». Toujours d’actualité, ce triptyque montre pourtant quelques signes d’essoufflement face aux évolutions technologiques, économiques et sociales contemporaines.

Or, avec des solutions dont l’objectif premier n’est pas de financer la décarbonation, il est possible de faire coup double. On peut d’une part financer l’infrastructure, qu’il s’agisse de son exploitation ou de son extension, et d’autre part décarboner les mobilités associées à cette infrastructure. Dans le contexte actuel de relance, on peut même penser à un coup triple : se servir de ces leviers pour financer la reprise, notamment grâce à la mobilité décarbonée.

Des villes et des États montrent aujourd’hui la voie. Les récentes décisions de la ville de New York illustrent cette approche consistant à panacher des solutions pour répondre à un double problème de saturation et de perte d’efficacité de son réseau de transport collectif d’une part, de congestion chronique de son réseau routier d’autre part. L’autorité organisatrice des transports de la mégalopole (MTA) s’est donné comme objectif de proposer des alternatives crédibles à l’automobile en réinvestissant massivement dans le réseau de transport tout en réduisant la part modale de l’automobile dans le centre-ville. Elle est toutefois consciente du fait que la seule action sur l’offre de transport, dans un système qui figure déjà parmi les plus développés au monde, ne suffira pas. Pour enrayer cette double menace qui pèse sur son attractivité et sur la qualité de vie de ses habitants, la ville de New York met en place plusieurs leviers fiscaux dont l’assiette est très différente mais qui vont lui permettre de disposer de nouvelles ressources financières au service du financement de la mobilité et de transformer les usages en matière de mobilité. Ce sont ainsi 51 milliards de dollars qui vont être investis dans le système de transports collectifs dans les cinq années à venir. Le levier majeur de cette politique est un péage urbain qui sera introduit en 2021 par l’État et la ville de New York pour lutter contre la congestion, rendant de fait les transports terrestres plus efficaces, tout en mettant à disposition de la MTA de nouvelles ressources financières.

Parallèlement, l’ampleur du défi incite aujourd’hui New York à explorer de nouveaux mécanismes de financement de la mobilité. Ainsi, alors que la structure de son réseau fait d’elle l’une des villes les plus accessibles au monde, cette accessibilité a des répercussions directes sur le prix du foncier new-yorkais. À partir de 2020, une taxe fixe sur la propriété immobilière, créée en 1989 à l’échelle de l’État, va devenir progressive dans la ville de New York (progressive mansion tax), dont le produit sera affecté au budget de la MTA et dédié au financement de ses projets. Ainsi, si les acquéreurs d’un bien immobilier devront payer une surtaxe de 1 % pour des biens dont la valeur est comprise entre 1 et 1,99 million de dollars, ce taux s’élèvera à 3,90 % de la valeur du bien pour des acquisitions d’un montant supérieur à 25 millions de dollars. Ce sont ainsi 365 millions de dollars par an qui viendront abonder le financement des projets d’investissement de la MTA. Soulignons au passage que ce lien établi entre, d’une part, les valeurs foncière et immobilière, d’autre part la mobilité, qui vise à capter une partie de la rente foncière privée suscitée par un investissement public pour la retourner vers le secteur public, est particulièrement efficace et utilisé par nombre de territoires. C’est ainsi que Copenhague a financé son programme d’extension de la ligne de métro desservant l’aéroport, tout en développant un nouveau quartier sur d’anciennes friches industrielles. La valorisation du foncier et le développement immobilier sont également au cœur du développement du système de transports collectifs de Hong-Kong, ce mécanisme de land value capture représentant d’ailleurs la majeure partie des revenus de l’autorité organisatrice locale, la MTR.

