Quelle est la contribution de l’ONU dans ce conflit qui dure depuis près de 500 jours et qui a commencé le 24 février 2022 ?
Dans cette guerre entre la Russie et l’Ukraine, on peut légitimement s’interroger à propos des dégâts et destructions commises par la Russie dans ce conflit. Certes il est difficile à l’heure actuelle d’évaluer avec précision les conséquences politiques, économiques, sociales et financières occasionnées par cette agression russe sur le territoire ukrainien mais nous pouvons déjà en faire ressortir quelques tendances générales.
Quelques chiffres forts nous aideront à bien comprendre l’ampleur et la tragédie de cette guerre.
Qu’il s’agisse du bilan humain ou financier de la guerre en Ukraine, les chiffres certes sont très différents selon les autorités et les sites.
Selon la Norvège, pays frontalier de la Russie, le chef d’état-major E. Kristoffersen a estimé à 180 000 le nombre de morts du côté russe différent du ministère de la Défense ukrainien qui indiquait 145 060 morts (ref : 22 février 2023). Du côté ukrainien, selon le même responsable, les pertes militaires seraient de 100 000 morts.
Il y aurait environ selon l’ONU près de 8 millions d’Ukrainiens qui auraient quitté leur pays principalement vers l ‘Europe et surtout la Pologne.
Ces chiffres doivent être appréciés avec prudence car ceux-ci ont tendance à être donnés à la hausse ou à la baisse par les agresseurs ou défenseurs afin de manifester leur supériorité.
L’économie ukrainienne est au plus bas depuis l’invasion russe. Le coût est dramatique pour le pays dont le PIB s’est contracté de 35 % en 2022 selon la Banque mondiale. Le montant des dommages s’élèverait à 138 milliards de dollars et 34 milliards de pertes pour l’agriculture.
L’impact des bombardements sur les écoles est considérable. Selon l’UNICEF, près de 5 millions d’enfants sont déscolarisés et des milliers d’écoles sont détruites. 239 lieux culturels ont été touchés selon l’UNESCO . D’après le Conseil européen, le support militaire européen atteint 12 milliards d’euros si l’on compte les aides directement versées par les Etats membres alors que les Etats-Unis ont versé 22,86 milliards d’euros.
Cette étude présente plusieurs dimensions :
- D’un point de vue conceptuel, la qualification « d’opération spéciale » utilisée par le président russe le 24 février 2022 lors du début de l’intervention russe n’a plus de sens. Cette expression apparaît décalée et inappropriée par rapport aux enjeux du débat. Nous sommes en ce moment dans le cadre d’un conflit international opposant directement ou indirectement la Russie face à un « bloc occidental » et l’OTAN soutenant l’Ukraine.
- Sur le plan stratégique, certains se réfèrent à une nouvelle guerre froide qui opposerait deux conceptions et idéologies : les tenants de la démocratie face aux défenseurs de la dictature. Certes cette notion est historiquement située car elle s’inscrit dans une période bien précise. La « guerre froide » est un état de tension qui opposa de 1945 à 1990, les Etats-Unis et l’URSS et leurs alliés formant chacun d’eux un bloc militaire et idéologique. Cette période fut interrompue à la chute du mur de Berlin en 1989 et l’effondrement des régimes communistes. Peut-on transposer ce concept au conflit entre la Russie et les pays de l’OTAN principaux soutiens de l’Ukraine ? Cette voie et perspective semblent se tracer dans l’avenir avec l’installation de régimes politiques, économiques, militaires et culturels distincts.
- Historiquement, cette guerre aurait pour origine l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et la guerre du Donbass commencée à la même date entre l’Ukraine et les forces séparatistes pro-russes. Le particularisme criméen signifiait que la Crimée était une république autonome faisant partie de l’ensemble politique ukrainien. En effet, la Constitution ukrainienne de 1996 accorde à la Crimée le régime d’une république autonome afin d’adoucir les revendications sécessionnistes de la population russe majoritaire dans ce territoire.
- Sur un plan militaire, il est difficile de dresser un inventaire rigoureux et concis du matériel militaire de chaque pays. Il faut noter que cette guerre peut prendre des tournures nouvelles et soudaines liées à la livraison de nouveaux matériels. De plus en plus les pays mettent en balance le soutien militaire à l’Ukraine et la crainte d’une escalade du conflit. La récente décision du président des Etats-Unis le 19 mai 2023 d’autoriser la livraison d’avions de combats F-16 de fabrication américaine à l’Ukraine change la nature du conflit. Cela signifie que la stratégie de l’Ukraine ne se limitera plus à une politique de résistance face à l’agresseur russe mais comporte désormais une dimension d’attaque. Avec cette livraison d’avions qui sera effectuée par les alliés européens, on atteint un degré supplémentaire dans la course à l’armement et une implication plus engagée de l’Europe dans ce conflit ce qui n’est pas sans risque.
