François Bayrou gouverne à son rythme. Peu lui importe le tempo médiatique, le Premier ministre suit son chemin, sans se presser. Et même si les Français ne comprennent pas bien où il entend les emmener, ni comment, il oppose une assurance déconcertante, à défaut d’être rassurante.
Il y a un peu plus de 35 ans, en 1989, la droite était bousculée par l’appel au renouvellement de douze jeunes quadras impatients, tous députés, six RPR et six UDF. Le coup d’éclat n’avait pas duré, mais il avait permis d’identifier ces « rénovateurs » ambitieux. Trois d’entre eux sont devenus Premier ministre : François Fillon, Michel Barnier et François Bayrou. Le Savoyard n’a plus jamais joué la rébellion, et si le Sarthois a souvent flirté avec la ligne, il ne l’a jamais franchie. Au contraire de François Bayrou qui, lui, ne respecte aucune règle établie. En réalité, depuis la création de l’UMP, en 2002, il n’en fait qu’à sa tête. Tenant tête au RPR, inventant le concept du centre qui s’allie à la droite ou à la gauche, qui se rallie à Macron mais continue à jouer sa propre partition.
De tous les Premiers ministres d’Emmanuel Macron, François Bayrou est le premier à ne pas devoir sa carrière au président de la République, il n’écoute donc que lui-même. Habile manœuvrier, il a réussi à éviter la censure. Fort de ce succès, il oublie toute prudence. Il avoue qu’il ne croit pas possible de revenir sur l’âge de départ à la retraite alors même que c’est grâce à cette perspective qu’il n’a pas été renversé par les socialistes. Sa côte de confiance chute. Les Français ne parviennent à comprendre ses intentions, ils évoquent son inaction ou son immobilisme. Tout autre locataire de Matignon s’efforcerait d’éclairer leur lanterne, exposerait son calendrier d’action, expliquerait sa méthode. Pas François Bayrou. Plutôt que d’annoncer avec précision les remèdes qu’il entend mettre en œuvre, et qui lui sont réclamés, il a d’abord tenu à poser un diagnostic. Sévère, et par conséquent plus angoissant que rassurant. Au lendemain de l’exercice, 80% des Français se disent préoccupés par les déficits, mais la perspective de devoir fournir des efforts pour les réduire suscite plutôt colère et mécontentement. Ils n’ont visiblement pas entendu l’optimisme revendiqué par François Bayrou, dont la cote baisse encore.
Cette incompréhension semble glisser sur les plumes du Premier ministre. François Bayrou prend son temps. C’est tout le paradoxe du chef du gouvernement, il agit comme s’il avait tout loisir de donner du temps au temps, comme si une censure ou une dissolution étaient impossibles. Sans doute parce qu’une fois la censure votée, la question est de savoir qui pourrait prendre la place de François Bayrou sans faire voler en éclats les difficiles équilibres du gouvernement actuel. Autre question essentielle : quelle force politique est certaine de gagner les législatives après une dissolution dont seul peut décider Emmanuel Macron ? Un RN dont la cheffe de file ne pourrait pas être candidate ? Une droite qui se livre une bataille interne risquée ? Une gauche toujours irréconciliable ? Un socle commun qui tient à grand-peine ceux qui le compose ?
Autant de questions dont l’absence de réponse autorise François Bayrou à suivre son tempo personnel, comme il l’a toujours fait.
Marie-Eve Malouines
Editorialiste