Député du Val-d’Oise, Aurélien Taché interviendra lors de la Cité des débats à Saint-Raphaël – L’événement de la Revue Politique et Parlementaire » sur le thème « Comment concilier citoyenneté et décisions ? ». Entretien.
Revue Politique et Parlementaire – Cette nouvelle édition s’intitule : « Savoir, pouvoir et démocratie ». Comment concilier ces 3 notions ?
Aurélien Taché – On sait depuis au moins Platon que pour bien gouverner, le prince a besoin du savant. Mais les savants ont été remplacés par des experts et c’est sur eux que le Président de la République s’appuie pour administrer le pays, plus qu’il ne le gouverne et le peuple ratifie cela tous les 5 ans.
J’appelle cela le « césarisme technocratique », qui s’est considérablement renforcé avec Emmanuel Macron et c’est extrêmement dangereux.
On l’a par exemple vu pendant la crise sanitaire, ou la France, en s’appuyant sur une technocratie sanitaire chapeautée par un conseil scientifique, plutôt que sur les élus et le terrain, a eu énormément de mal à vacciner, en raison de la défiance qu’inspirait, à tort ou à raison, ce type d’organisation ou de prise de décision. Il aurait au contraire fallu que les épidémiologistes se contentent de désigner le bon remède (en l’occurrence le vaccin), que le pouvoir investisse pour le déployer et que les professionnels de santé et élus de terrain se voient confier sa distribution. Elus et citoyens doivent être replacés au cœur du processus de décision.
RPP – De quelle manière les citoyens participent-ils à la décision ?
Aurélien Taché – Aujourd’hui, essentiellement en élisant le Président de la République tous les 5 ans. Les élections législatives étant devenues, hors cas de réélection, une simple formalité pour donner une majorité au Président de la République, qui pourra toujours la changer en utilisant son pouvoir de dissolution de l’Assemblée nationale si elle ne lui convient pas. Cela n’a aucun sens je suis pour qu’on remette les élections législatives avant l’élection présidentielle et qu’on supprime le pouvoir de dissolution.
Il faudrait par ailleurs créer une troisième chambre au Parlement pour que les citoyens y soient représentés, sur le mode de conventions citoyennes permanentes.
Celle sur le climat a été un formidable outil démocratique, car contrairement à ce qui se passe avec les référendums, les personnes tirées au sort sont éclairées par des experts avant de délibérer. Cette nouvelle chambre se verrait attribuer un sujet par session et auraient ensuite un droit de suivi, avec un rapporteur, qui pourrait interroger régulièrement le gouvernement sur l’application, à travers des « QAG citoyennes ».
Il est aussi nécessaire de renforcer la démocratie locale, à travers notamment les communes et les régions pour en finir avec le « césarisme technocratique » que j’évoquais tout à l’heure et qui repose d’abord sur un hyper-centralisme.
RPP – Comment le citoyen se vit en tant que citoyen dans sa vie de tous les jours ?
Aurélien Taché – La citoyenneté peut se vivre de différentes manières. Au-delà du vote et ou des consultations, le citoyen peut par exemple s’engager dans des associations et c’est d’ailleurs ce que font beaucoup de français. Mais comme je le disais un peu plus tôt, je crois qu’il est nécessaire d’associer plus fortement les Français à la prise de décision collective.
C’était, j’en suis convaincu, la question fondamentale pour les Gilets Jaunes. Aujourd’hui, ce qui menace c’est l’indifférence.
Si l’on continue comme cela, il est possible que lorsque la génération Z aura atteint l’âge de raison, les taux de participation à l’élection présidentielle soient inférieurs à 50%.
De plus en plus en de français souhaitent même sortir du contrat social ! En travaillant sur la question du survivalisme, c’est-à-dire ces individus qui se préparent à possible effondrement du monde, j’ai rencontré des professionnels de l’immobilier qui me disaient que les demandes de maison qui ne sont connectées à aucun réseau ou infrastructures explosent ! Tout cela doit nous profondément nous interroger et la sensation que les ultrariches font eux aussi sécession en ne payant plus leurs impôts en France et en se retirant dans des « ghettos du ghota », contribuent à miner notre cohésion.
Aurélien Taché
Député Ecologiste-NUPES du Val-d’Oise
Propos recueillis par Mathilde Aubinaud