- L’approche doctrinale de la politique militaire de la Russie est intéressante à analyser. Elle aurait pour fondement la théorie du contournement de la lutte armée (Cf D. Minic, Pensée et culture stratégique russes. Du contournement de la lutte armée à la guerre en Ukraine, Ed de la Maison des sciences de l’Homme, avril 2023). Cette théorie se fonde sur deux éléments principaux : le premier est de privilégier des moyens et méthodes non militaires (ex la guerre informationnelle) et le deuxième est l’évitement des conflits armés. L’objectif est de provoquer l’effondrement de l’Etat et de l’armée ukrainiens grâce à une lutte finale mais limitée. Il ne semble pas que ce scénario se soit réalisé dans cette direction en raison d’une mauvaise appréciation des capacités de lutte de l’armée ukrainienne mais aussi d’une certaine naïveté dont aurait fait preuve les élites militaires russes au sujet de cette théorie.
Notre étude s’articulera autour de deux point principaux : à travers cette guerre, nous examinerons d’abord d’un point de vue politique la grave crise de l’ONU et ensuite sur un plan plus technique la contributions des institutions internationales.
En effet, dans ce bilan, il faut bien distinguer d’une part l’action politique de l’ONU dans le cadre de ses institutions et de ses organes de nature politique (Conseil de sécurité et l’Assemblée générale) et d’autre part l’assistance technique apportée par les institutions spécialisées formant le système des Nations unies et les autres organisations internationales en relation avec l’ONU.
La crise de l’ONU
Dans la définition classique, les organisations internationales sont des sujets de droit comme les Etats. Leur personnalité juridique est double : elle s’affirme dans l’ordre juridique interne et international. Elles disposent de compétences propres et variées selon les organisations. Cependant, elles sont différentes des Etats en ce sens qu’elles ne possèdent pas de territoire et de souveraineté.
Dans l’hypothèse d’une grave crise internationale comme c’est le cas avec l’Ukraine, on peut se demander quels peuvent être leur rôle en cas de conflit ?
Cette crise a mis en exergue les limites de l’ONU dans la conduite des affaires internationales
Il faut rappeler que l’ONU a été créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale le 24 octobre 1945 pour remplacer la Société des Nations (SDN) incapable de régler les différends internationaux.
A l’époque la SDN rassemblait une quarantaine de pays alors que l’ONU compte actuellement 193 membres. La Charte des Nations unies, texte fondateur, a été signée le 26 juin 1945 à San-Francisco puis ratifiée par les 51 Etats désignés comme membres fondateurs.
Le projet de l’ONU repose sur trois objectifs principaux :
- Maintenir la paix et la sécurité dans le monde : la notion d’Etat de droit inscrite par la Charte des Nations unies garantit le respect du droit international et les principes fondamentaux de la justice.
- Promouvoir et défendre les droits de l’homme depuis l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’Homme le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations unies.
- Développer la coopération internationale à partir de l’élimination de la pauvreté, la protection de l’environnement, le respect des droits de l’homme et la bonne gouvernance sont les priorités de cette coopération internationale.
La notion de sécurité collective empruntée au Pacte de la Société des nations est au coeur de la Charte et elle est fondée sur les dispositions du chapitre VII (notamment art.43 à 47). L’idée est que la paix est un bien indivis, partagé par tous les Etats membres de la communauté internationale.
Sur cette base de contrat social international, les Etats renoncent à l’usage de la force dans ses relations avec les autres Etats et en contrepartie reconnaissent à l’organe principal du maintien de la paix, le Conseil de sécurité, les moyens de la coercition internationale et la police internationale.
Ce Conseil se compose des cinq membres de droit (Etats-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne et France) et de dix membres permanents élus par l’Assemblée générale tous les deux ans. Le directoire des Grands représenté par les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, eux-mêmes assurés par la détention du droit de veto sur toutes les décisions va aboutir progressivement à la paralysie du système.
Au-delà de cette présentation formelle, on peut affirmer qu’il existe une grave crise de l’ONU et une certaine impuissance à régler les différents conflits internationaux : conflits en Syrie, Moyen-Orient et Afrique et maintenant en Ukraine. Quelles sont les raisons profondes de cette crise structurelle ?
