La persistance de chiffres élevés et préoccupants au sujet de la situation de l’épidémie de Covid-19 en France continue de donner le tempo aux diverses activités économiques impactées. La configuration en « K » avec des secteurs gagnants et d’autres perdants se confirme.
Au 15 Mai, il est probable que les Pouvoirs publics vont décider de « rouvrir » certains pans, notamment dans le domaine de la culture (théâtres, cinémas) et dans celui des terrasses des cafés et restaurants.
Les précautions sanitaires qui vont persister à s’imposer vont impacter la rentabilité des exploitations. Les jauges incontournables seront l’ennemi du profit et donc de la pleine croissance.
Le deuxième trimestre s’annonce comme décevant du fait du reconfinement dont il est curieux de taire le nom. La coquetterie sémantique présidentielle (le » freinage « ) ne paraît pas de mise dans un pays qui compte, en moyenne lissée, plus de 350 décès par jour soit, pour reprendre une métaphore usuelle, le format du crash quotidien d’un gros avion de ligne.
Initialement, en début d’année, tant l’OCDE (5,9%) que la Banque de France avait en ligne de mire une croissance pour 2021 de près de 6%.
La plupart des Institutions (FMI, OCDE, Commission européenne, DG Trésor) ont, début Mars, revu à la baisse les prévisions de croissance pour la zone euro en la situant désormais autour de 4% : chiffre retenu par la BCE là où la DG Trésor capte le chiffre de 3,7%.
La grande reprise en « V » semble donc être l’Arlésienne de l’année 2021 en zone euro.
Le Gouvernement, plusieurs semaines après, a été contraint de revoir son scénario comme l’indique l’Avis du HCFP (Haut Conseil des Finances publiques) rendu le 13 Avril 2021.
Selon la saisine du Gouvernement, « la croissance s’établirait à 5 % en 2021 […] Ce scénario tient compte de mesures sanitaires renforcées à partir de mi-mars […] ensuite suit un allègement progressif des mesures de contrainte qui s’étendrait sur le reste de l’année 2021 […] et aboutit à un retour de l’activité à son niveau de 2019 dès 2022 ».
Dans l’absolu, ce retour au niveau de 2019 dès 2022 semble optimiste et non documenté au regard des risques induits par l’apparition de variants agressifs, et surtout au regard des délais qui seront finalement requis pour tenter d’atteindre l’immunité collective.
En effet, la vaccination à la française a pris du retard, a souffert des aléas affectant le vaccin développé par AstraZeneca et par le fait que l’INSERM et d’autres entités ont relevé le niveau du seuil d’immunité passant de 65% à plus de 75%. De surcroît, il est désormais avéré que des réitérations d’infection peuvent survenir même chez des patients ayant d’ores et déjà contracté la maladie.
La ligne bleue des Vosges de la restauration de la croissance sera, au mieux, en 2023.
Le Professeur Delfraissy a évoqué l’éventualité d’un virus mutant, année après année, et indiqué que les vaccins ARN Messager pouvaient être aisément adaptés à la configuration nouvelle. Autrement dit, la sortie de crise sanitaire n’est pas logée dans un proche horizon. Elle est dans une logique de déploiement pluriannuel.
La croissance est fortement tributaire de la notion délicate de confiance.
A l’heure où le Gouvernement veut faire pression sur les bailleurs commerciaux pour qu’ils abandonnent tout ou une partie de leurs créances locatives, et à l’heure où Bruno Le Maire a clairement envisagé l’hypothèse d’annulation de dettes (dans le but légitime de contenir la sinistralité inhérente à la crise), la confiance de biens des acteurs va être remise en cause.
Si sortir de la crise, c’est altérer le droit de propriété, on cultive l’erreur.
Si brouiller la réalité en période pré-électorale, c’est attenter à la sûreté des créances, nous voilà face à une période de crédibilité financière élimée.
La France est plus abîmée, dans son tissu productif, que ne l’estime l’État à cette heure. L’avenir confirmera, hélas, une croissance évanescente et un chiffre 2021 proche de la moitié des 6% initialement jeté en pâture à des opérateurs économiques majoritairement incrédules.
Jean-Yves Archer
Economiste et membre de la Société d’Economie Politique