Une dernière spécificité du plan new-yorkais de financement des investissements de mobilité mérite d’être relevée. Une taxe sur les livraisons est introduite, mettant également à contribution la mobilité des biens et des services, qui explose sous l’effet du commerce en ligne. La logique qui préside à la création de cette nouvelle taxe est cruciale. Elle rappelle que, du point de vue de ses externalités (congestion, pollution, bruit), la mobilité forme un tout et que les systèmes qui la rendent possible doivent viser, à travers leur financement, à internaliser autant que possible ces externalités. À cet égard, l’angle mort que représente aujourd’hui la logistique, urbaine ou non, dans les politiques de financement de la mobilité, n’est pas soutenable à terme. La croissance continue et exponentielle des flux de livraisons, notamment sous l’effet du commerce électronique, crée des externalités si fortes que la question d’une évolution de sa régulation doit être posée. Le second enseignement très riche de la démarche new-yorkaise tient à la résilience du système mis en place. Si le produit de la taxe sur le commerce électronique est aujourd’hui modeste, il ne fait pas de doute que la croissance exponentielle de ce secteur va rendre cette taxe très dynamique et permettre une montée en puissance de son produit.

(Dé)penser à la bonne échelle : la nécessité d’une approche territoriale

La mobilité est un système complexe qui s’inscrit dans une logique territoriale. Se déplacer dans un centre urbain dense, où la demande de mobilité est servie par une offre pléthorique, qui va de la marche à pied, gratuite, aux VTC onéreux, en passant par un transport en commun dont l’usager ne paye souvent qu’une faible part, n’a rien à voir avec un déplacement en grande périphérie d’une ville ou en zone rurale où la voiture est généralement l’unique option. Puisque les enjeux de la mobilité sont clairement spatialisés, il faut également adopter une approche spatiale, territoire par territoire, lorsque sont posées les questions de son financement. La France l’a appris à ses dépens : adopter des mesures tous azimuts, descendantes et uniformes, comme une taxe carbone qui frappe y compris des mobilités rurales ou périphériques pour lesquelles n’existe aucune alternative à l’automobile, sans que les usagers reçoivent en retour un bénéfice de cette taxe, ne peut plus être envisagé. Quand l’objectif de financement de la mobilité se double de la nécessité d’envoyer un signal-prix afin de modifier la demande, il importe en effet que les usagers perçoivent un lien direct entre l’augmentation des coûts liés à leurs déplacements et la contrepartie qu’ils en retirent sur le territoire dans lequel ils déploient quotidiennement leur programme d’activités.

L’exemple récent de Cincinnati aux États-Unis est illustratif d’une approche qui combine efficacité et durabilité de la mesure du financement d’une part, changement d’échelle d’autre part. Une majorité de réseaux de transports publics aux États-Unis sont financés par des taxes sur la valeur ajoutée. Cincinnati a cependant choisi dans les années 1970 de financer son réseau par une taxation sur les revenus (county tax) à l’échelle de la ville. Désireuse de rejoindre le modèle dominant en asseyant le financement de sa mobilité collective sur la TVA, la ville ne s’est cependant pas contentée d’un changement de taxe, donc d’assiette fiscale mais a aussi fait évoluer son assiette territoriale. Ainsi, en juin 2020, les électeurs de Cincinnati ont approuvé l’augmentation de la TVA de 0,8 %, active en avril prochain, dont le produit sera affecté au financement du programme « Reinventing Metro » dont l’objectif est d’améliorer les transports collectifs en matière de fréquence, de fiabilité, d’augmentation des amplitudes horaires et d’amélioration des services rendus au client. Cette augmentation de taxe doit apporter 130 millions de dollars supplémentaires par an durant les vingt-cinq prochaines années. Dans un second temps, l’augmentation de la TVA sera suivie par une baisse de la taxe sur les revenus, ce qui, par la même occasion, permet de transférer le financement des transports de la municipalité au comté.

La nécessité d’une approche à la bonne échelle est également ce qui a guidé la ville d’Oslo, en Norvège, lorsqu’elle a mis en place son péage urbain à la fin des années 1980 pour financer les infrastructures routières (Granfoss Tunnel, Festning tunnel, route européenne E18, etc.) et les services de mobilité permettant de répondre à la croissance de la demande. Loin de venir remplir les seules caisses de la capitale norvégienne, c’est au bénéfice d’une échelle territoriale plus large, en l’occurrence de la municipalité d’Oslo et du comté voisin d’Akershus, que le péage a été mis en place.

