Le citoyen autant que le contribuable ont parfaitement compris que le retournement de conjoncture est certain et violent. Plusieurs économistes voient la vie en rose et même le Gouverneur de la Banque de France a sa plume trempée dans l’optimisme.
Face à une conjoncture aussi complexe à déchiffrer, il est logique que plusieurs voix se fassent entendre. La France mérite la vérité et la lucidité, seuls gages de force face aux aléas économiques et face à la montée de la dette publique. Celle-ci dépasse désormais 2.900 Mds et 118,5 % du PIB selon un chiffrage de l’Insee.
Or, le collectif des économistes a une démarche incertaine. Tout le monde a pu mesurer la différence de ton entre le scénario déployé avant la présidentielle et les faits révélés depuis. Prenons le cas de l’inflation qui devait être une ” bosse ” ( sic ) temporaire selon le Gouverneur de la Banque de France et qui est désormais décrite par ce haut responsable institutionnel comme durable.
L’Insee la chiffrant ce jour à une base annuelle de 6, 8% pour 2022.
Ne pas révéler l’hypothèse la plus probable peut-être une erreur de parallaxe ou un calcul habile issu d’autres objectifs moins avouables.
L’asservissement du chiffre me choque et me choquera toujours.
Fin 2022, la croissance aura été atone donc inférieure à 2 % et il est réaliste de poser comme hypothèse que les second et troisième trimestres seront déceptifs au point de signer une récession selon les secteurs concernés. A ce stade, le tourisme semble repartir mais qui ne peut nier la déroute du secteur automobile. Secteur qui est, en amont, piégé par les pénuries de composants (choc d’offre) et en aval véritablement pris en étau par les contraintes des véhicules électriques comme l’a démontré avec panache le dirigeant de Stellantis en la personne de Carlos Tavares.
Pour la Banque de France qui vient de réviser ses prévisions, la croissance pour 2022 devrait atteindre 2,3 % puis 1,2 % en 2023 et 1,7 % en 2024. Un trou d’air, l’an prochain, est acté. Je crains que ces quantifications ne soient démenties à la baisse par notre avenir commun.
Tout d’abord, selon mes propres analyses qui refusent de gommer l’impact de l’arrêt des importations européennes de pétrole et de gaz russe. Ces doubles phénomènes pourraient shunter la croissance et faire chuter le PIB à 1,5 % en 2022. Mais plus conséquent que mes modestes travaux, par le chiffrage rendu public par le FMI, l’OCDE et Eurostat (inflation à 5,6 %). Enfin, appréciant le travail rigoureux de l’Institut Rexecode, je relève que celui-ci piloté par Denis Ferrand, Vice-Président de la SEP (Société d’économie politique), ne rejoint pas les conclusions de François Villeroy de Galhau. Rexecode considère que la croissance ne dépassera pas 2,1 % en 2022 et 0,3 % en 2023 ce qui me parait pertinent et fondé. Oui, le trou d’air sera là mais plus puissant que décrit par le Gouverneur dont la position impose la retenue voire la prudence de principe. Tout le monde le conçoit.
Autant dire, pour prendre un exemple important, que la lutte contre le chômage – rare acquis d’une macronie en dérive – va se heurter au tassement de la croissance.
Parallèlement, il est crucial d’aborder la question de l’inflation qui nuit à la croissance. Là encore, la BdF est teintée d’optimisme en posant le chiffre de 3,4 % en 2023 qui est en contradiction avec plusieurs analyses. Pour 2022, il n’est pas fantasque de penser que le taux d’inflation excédera les 7 %. Je rappelle que des professionnels de la distribution, du bâtiment soulignent la présence de hausses à deux chiffres. Quant à l’Insee, elle publie ce jour un chiffre clair : la hausse de l’indice du coût de la construction augmente de 6,92 % sur un an. Or, cette variable est un indicateur précieux pour comprendre ce qui traverse l’économie.
L’inflation est une diablesse pour le pouvoir d’achat et érode le porte-monnaie de millions de Français. Vouloir la regarder avec un œil complaisant est un mauvais signal loin des réalités vécues par le pays.
Chacun comprend que les grands institutionnels réagissent avec doigté mais de là à bricoler l’essor du thermomètre, il y a un pas effectué au détriment de la rectitude. Quand quelqu’un est payé par l’argent public, cela suppose qu’il n’enjolive pas les fondements de la situation ou alors on s’éloigne des conceptions libérales chères à l’ancien ministre de l’Industrie André Giraud ou le regretté René Monory qui avait su, sur injonctions du président Giscard d’Estaing, réaliser la libération des prix en 1978. Comme l’écrit avec une insistance appropriée, Emmanuel Combe (président de la SEP) la concurrence et la liberté des prix sont deux alliées dans la lutte contre la hausse des prix qui sera aussi à l’agenda de 2023.
Jean-Yves Archer
Economiste et membre de la Société d’Economie Politique