D’un point de vue juridique, le droit international interdit la menace ou le recours à la force dans les relations internationales codifié par l’article 2 par 4 de la Charte des Nations unies.
Cette interdiction n’est pas absolue car l’emploi de la force peut être autorisé dans deux hypothèses : l’autorisation du Conseil de sécurité pour le maintien ou le rétablissement de la paix et une autre hypothèse en cas d’exercice de la légitime défense.
Nous sommes dans ce cas de figure en Ukraine où nous avons la Russie qui agresse ce pays.
Ce dernier va exercer son droit de légitime de défense selon les conditions prévues par le droit international (Art 51 de la Charte des Nations unies). Cet article précise « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit de légitime défense, individuelle ou collective dans le cas où un membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée… ».
En outre , il faut y ajouter les conditions précaires et difficiles de la résistance ukrainienne malgré le soutien de l’Europe et de l’ OTAN et les progrès de son armée.
Deux résolutions d’octobre 2022 et du 23 février 2023 de l’Assemblée générale des Nations unies ont condamné l’intervention russe et demandaient le retrait des forces russes de l’Ukraine. La dernière résolution a obtenu une large majorité de 141 voix sur 193 membres.
Certains préconisaient l’exclusion de la Russie de l’ONU mais cette procédure d’exclusion exige l’accord du Conseil de sécurité.
Malgré l’adoption de ces deux textes, le système est bloqué en raison du veto de la Russie et de la Chine pour la mise en place d’une force internationale.
D’autre faiblesses ont été relevées en ce qui concerne le fonctionnement de l’ONU. Elles sont relatives aux opérations de maintien de la paix. L’efficacité de leurs actions est de plus en plus contestée. Les budgets notamment de ces opérations augmentent sans contre partie dans le règlement pacifique des conflits. Sur les seize missions actuelles, huit se trouvent en Afrique dont la plus importante de ces forces est en République démocratique du Congo composée de 20 000 hommes.
Au Mali et sur le plateau du Golan en particulier, ces militaires sont menacés et deviennent des cibles d’attaque pour des groupes armés. Le concept même d’opération de maintien de la paix est remis en cause en raison de son manque d’efficience et des risques encourus par les soldats. Ils seraient passés de surveillants des lignes de cessez le feu à celui de « guerriers-gardiens de la paix ». Face à cette situation, le Secrétaire général des Nations unies a formé un groupe d’experts chargé de lui remettre un rapport en septembre 2023 devant l’Assemblée générale des Nations unies et le Conseil de sécurité.
Malgré ces critiques plus ou mois fondées, il faut reconnaître le courage politique de l’Assemblée générale des Nations unies qui dans deux résolutions différentes concernant la Russie estimait d’une part que les quatre « référendums organisés par la Russie dans les régions de Donetsk, Luhansk, Kherson et Zaporijjia ne pouvaient pas être considérés comme légaux » et d’autre part celle par laquelle l’AG qualifie de « tentative d’annexion illégale » des quatre régions ukrainiennes (résolution de l’AG du 30 septembre 2022).
Des critiquent sans doute sévères mais qui contiennent une part de réalité remettent en cause l’existence et l’effectivité des Etats dans la société internationale. Cette opinion est notamment exprimée par un auteur : « Il n’y a pas d’Etat de droit à l’échelon mondial » (Cf JS. Mongrenier, Géopolitique de la Russie et de l’Eurasie post-soviétique, PUF, 2022).
Les organisations internationales: supports et cadre de l’action de l’ONU
Les institutions spécialisées et les organisations jouissant d’une plus grande autonomie sont des instruments indispensables à l’action de l’ONU. La vie internationale est diverse et variée et se manifeste sur de nombreux plans.
D’un point de vue économique, l’impact le plus immédiat de la crise ukrainienne va être une forte hausse des produits de base. Les expéditions de céréales via les ports de la Mer noire ont été arrêtées, ce qui pourrait avoir des conséquences importantes pour les pays pauvres. La destruction des infrastructures, l’augmentation du coût du commerce, l’impact des sanctions, y compris l’exclusion de banques russes des systèmes de règlement (SWIF), la perte de confiance des milieux d’affaires/des consommateurs vont avoir des effets néfastes sur l’ensemble de l’économie mondiale. Or comme le déclarait la Directrice générale de l’OMC Ngozi Okonjo-Iweala, cette organisation « peut jouer un rôle central en offrant une enceinte où les pays peuvent débattre de leurs divergences sans avoir recours à la force ».