Un mouvement de fond : vers une évolution majeure de l’assiette de financement

Les exemples de New York et Cincinnati sont tous deux illustratifs d’un mouvement tectonique qui travaille en profondeur l’évolution du financement de la mobilité aux États-Unis, visant à en faire évoluer et à en diversifier l’assiette (valeur ajoutée, immobilier, e-commerce). S’il vaut pour le financement des systèmes urbains de mobilité, ce constat est tout aussi patent s’agissant de la mobilité interurbaine.

Historiquement, les modèles de financement de la mobilité aux États-Unis ont été fondés sur la consommation de carburant. Ce système de taxe sur le carburant, inventé aux États-Unis en 1919 et depuis copié dans le monde entier, a permis un développement massif de la mobilité routière et autoroutière parce qu’il présente un triple avantage. Tout d’abord, il s’affranchit de tout besoin en infrastructures supplémentaires pour assurer la collecte (barrière de péage, etc.). Ensuite, le coût de sa collecte est réduit puisque le système ne nécessite pas ou peu de présence humaine. Enfin, ce système a l’intérêt de créer une corrélation entre le volume d’essence consommé, donc le nombre de kilomètres parcourus, et les revenus alloués à la construction et à la maintenance des infrastructures. Ce système a été profondément ébranlé avec le choc pétrolier des années 1970, qui a ouvert une nouvelle ère, marquée par un accroissement spectaculaire de la performance de la motorisation thermique et donc par une demande de mobilité accrue par ces gains d’efficacité énergétique. La conséquence financière en est la décorrélation croissante entre les revenus issus des taxes sur les carburants et l’usage réel des infrastructures routières, dans un contexte d’explosion de la demande de mobilité sous le double poids de la croissance démographique et de l’augmentation de la richesse par habitant. Le gel des taxes fédérales sur l’essence depuis les années 1990 et la montée en puissance de la mobilité électrique ont achevé de fragiliser le système, aujourd’hui en sursis.

C’est l’État de l’Oregon qui s’est le premier saisi du problème, ce qui est tout sauf anodin. Il est en effet l’inventeur de la taxe sur les carburants alors qu’en 1919, les Ford T produites par millions roulaient dans la boue et qu’il a fallu construire tout autant de kilomètres de routes pour permettre le déploiement de la motorisation de masse. Aujourd’hui, l’Oregon cherche de nouveau à inventer le financement de la mobilité routière du XXIe siècle. Devant la dégradation de son réseau routier et faisant le constat de la diminution progressive du produit de sa principale ressource de financement des infrastructures routières, il expérimente depuis 2013 un programme ambitieux visant à se doter d’une ressource de financement pérenne : une redevance kilométrique (road user charge). Son objectif est de rétablir la corrélation entre l’usage croissant de l’infrastructure routière et les revenus permettant de le financer. Dans ce système, l’usager de la route paie un montant variable, dépendant du nombre de kilomètres parcourus. Encore expérimental à ce jour, ce système est fondé sur le principe d’une flat tax : en d’autres termes, le montant de la redevance est le même pour l’ensemble des usagers, indépendamment du type de motorisation ou de véhicule utilisé. L’expérimentation orégonaise a fait des émules à l’échelle nationale : l’organisation orégonaise qui la gère est aujourd’hui à la tête d’une coalition de quinze États fédérés volontaires de l’Ouest américain, regroupés sous le nom de Western Road Usage Charge Consortium. Si tous ces États n’en sont pas au même stade d’avancement (recherche, programmes pilotes ou instauration prochaine), leur alliance a pour objectif de mettre en place ce nouveau système de taxation à l’échelle pluri-étatique afin de réaliser des économies d’échelle dans la gestion du système.

Cette démarche mérite d’être attentivement suivie dans les années à venir : en consacrant le passage d’un modèle de taxation fondé sur la consommation (carburant) à un modèle fondé sur l’usage (infrastructure), elle s’inscrit dans une lame de fond portée par la transformation de l’économie sous l’effet de la révolution numérique, qui valorise l’usage et l’individualisation de la tarification.

