La crise à multiples facettes qui s’annonce, issue de la pandémie COVID-19, crise sanitaire, crise économique et inévitablement crise européenne, est aussi une crise géopolitique, Pour Pierre-Emmanuel Thomann, géopolitologue, elle doit être comprise comme une dynamique susceptible de modifier la hiérarchie du pouvoir dans l’Union européenne.
Cette crise de longue durée nécessitera des négociations régulières, aboutissant à des compromis précaires et temporaires. Nous ne sommes pas encore au cœur du cyclone, mais celui-ci viendra inéluctablement. C’est à ce moment là que les négociations seront les plus difficiles pour mettre en œuvre ce qui a été décidé au niveau européen pour faire face à la crise. Comme souvent, le diable se nichera dans les détails.
Il y a aujourd’hui une course de vitesse entre l’onde de la crise qui se rapproche, et la rapidité des plans de relance. Les désaccords entre Etats membres ralentissent une réaction européenne commune et risquent de favoriser des plan nationaux allant dans des directions opposées ou non coordonnées.
Cette nouvelle crise risque aussi de faire rebondir la crise de l’euro qui en réalité n’a jamais été surmontée, mais seulement mis en veilleuse.
Le constat est le suivant : l’euro n’a pas permis de renforcer la cohésion européenne entre Europe du Nord et Europe du Sud, et les mesures prises à la suite de la crise de l’euro (2010-2012) qui a suivi la crise financière de 2008 non plus
1. La finance internationale n’a pas non plus été suffisamment régulée. Puisque le modèle de société ouverte à la globalisation et néolibérale comme toile de fond de l’euro a été maintenu, il ne pouvait pas en être autrement.
Du point de vue géopolitique, cette crise est pourtant plus grave, car cette fois-ci, l’épicentre de la crise ne touche pas d’abord les pays périphériques comme la Grèce, le Portugal, L’Irlande et Chypre lors de la crise de l’euro en 2010, mais tous les Etats membres de l’UE y compris l’Allemagne, les Pays-Bas et les pays du Nord, mais de manière plus prononcée au cœur de la zone euro, avec l’Italie, la France, pays fondateurs, mais aussi l’Espagne
Des plans de relance nationaux ont été annoncés dans les Etats-membres, mais ils seront inégaux et risquent d’aggraver les différences de développement entre Etats-membres et d’accroître la fragmentation déjà problématique de la zone euro.
En conséquence, les dettes vont donc aussi massivement augmenter et les Etats déjà endettés avant la crise pourront avoir des difficultés à lever des fonds pour alimenter les plans de relance. A la suite de la crise économique, une crise des dettes pourrait à nouveau pointer à l’horizon à un stade plus avancé de la crise économique. Le retour de la spéculation financière profitant de la difficulté des pays du Sud comme l’Italie à se financer sur les marchés financiers, et se transmettant à l’Espagne et à la France pourrait entraîner l’éclatement de la zone euro selon un scénario extrême. La Banque centrale européenne (BCE), est supposée empêcher ce scénario par ses interventions à l’image de la crise de l’euro (2010-2012), mais l’ampleur de la crise actuelle renforce les interrogations.
Pierre-Emmanuel Thomann
Géopolitologue
- Les milliards injectés par la Banque centrale européenne ne sont pas allés à l’économie productive et les liquidités se sont retrouvées en Allemagne https://www.challenges.fr/finance-et-marche/ou-sont-passes-les-4-000-milliards-d-euros-injectes-dans-l-economie-par-la-bce_520551?fbclid=IwAR3XdFXbihwujzu3Aqv40SbdC-kP8Gc9WPRzpQ6hf2bzCd9fHIb0Ac_Loqc ↩