Il est à noter que le 9 mars 2023, le Fonds monétaire international a approuvé le décaissement de 1,4 milliard de dollars en faveur de l’Ukraine pour répondre à des besoins urgents de financement, atténuer les répercussions économiques de la guerre.
Il faut souligner également qu’une aide similaire par la Banque africaine de développement (BAD) de un milliard de dollars va être levée pour aider 40 millions d’agriculteurs africains à augmenter leur production de blé.
Penser aux attaques russes de nature chimique et nucléaire, c’est un des soucis principaux de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Le Directeur général RL. Grossi a rédigé en plusieurs points un dispositif pour assurer la sûreté et la sécurité de la centrale de Zaporijia en Ukraine qui représente la principale centrale nucléaire du pays : ne pas mener d’attaque de quelque nature que ce soit depuis ou contre la centrale, en particulier contre les réacteurs, ne pas utiliser la centrale comme lieu de stockage ou de base pour les armes lourdes et le personnel militaire, ne pas mettre en péril l’alimentation électrique hors site de la centrale ; protéger toutes les structures et tous les composants nécessaires à l’exploitation et enfin ne mener aucune action qui porte atteinte à ces principes. Ce plan a été adopté et approuvé le 30 mai 2023 par le Conseil de sécurité de l’ONU. L’OTAN prévoit également d’envoyer du matériel de protection spécial en cas d’attaque.
Or quelques jours plus tard le 5 juin 2023 survient l’explosion du barrage de Nov Khakova sur le fleuve Dnipro près de Kherson. Cet évènement est en parfaite contradiction avec les principes énoncés par le Directeur général de l’AIEA….
Les conséquences sont multiples et désastreuses. On annonce déjà une catastrophe écologique et humanitaire. Près de 80 communes sont touchées par les inondations.
Le barrage de Nov Kharkova constitue l’une des plus grandes infrastructures en Ukraine de ce type. Ce barrage est un réservoir qui alimente en eau la péninsule de Crimée et la centrale nucléaire de Zaporijia sous contrôle russe. Sur ce barrage partiellement détruit, les deux parties s’accusent d’être derrière cette catastrophe.
La sureté nucléaire peut avoir un impact sur l’alimentation et la faim. L’ Organisation mondiale de la santé (OMS) a pris des mesures importantes contre l’invasion russe. Cet organisme a voté une résolution non contraignante condamnant les attaques russes contre les établissements de santé ukrainiens et les effets de la guerre sur la santé publique.
Une résolution condamnant les attaques de la Russie contre le système ukrainien a été approuvée le 25 mai 2023 à l’Assemblée mondiale de la santé à Genève, dans un geste de soutien à Kiev. Le texte demandant que Moscou cesse « immédiatement toute attaque contre les hôpitaux et autres établissements de santé » en Ukraine a été adopté par 80 voix pour et 9 voix contre, dont la Chine et la Russie.
Il faut souligner que ce dernier pays a utilisé près de 91 frappes contre des installations sanitaires ukrainiennes, principalement contre des hôpitaux.
Le spectre d’attaques nucléaires et chimiques en Ukraine inquiète de plus en plus les responsables onusiens et les experts réfléchissent à la mise en place de systèmes de protection.
Poutine envisage de quitter l’OMS et l’Organisation mondiale du commerce. Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe a envoyé le 20 mai 2023 une liste d’organisations internationales au Parlement avec l’ordre de l’examiner et de rompre « les obligations ou les traités qui n’apportent pas de bénéfices mais des dommages directs au pays ». Cette décision est liée au fait que les pays occidentaux ont interrompu le commerce avec la Russie et plusieurs centaines d’entreprises occidentales se sont retirées du pays afin de protester contre l’invasion en Ukraine.
Réciproquement, les Russes répondent aux sanctions prises à leur encontre. Un Croate, un Suédois et trois Britanniques avaient été faits prisonniers lors de la bataille de Marioupol alors qu’ils faisaient partie du régiment Azov, unité de la garde nationale ukrainienne considérée comme une organisation terroriste en Russie. Ils ont été inculpés pour « mercenariat » par un un tribunal du sud de la Russie et jugés par contumace. Ils ont été libérés plus tard dans le cadre d’un échange de prisonniers entre l’Ukraine et la Russie.
Dans la lignée de cette politique, la Russie a annoncé également le 24 mai 2023 une politique de confiscation des biens en Crimée.
