La croissance est une variable fondamentale de l’économie. Ceci est ressorti avec d’autant plus d’évidence lorsque la France a dû subir une récession de – 8,2% en 2020. L’année 2021 a été positivement favorable mais elle semble s’inscrire au rang des exceptions.
Après une véritable purge en 2020 qui a été contrecarrée par des injections massives d’argent public (le désormais fameux « quoi qu’il en coûte ») qui ont nourri un ensemble de politiques contra-cycliques et réservé une place de choix aux apports théoriques de John Maynard Keynes, la France a réussi un rattrapage. Ainsi, la croissance du PIB pour 2021 est estimée à 6,25% par le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) et même à 6,75% par la Banque de France. Notons que ces deux quantifications ont été rendues publiques avant la résurgence de la pression épidémique qui risque fort d’altérer le mois crucial qu’est Décembre. En clair, le T4 pourrait être moins enthousiasmant que prévu initialement.
Là où la situation se tend, c’est pour la prévision 2022 et 2023.
La Banque de France tablait, comme le Gouvernement dans son collectif budgétaire (PLFR 2022) sur une croissance 2022 à + 4,0% là où bien des instituts se calaient sur le chiffre de 3,5%. En fin de semaine dernière la BdF a revu sa prévision à + 3,6%, ce qui a été qualifié par la plupart des médias comme un « léger ajustement ». Pour ma part, je note que de 4 à 3,6% il y a une décrue de 10% (soit 0,4%) ce qui relève du domaine du significatif.
Je suis, comme d’autres, lassé de ces analyses euphoriques sur la croissance.
A l’appui de cette lassitude voire de cette insurrection intellectuelle tant le climat pré-électoral justifie des errements, il faut examiner l’année 2023. La Banque de France prévoit un chiffre de 1,9%.
Autrement dit, 2021 aura à peu près compensé le trou d’air de 2020, 2022 devrait être une année correcte autour de 3% si l’on intègre la perturbation du variant Omicron, mais 2023 marquerait une nette décrue de la croissance de notre PIB. Pour être direct, passer de près de 3,6% (BdF) à 1,9% (BdF) revient à voir s’évanouir près de la moitié de la croissance supposée de l’année qui s’annonce.
Or, la croissance est une variable-clef pour la trajectoire des Finances publiques. Moins de croissance, c’est l’assurance d’engranger moins de recettes fiscales et la quasi-certitude d’avoir un déficit budgétaire voisin de 100 milliards d’€uros. Rappelons que le PLFR 2022 a fixé le montant du déficit à un peu plus de 150 Mds, ce qui ne manquera pas d’alourdir la dette publique.
Rexecode, qui est régulièrement consulté par le HCFP, a émis récemment une prévision de +0,7% de croissance pour 2023, ce qui est doté de crédibilité autant que de sérieux analytique. Leur projection intègre l’épuisement de la stimulation par le plan de Relance que la montée en charge du Plan d’investissement ne supplée pas.
De surcroît, il est envisagé un fort ralentissement de l’investissement productif découlant du tassement des résultats des entreprises auquel viendra s’ajouter l’impact du prélèvement de pouvoir d’achat lié aux tensions inflationnistes. (Voir Perspectives Rexecode : « Plus d’inflation, moins de croissance »).
Autant dire que l’épreuve de 2023 sera consistante et imposera, en prime, à notre économie une confirmation de la remontée des taux d’intérêt. Par-delà le détenteur ou la détentrice du Pouvoir exécutif, le prochain quinquennat semble d’ores et déjà s’inscrire sous le signe d’un 110 mètres haies qualifiable de complexe au plan économique et de tendu au regard de la vie sociale de notre nation composée d’individus fourbus.
Jean-Yves Archer
Économiste, Membre de la Société d’Economie Politique