L’agence Fitch a décidé d’abaisser la note de la France et c’est incontestablement une mauvaise nouvelle car ceci va renchérir le coût de nos emprunts publics.
Alors que les taux d’intérêts ne cessent de croître en zone €uro du fait de la lutte contre l’inflation menée par la BCE, et particulièrement pour notre pays, le fait de voir notre notation par Fitch passer de AA à AA – ( AA moins ) est un revers. Les Échos du 29 avril ouvre un article par un cinglant : ” Un coup dur pour le gouvernement “.
Autant dire que la position emplie de mansuétude prise par des personnalités comme Nicolas Bouzou ou l’apprécié François Ecalle qui vise à minorer le poids de cette décision laisse songeur.
Se voir dégradé signifie concrètement que la France, via les opérateurs diligents de l’Agence France Trésor, va devoir proposer des modalités d’emprunts plus coûteuses du fait de la prime de risque que les marchés et autres investisseurs internationaux estimeront requises.
Oui, nous sommes un pays affublé d’un risque accru et il est hautement probable que Standard & Poor’s, dont une décision est attendue lors de la première semaine de Juin, n’emboîte le pas à Fitch dont un actionnaire de référence fût longtemps l’homme d’affaires et mécène Marc Ladreit de Lacharrière. Désormais détenue par le groupe Hearst, nul ne saurait sérieusement nier la qualité professionnelle des équipes de Fitch.
Les motifs de la dégradation de notre note sont hélas multiples. Tout d’abord, il est reproché à la France son niveau d’endettement public ( 2.950 Mds ) mais aussi, dans les mêmes attendus, son niveau de déficit public.
Je rappelle que notre niveau de dépenses est d’environ 500 Mds pour des recettes de 350 d’où un déficit chronique de 150 Mds que l’inflation ( et son lot de recettes de TVA accrues ) viendra certes amoindrir.
Fitch va hélas plus loin et porte une accusation directe et explicite en matière ” d’impasse politique et de présence de mouvements sociaux parfois violents “. Loin d’un ton de procureur emporté, l’Agence développe un constat strict et lucide. Nous sommes, selon les mots de Laurent Berger, en crise démocratique et la Première ministre ne saurait infirmer cette évidence qu’elle subit jour après jour.
Le président Macron n’a pas voulu faire de campagne électorale législative et ainsi venir épauler les candidats dûment investis. Le résultat est connu.
Dans ce contexte parlementaire voire politique tant l’image du président de la République est écornée, Fitch considère que notre pays ne présente ” que de modestes progrès dans la consolidation budgétaire ” et s’inquiète pour le niveau de la croissance française.
A cet égard, la lecture du dernier avis du Haut Conseil des finances publiques confirme bien le caractère ” optimiste ” ( sic ) des prévisions de croissance émises par l’Exécutif.
Le vendredi 12 juillet 2013, Fitch Ratings avait abaissé la note de l’État français de AAA à AA. Ceci a généré un surcoût pour notre endettement.
Telle l’eau sur les plumes légendaires d’un col-vert, la France a traversé cette décennie en limitant la casse au moyen de l’historique niveau quasi-nul ( voire négatif ) des taux.
Cette période inédite est révolue. Maintenant le créancier attend du rendement tout autant que de la sécurité.
Le AAA représente une note ” Prime ” de première qualité là où la note AA représente un ” High grade “.
L’important, au plan technique, est de souligner que la note AA- ( AA moins ) est la dernière de la catégorie ” High grade “. Après, il y a A+ soit ” l’upper medium ” ce qui serait une lourde déconvenue.
Pour l’heure, sur 280 Mds à emprunter cette année par l’AFT, il est clair que le surcoût prévisible sera situé entre 0,5% et 0,8%.
Autant dire que le spread avec plusieurs pays de la zone €uro et singulièrement l’Allemagne va augmenter et générer des tensions quant au fonctionnement intra-zone.
La France devient, mois après mois, l’homme malade de l’Europe. Il est inutile d’entrer dans un déni là où les agences de notation et le HCFP ne cessent dorénavant d’assumer un rôle de lanceur d’alerte.
Quant à la charge de la dette, elle est maintenant envisagée à 70 Mds d’€uros en 2027 soit le montant du budget du Ministère de l’Éducation nationale…
Jean-Yves Archer
Economiste et membre de la Société d’Economie Politique