Cette politique a pour objet la « nationalisation » de biens appartenant à des étrangers dont l’appartement de la femme du président ukrainien et le bâtiment officiel d’une minorité musulmane réprimée. En effet, cette minorité tatare, qui représente 12 à 15 % des deux millions d’habitants de la Crimée, a largement boycotté le référendum de rattachement organisé par Moscou en 2004 pour son annexion.
La société internationale utilise également une autre boîte à outils pour condamner et sanctionner la Russie, en particulier le respect des législations relatives aux droits de l’homme et au droit de la guerre. Les organisations internationales gardiens du droit et de la légalité internationale (cf la CPI ) vont être chargées de la mise en oeuvre de ces droits. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les actions de la Russie provoquent l’indignation de la communauté internationale en raison principalement de l’utilisation d’armes non discriminantes contre des populations et des infrastructures civiles : habitations, écoles, hôpitaux, centrales nucléaires…
La Convention de Genève interdit » les attaques dans lesquelles on utilise des méthodes ou moyens de combat qui ne peuvent pas être dirigés contre un objectif militaire ciblé. Le droit international ou « droit de la guerre » considère comme des civils toutes personnes qui ne participent pas aux hostilités.
La présence sur le terrain du Haut Commissaire des Nations unies permet d’avoir des informations privilégiées concernant les souffrances endurées par la population civile en Ukraine. La guerre a fait au moins 8 006 morts et 13 287 blessés au cours de l’année 2022. Selon le Haut Commissaire des Nations unies : « Le tribut payé par la population est insupportable. En raison des pénuries d’eau et d’électricité pendant les mois d’hiver, près de 18 millions de personnes ont eu besoin d’une aide humanitaire d’urgence. Les élèves ont vu leur scolarité interrompue ou perturbée, les personnes âgées ou handicapées ont été confrontées à d’immenses difficultés devant passer de longues périodes dans des sous-sols. »
Cette situation représente des atteintes flagrantes au droit international et constitue un affront à la Charte des Nations unies créée pour protéger les être humains partout dans le monde.
Il sera essentiel que demain les victimes puissent obtenir des réparations et l’assistance pratique dont elles ont besoin.
Après la visite effectuée par V. Türk le 21 février 2023, le Haut Commissaire réclamait l’arrêt immédiat de l’opération militaire de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et signalait les menaces « nouvelles et dangereuses pour les droits de l’homme ».
Le procureur de la Cour pénale internationale a ouvert une enquête pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Dans le même temps, le Conseil des droits de l’homme a décidé le 5 mars 2022 d’établir d’urgence une commission d’enquête internationale indépendante sur toutes les violations présumées des droits de l’homme dans ce territoire. Un peu plus tard, l’Assemblée générale le 26 avril 2022 adopte une résolution par laquelle elle suspend la Russie du Conseil des droits de l’homme.
Il faut y ajouter également les sanctions prises par les principaux acteurs internationaux contre le régime totalitaire et terroriste russe sur le fondement des violations du droit international.
La convention de Rome de 1998 a mis en place de nouvelles procédures d’arrestation contre des dirigeants internationaux quels que soient leurs statuts en tant que chef d’Etat ou de gouvernement.
Un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) a été émis le 17 mars 2023 contre V. Poutine, dirigeant d’une puissance nucléaire et membre permanent du Conseil de sécurité.
L’objet de ce mandat porte sur la déportation illégale de 16 000 enfants ukrainiens. Cette mesure touche également AL. Belova (commissaire russe à l’enfance).
Ce mandat a des effets juridiques parmi les 123 Etats membres de la Cour pénale internationale.
Cela signifie que le président russe peut être en état d’arrestation s’il pénètre dans l’un des Etats signataires de la Convention. La Russie, les Etats-Unis ainsi que l’Ukraine n’ont pas signé la Convention de Rome. Cependant, cette sanction est applicable par les autres pays signataires de ce texte international.
Avec cette guerre, l’ensemble des pays est vulnérable ce qui implique une stratégie unique pour faire face à cette crise mondiale. Pour cette raison, l’avantage des organisations internationales est de présenter face à l’adversaire une position commune et cohérente qui vise à effacer les divisions et la politique des blocs afin de garantir la sécurité des Etats et la bonne marche de la société internationale. C’est sans doute une grande ambition mais les Etats ont-ils un autre choix pour obtenir la paix ?
Arnaud de Raulin
Professeur émérite des universités