Pour conduire leur liste aux européennes, la droite et la gauche traditionnelles ont désigné deux philosophes trentenaires. Jacky Isabello, fondateur de l’agence de communication Coriolink, se livre, pour la RPP, à une comparaison de l’entrée en campagne de François-Xavier Bellamy, candidat Les Républicains, et de Raphaël Glucksmann, tête de liste Place publique-Parti socialiste.
La philosophie nous a transmis de belles maximes, sources d’une immense sagesse populaire. « Le talent n’attend pas le nombre des années » attribuée au dramaturge et poète rouennais Pierre Corneille s’applique parfaitement à ces deux professionnels de la philo, également candidats, au service des anciens partis de la droite et de la gauche traditionnelles, aux prochaines élections européennes. Corneille fait dire à Rodrigue, dans Le Cid : « Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». Il voulait souligner que le talent et les dons innés n’ont pas besoin de temps long pour exprimer toute leur maturité. Or sur ce point de la maturité, un critère essentiel pour incarner la fonction que l’on sollicite auprès de l’électorat, force est de constater que Raphaël Glucksmann cède plusieurs longueurs d’avance à François-Xavier Bellamy. Alors que la campagne a pris son envol. Après quelques émissions politiques à la télévision, dont une sur France 2 qui a permis la comparaison, et plusieurs meetings des candidats entourés de leurs soutiens partisans, on dispose d’éléments prouvant que l’un des candidats ne joue pas en 1ere division. Et on dégote la preuve de ce sentiment qu’il est partagé par les Français dans ces outils que nous adorons détester, auxquels nous sommes pourtant encore plus dépendants que les réseaux sociaux, c’est-à-dire les sondages d’opinion.
L’un requinque son camps quand l’autre l’affaiblit.
Tous deux partageaient la particularité d’avoir suscité le doute dans leur famille politique au moment de se voir désigner en tant que tête de liste pour les élections européennes du 26 mai prochain.
Sans revenir sur les arguments avancés par les troupes des deux forces politiques en présence, les perspectives des études d’opinion d’alors semblaient peu optimistes pour l’un comme pour l’autre. Or, aux tic-tac des horloges sondagières, entre le mois de décembre 2018 en pleine crise des « gilets jaunes » et au quasi-mitan du mois d’avril 2019 les choses ont évolué et désormais les chiffres sont cristallins. Fin décembre l’étude Odoxa pour le Figaro et France info, avant l’officialisation de l’alliance du PS avec Place publique et quelques mouvements associés, sonnait le carillon à 7 % des intentions de vote. La liste Les Républicains se hissait quant à elle à 8 %. Ni l’un ni l’autre n’avait le cœur à fanfaronner !
Mais le dernier « Rolling IFOP pour Fiducial » classe Place publique-PS et sa tête de liste M. Glucksmann à 5,5 % alors que la liste Les Républicains et son chef de file M. Bellamy atteignent maintenant 13 % des intentions de vote.
Les courbes se disjoignent, divergent. Il est rare, pour ne pas dire impossible, les spécialistes des statistiques l’avouent, de les voir se rapprocher à nouveau.
En ce qui concerne la maturité dont il est question dans la citation de Corneille, nécessaire à la perception par l’électorat du talent sous-jacent puisque l’âge n’a rien à voir là dedans, elle livre l’image d’un homme politique François-Xavier Bellamy certain de ses valeurs et serein dans ses choix. Les témoignages se multiplient sur le terrain pour constater la réussite de l’attelage entre le candidat et le cœur de son électorat.
Le second, Raphaël Glucksmann, confessant lors de « L’émission politique » sur France 2 ou à l’entame de ses meetings son manque d’expérience, révèle de manière disproportionnée son incapacité à embrasser les enjeux du combat qu’il a supplié vouloir livrer. Il s’avère incapable de porter les aspirations des troupes qui le soutiennent et de faire espérer des scores à deux chiffres à l’alliance autour d’un parti le PS qui gouverna la France entre 2012 et 2017. Mais surtout qui confia au médiatique philosophe, sans doute imprudemment, les clés de sa résurrection. Olivier Faure confia qu’il : « ne parlait pas couramment le socialiste ». Y a-t-il meilleure oraison funèbre derrière ce semblant de compliment ?
En matière de maturité de la communication, une différence de niveau s’affirme également. Par-delà le lancement réussi de l’un à opposer aux erreurs de forme et de fonds du second, il est permis aux électorats de mesurer la dépréciation de l’un par rapport à l’autre. A travers les commentaires des médias, ce sentiment s’installe dans les esprits et ensuite s’ancre dans l’opinion. Puisque nous les comparons, expliquons pourquoi ces aspects de la communication s’ils avantagent l’un renforcent la décrédibilisation de l’autre. Une campagne n’a aucune valeur performative. Elle ne fait que manifester des intentions. Or, la communication et l’excellence de celle-ci l’imposent comme aptitude physique élémentaire à un candidat désireux de vaincre.
Avant de lancer son primus inter pares dans l’arène politique il serait recommandé aux partis d’évaluer son socle commun de connaissances et de compétences en matière de communication.
La seule aisance médiatique de M. Glucksmann ne suffit pas à en faire un athlète politique !
Je n’ai pas peur d’avoir tort avec Sartre quoi que ! Or je suis certain d’avoir raison avec BHL lorsqu’il annonçait déjà en 2009 la fin du PS : « Le PS va mourir ? Non. Il est mort. Personne, ou presque, n’ose le dire. Mais tout le monde, ou presque, le sait. (…) La seule chose sûre c’est que ce Parti qui fut celui de Blum et de Jaurès est en train de perdre ce qui lui restait d’âme – et doit disparaître ». L’oracle d’alors se révèle maintenant médecin légiste car une des leçons de la dernière élection présidentielle nous rappelle l’extrême difficulté de reprendre la main sur une campagne dont le lancement a été raté. MM. Fillon, Hamon pourraient en témoigner. M. Glucksmann a perdu le premier round, gare au KO, s’il chute encore dans les sondages. Un KO et surtout une défaite qu’il pourrait partager solidairement avec son entraîneur placé au bord du ring. Vous aurez reconnu Olivier Faure le premier secrétaire du Parti socialiste.
Jacky Isabello
Fondateur de l’agence de communication Coriolink
Crédit Photos : Wikipédia