Le dimanche 27 février 2022 à 14:09 heure de Moscou, le Président Vladimir Poutine a donné l’ordre au ministre de la Défense Sergeï Choïgo et au chef d’État-major général Valeri Guérasimov de mettre en état d’alerte les « forces de dissuasion » de la Fédération de Russie. L’importance de cette courte intervention nous conduit à la publier dans une traduction intégrale.
« Les pays occidentaux ne prennent pas seulement des mesures inamicales contre notre pays dans la sphère économique, je veux parler de ces sanctions illégitimes, dont tout le monde est bien conscient. Mais les hauts responsables des principaux pays de l’OTAN font également des déclarations agressives à l’égard de notre pays. Par conséquent, j’ordonne au ministre de la Défense et au chef d’État-major général de mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en état d’alerte spécial de garde ».
Depuis lors, les interprétations se multiplient sur le périmètre exact de l’application de cet ordre. Soulignons-le, le Président russe parle des « forces de dissuasion »1 et non pas des « forces de dissuasion stratégiques » 2 qui se divisent en « forces de dissuasion stratégique offensives » et en « forces de dissuasion stratégique défensives ».
Si les mots ont encore un sens, l’intervention du Président russe ne concerne que les forces conventionnelles russes. Et les mots semblent encore avoir un sens, car au moment de les prononcer le Président russe semble chercher la terminologie exacte à utiliser (https://youtu.be/wV28sAi7kXk).
Cette interprétation, basée sur la terminologie militaire, s’appuie aussi sur le fait qu’à l’exception du ministre français des Affaires étrangères 3, aucun des autres « hauts responsables des principaux pays de l’OTAN » détenant l’arme nucléaire n’a fait état de l’existence, voire de l’utilisation, de telles armes.
Par contre, de nombreux pays de l’OTAN ont indiqué leur volonté de fournir des armes conventionnelles offensives aux troupes ukrainiennes et, par cet intermédiaire, de menacer les troupes russes et donc, par le fait même, la Russie.
La terminologie militaire a un sens, essayons de la suivre pour ce qu’elle veut réellement dire, en évitant les interprétations hâtives et par trop catastrophistes. Restons toutefois vigilants, l’avertissement est d’importance, non pas le dernier, mais certainement l’avant dernier.
Dr. Gaël-Georges Moullec
- Le NATO-Russia Council Consolidated Glossary of Cooperation, Brussels–Moscow, NATO Ėd., 2011, 756 p (p.108) définit le terme de force de dissuasion (deterrent force/ sily sderživaniâ) comme : « a credible military capacity, whether conventional or nuclear, which, together with the clear political will to act, is intended to convince any potential aggressor that the consequences of an attack would outweigh potential gains ». ↩
- Strategic Deterrence Forces – Strategičeskie sily sderživaniâ. ↩
- Le 24 février 2022, à 20:21 le ministre Le Drian rappelle au président Poutine, sur le plateau de TF1, que : « l’Alliance atlantique est aussi une alliance nucléaire ». https://www.bfmtv.com/international/ukraine-le-drian-rappelle-a-poutine-que-l-alliance-atlantique-est-aussi-une-alliance-nucleaire_AD-202202240685.html. ↩