Les consommateurs portent d’ailleurs largement ce mouvement. Ainsi, en 2018, si près de 73 % des Américains se disaient prêts à augmenter leur contribution financière pour mettre à niveau leur système d’infrastructure routière, notons que, parmi eux, 63 % consentaient à payer des péages supplémentaires contre 37 % qui étaient prêts à financer cette mise à niveau par le biais de taxes supplémentaires1 (Consulté le 26 février 2020).]. De la même manière, plusieurs enquêtes conduites aux États-Unis attestent d’une préférence pour le recours au péage plutôt que pour l’augmentation des taxes lorsqu’il s’agit de financer la mise à niveau et la construction d’infrastructures routières. Cette préférence pour la tarification à l’usage (péage, redevance) plutôt que le recours à des taxes supplémentaires s’explique en partie par la perception, chez les usagers, d’un poids excessif de la fiscalité mais aussi par le fait que, contrairement à une augmentation de la fiscalité, le péage garantit l’équité horizontale, à savoir l’application du principe pollueur-payeur2.

Un impératif catégorique : construire l’acceptabilité d’un nouveau système de financement

Les exemples évoqués précédemment montrent à l’envi que les solutions de financement d’une mobilité qui répondent aux enjeux du XXIe siècle sont multiples. Comment expliquer dès lors l’inertie qui régit aujourd’hui le financement des systèmes de mobilité quand bien même nul ne met en doute la nécessité d’adapter la mobilité ? La réponse tient en un mot : l’acceptabilité. Elle est aujourd’hui un prérequis pour asseoir et garantir la transformation du système de financement de la mobilité.

S’il est abondamment utilisé, ce terme est finalement peu défini. Plutôt que d’en donner une définition abstraite, il est plus intéressant d’étudier comment les pays et territoires qui ont effectivement transformé – ou sont en train de le faire – leur système de financement de la mobilité lui donnent corps.

Le premier enseignement majeur tiré de ces expériences étrangères tient à la prééminence du projet et de la vision sur les outils. Les stratégies choisies par ces territoires ont en commun la définition d’une feuille de route et d’objectifs clairs, la question des outils n’étant abordée qu’en deuxième instance. À chacune d’elles correspond en outre une méthodologie fondée sur la concertation avec les acteurs du territoire, condition essentielle au succès de la transition des systèmes de financement de la mobilité. Ce sont sans doute les pays scandinaves qui ont le mieux su systématiser cette approche visant à faire d’abord partager le constat du problème à résoudre, ensuite à faire adhérer les usagers à la vision et au projet, avant de les convaincre de la pertinence des outils nécessaires à leur mise en œuvre. Autant dire que le temps est un facteur-clé dans la construction de l’acceptabilité : cela signifie à la fois qu’il faut prendre le temps de la discussion et qu’un phasage-clair de la démarche est nécessaire. L’exemple de la mise en œuvre progressive de la taxe carbone suédoise, qui fêtait l’an dernier son trentième anniversaire, est à cet égard archétypal. Fruit d’un contrat multipartisan et intergénérationnel – sa montée en puissance s’est étalée sur vingt-cinq ans – la taxe carbone y est aujourd’hui de 114 euros par tonne de CO2 (50 euros en France) sans que cela ne provoque de contestation. Son acceptabilité tient en grande partie à un calendrier de mise en place précis, chiffré et pédagogique, notamment sur l’affectation des recettes. En 2002, 25 % des Suédois étaient favorables à la mesure, chiffre porté en 2019 à 45 %.

Le cas suédois nous livre un deuxième enseignement majeur, également observé dans les exemples de mise en place de péages urbains : les usagers d’un système de mobilité acceptent d’autant plus de le financer qu’existe un lien direct entre l’augmentation des coûts liés à leurs déplacements et la contrepartie effective qu’ils en retirent, notamment à travers les nouveaux services de mobilité qui leur sont proposés. À cet égard, une enquête menée en 2000 dans plusieurs villes européennes mettait en avant l’acceptabilité de mesures visant à mieux gérer les flux de déplacements, telles que la réduction du nombre de stationnements, la mise en place de parcs relais, l’installation d’un péage urbain, etc. On y constate la préférence des sondés pour l’amélioration des transports collectifs et la construction de parc-relais supplémentaires, dont les taux d’acceptabilité s’élèvent respectivement à 94 % et 91 %. Cette appétence peut s’expliquer, d’une part, par le fait que ces deux mesures sont gages de nouvelles solutions et donc d’une palette de choix élargie en matière de déplacements3 et, d’autre part, par le fait que les habitants sont habitués à ce type de mécanismes, communément utilisés pour réguler la demande de déplacement. L’acceptabilité se trouve encore renforcée lorsque les revenus liés à l’internalisation des externalités négatives de la circulation, au travers d’un péage notamment, sont réinvestis dans les transports publics. L’effet est encore plus fort lorsque ces investissements sont réalisés sur le territoire où la tarification a été mise en place4.

