Eric Cerf-Meyer dépeint une France en proie à une crise profonde, marquée par l’inefficacité gouvernementale, l’affaiblissement de la démocratie, la montée des tensions sociales, la violence croissante et une politique migratoire défaillante, soulevant des doutes sur l’avenir du pays.
Une France remise en état de marche, telle était la promesse des vainqueurs de l’élection présidentielle de 2017… 14 mai 2024 : on peut légitimement se poser la question du bilan qui restera en 2027 dans trois ans, à l’issue de deux quinquennats véritablement problématiques, marqués par un débat politique de plus en plus polarisé et dans l’impasse, bien loin de la promesse originelle du macronisme.
Le « marais » central où seraient venus fusionner la droite « conservatrice » et la gauche mitterrandienne, sous couvert de progressisme affiché n’aura fait que perpétuer et aggraver la crise démocratique.
Sur les décombres des partis de gouvernement traditionnels sacrifiés à dessein la déliquescence amorcée il y a plusieurs décennies en 1981, couronnée par un spectaculaire recul de l’autorité dans tous les domaines régaliens, se sera accentuée. Somme toute, c’est là l’illustration des limites du « tout changer » pour ne rien changer avec son avatar du « En même temps » où les contraires se neutralisent au gré des circonstances, camouflés sous une communication incessante en lieu d’action. Tout se passe comme s’il s’agissait là de la tentative ultime d’un régime de plus en plus essoufflé pour gagner du temps …
L’heure approche où dans notre « cher et vieux pays », les Français du premier quart du 21e siècle pourront prendre toute la mesure du chemin périlleux emprunté sous l’emprise de mauvais diagnostics et de politiques inadaptées à l’ampleur des défis à relever dans un monde percuté par une globalisation incontrôlée. Mais dans l’attente d’une éventuelle alternance et d’un rebond vers l’espérance d’un avenir moins sombre, il faut survivre dans une actualité dramatique où se télescopent en s’accélérant les signaux de la gravité d’une situation de moins en moins maîtrisée, avec des paliers d’escalade dans le désordre franchis semaine après semaine sans que les réponses des gouvernants et de la représentation nationale soient à la hauteur du danger.
A moins d’un mois du 9 juin 2024, le pays clivé plus que jamais pâtit d’une absence de majorité à l’Assemblée pour le gouverner, résultante d’une reconduction par défaut sans adhésion claire à un projet lisible en 2022 . L‘ Exécutif voué à s’effacer dans trois ans n’en demeure pas moins dans ce qui lui reste de quinquennat visiblement loin d’être en mesure de redresser le pays avant le terme d’une seconde mandature caractérisée par l’exacerbation des difficultés accumulées en l’espace de 7 ans d’exercice du pouvoir…
Sous les coups de boutoir de l’actualité, la campagne pour les Européennes tend à se transformer en vote sanction contre le pouvoir, loin de la doxa dominante et de certains de ses relais mediatiques. La fenêtre d’opportunité est là pour nombre d’électeurs afin d’exprimer ce qu’ils pensent vraiment de l’état de la France dans l’Europe et le monde actuels. A qui la faute et pourquoi les en blâmer ? En quoi une Europe fédérale version rapport Verhofstadt serait préférable, avec la disparition définitive des voix nationales par l’abandon du vote à l’unanimité pour les questions d’intérêt majeur qui se dissimule derrière la réforme des traités? En quoi serait-elle garante d’une amélioration remédiant à l’immensité des problèmes actuels de la France? En quoi serait-elle à même d’être plus efficiente qu’ une Europe des nations unies autour de projets librement consentis et d’objectifs clairement partagés ? L’européisme actuel de l’exécutif sans force probante de résultats en matière de sécurité, de réponse au défi migratoire, ou de défense viable à long terme contre les agressions en germe, au delà même de la guerre en Ukraine, ne semble pas en mesure de rassurer l’opinion publique et de convaincre les électeurs que l’avenir radieux réside uniquement dans la direction prescrite par les instances bruxelloises.
Les faits divers tragiques qui sont en réalité autant de faits de société obérant gravement la vie de la collectivité nationale, incarnés dans ces drames de Crépol, Châteauroux jusqu’à celui du péage d’Incarville, reflètent une toute autre image de la France que celle d’une contrée idyllique de vivre ensemble harmonieux, toute de cohésion partagée. La flamme olympique ou la communication sur l’attractivité économique pour les investisseurs étrangers ne suffiront pas, tant s’en faut, à rassurer l’opinion publique.
Le monde entier nous observe et regarde ce qui se passe à Mayotte, 100e département français où un enfant de 3 ans vient de décéder du choléra ; il enregistre aussi le nombre de marches blanches qui ponctuent la flambée de la violence dans la jeunesse de France, en partie résultante de l’échec de l’intégration et d’une politique migratoire démissionnaire. Mais probablement et beaucoup plus alarmant, les toutes récentes images d’émeutes et du chaos provoqué en Nouvelle-Calédonie par l’examen à Paris du projet de réforme constitutionnelle revenant sur le gel du corps électoral conformément aux accords de Matignon et de Nouméa, constituent le signal, bien au delà de la colère des indépendantistes kanaks, de l’extrême vulnérabilité de la France sur l’échiquier mondial et du danger qu’il y a à marchander ou jouer avec notre souveraineté en Europe et ailleurs dans le contexte actuel. Les observateurs étrangers ne manqueront pas de tirer des conclusions de la faiblesse de la France au vu de ce qui se joue à Nouméa. Quant à nos ennemis tangibles allant des trafiquants mondiaux de drogue qui n’hésitent pas à abattre froidement, implacablement des agents de l’administration pénitentiaire pour faire évader un criminel au péage d’Incarville, aux manipulateurs apprentis sorciers, relais des wokistes et entristes islamistes, utilisant les étudiants de Sciences-po et des universités sous couvert de la guerre entre Israël et les terroristes du Hamas, ils n’ont de cesse de contribuer à nous déstabiliser et affaiblir toujours plus avant notre démocratie.
Dans un climat aussi lourd où l’affaissement insidieux de notre instinct de survie collectif le dispute au recul de l’autorité et la montée de la violence , tout laisse à penser que le scrutin du 9 juin 2024 constituera pour nombre de nos compatriotes l’occasion de manifester leur mécontentement, leur inquiétude ou leur désarroi, en d’autres termes une liberté de penser qui leur est par trop souvent déniée par un exécutif pensant disposer à tort du monopole de la raison et de la vérité ! Toute la question consiste à savoir si le pouvoir sera en mesure d’entendre l’alarme qui vient ou si , enfermé dans ses certitudes, il restera sourd au désaveu auquel il risque d’être lourdement confronté, au risque d’aggraver encore plus lourdement la crise systémique de notre modèle républicain.
Eric Cerf-Mayer