Telle est exactement l’expérience d’Oslo. Le péage urbain mis en œuvre dans les années 1990 pour financer de nouvelles infrastructures routières a été accepté aussi parce que les revenus nets qu’il a créés ont été fléchés clairement non seulement vers lesdites infrastructures mais également, à hauteur de 20 %, vers le développement de transports en commun. Et quand il s’est agi, à la fin des années 1990 puis des années 2000, d’en augmenter le prix pour réguler la congestion et améliorer la qualité de l’air, c’est là encore le fléchage d’une partie de l’augmentation du prix vers l’investissement5 (Consulté le 26 février 2020).] dans les transports en commun et dans le système cyclable qui a conditionné son acceptation sociale. La stratégie de la capitale norvégienne est payante en termes d’acceptabilité. Un sondage conduit en 1990, avant l’installation du péage urbain d’Oslo, indiquait que près de 70 % des sondés se disaient opposés à l’outil. En 2009, si 54 % des sondés avaient encore une image négative du péage urbain, ils étaient 74 % à se déclarer disposés à payer davantage si les revenus étaient alloués à l’amélioration des infrastructures routières, des transports collectifs et de l’action municipale en faveur de l’environnement. Cela montre le rôle central joué par l’information et la connaissance dans la construction de l’acceptabilité de tels projets et dans leur réussite.

* * * *

Impérative, l’évolution des mécanismes de financement des systèmes de mobilité est également possible. En alliant innovations technologique, technique et politique, plusieurs villes et territoires sont parvenus à apporter des solutions ou esquissent des pistes de résolution crédibles au problème du financement d’une mobilité compatible avec les enjeux du XXIe siècle que sont la lutte contre les inégalités sociales et la résolution de la crise climatique.

Redevance kilométrique, péage urbain, captation des rentes foncières et immobilières, taxation des livraisons en centre urbain… : les voies de résolution du problème sont nombreuses sans qu’aucune cependant ne parvienne, à elle seule, à apporter une réponse de long terme aux problèmes de financement. L’urgence ne consiste donc pas à agir tous azimuts, de manière indifférenciée : elle consiste à penser et dépenser à la bonne échelle, à partir des territoires et de leurs spécificités, en établissant un ordre de mérite des solutions à déployer et en les combinant si nécessaire.

Et, paradoxe qui n’est qu’apparent, l’urgence demande du temps : celui du partage de la vision et du projet, celui de l’expérimentation et celui de la discussion. Mais ce temps est, seul, gage de la mise en place de systèmes pérennes, évolutifs et acceptés.

Cécile Maisonneuve
Présidente de La Fabrique de la Cité

  1. HNTB, America THINKS 2018 Survey Compilation: Americans’ views on U.S. transportation issues, THINK Infrastructure Solutions, 2018. [En ligne : https://www.hntb.com/wp-content/uploads/2019/11/America- THINKS-2018-Compilation.pdf ↩
  2. Johanna Zmud, Carlos Arce, Compilation of Public Opinion Data on Tolls and Road Pricing, National Cooperative Highway Research Program, Synthesis 377, 2008. ↩
  3. Bernhard Schlag, Jens Schade, Public acceptability of traffic demand management in Europe, Traffic and Traffic Engineering and Control, janvier 2000. ↩
  4. Geertje Schuitema, Linda Steg, Ibid. ↩
  5. John Walker, The Acceptability of Road Pricing, RAC Foundation, mai 2011. [En ligne : https://www.racfoundation.org/wp-content/uploads/2017/11/acceptability_of_road_pricing- walker-2011.pdf ↩

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