Chaque jour, les organisations non-gouvernementales, les policiers et les journalistes dévoilent de nouvelles affaires de fraude fiscale montrant que ce que l’on croyait être une exception est en fait devenu la règle.
Le phénomène n’est pourtant pas nouveau puisque « la banalisation de la déviance fiscale »[1] existait déjà sous le tribunat de Gracques à Rome au IIIe siècle av J.-C. Un phénomène de fausses déclarations foncières avait été établi par les riches propriétaires romains – entre autres les Sénateurs -.
Mais, de ce comportement intolérable nait un sentiment d’injustice fiscale dans la population.
Les Gilets jaunes, par exemple, considèrent que les « faibles » paient leurs impôts tandis que les « ultrariches », appelés également dans le secteur des gestionnaires de fortune Ultra high-net-worth individual (UHNWI), pratiquent l’optimisation fiscale, via des rescrits fiscaux (plus connu sous le terme tax ruling), voire fraudent le fisc.
Les propos des porte-paroles du mouvement populiste sont cependant à nuancer. Effectivement, certains pratiquent de la fraude fiscale, mais d’autres demandent à payer plus d’impôt. Le collectif des « Millionnaires patriotes » a demandé, dans une lettre à l’intention des dirigeants participant au sommet virtuel de Davos de 2022, à payer davantage d’impôt en vue de contribuer à la reprise économique postpandémique.
Il est à rappeler les fonctions de la fiscalité.
La fiscalité est le sésame d’équité économique ou sociale. En effet, plus une personne est fortunée, plus elle sera redevable d’impôts, puisque sa base imposable sera plus élevée. Les impôts et cotisations des plus riches permettent de reverser aux classes plus populaires des aides sociales. Cela stabilise la collectivité, crée de l’empathie entre ses membres et forge un sentiment d’appartenance qui est indispensable à son essor.
La fiscalité est également le déterminant le plus important de la souveraineté régionale mais également nationale. L’indépendance d’une région ou d’un pays est constituée prioritairement par sa capacité à s’affranchir de l’aide des autres. Les attributs de souveraineté ne pensent que peu face à la dépendance économique et financière. [2]
Enfin, dans la plupart des pays européens, à l’instar de la France, le droit fiscal est fondé sur une notion centrale, celle de « consentement à l’impôt », inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
Le consentement à l’impôt est l’une des base de la démocratie.
Il n’est un secret de polichinelle pour personne que si les gouvernements nationaux parvenaient à éradiquer la fraude fiscale, ils pourraient cicatriser toutes les tares économiques et sociales de leurs Etats.
La bataille contre la fraude fiscale est donc un travail de bénédictin nécessitant un desideratum politique et une gestion de pointe en synergie entre les différentes entités, ainsi une coordination entre les pays. Une fois cet objectif atteint, il convient ensuite d’engager des activités d’identification et sanction de toutes les fraudes fiscales.
Pour éradiquer la fraude fiscale, utiliser les nouvelles technologies semblerait être une solution intéressante.
La première étape serait d’utiliser la blockchain. Le principe serait alors de créer un registre numérique mondial accessible à l’ensemble des administrations fiscales nationales et répertoriant l’ensemble des transactions. La deuxième étape serait d’utiliser le machine learning[3] pour appuyer les administrations fiscales nationales et repérer tous les actifs non déclarés par les contribuables. Les agents des autorités fiscales resteraient les garants essentiels de l’application de la technicité du droit fiscal.
Cette proposition nécessite bien évidemment les efforts de tous les pays et un changement drastique pour certains de leur cadre normatif.
Julien Briot
Expert indépendant en compliance est doté d’une expérience de plus de neuf années acquises dans différents secteurs d’activités (le financement de projets, l’énergie et le secteur bancaire), à l’international (France, Luxembourg, Maroc et Sénégal)
[1] M. Leroy, Anomie, déviance fiscale et régulation biaisée de la globalisation économique, Socio-logos, n° 6, pp. 1-40, 2011
[2] M. Péclat, Représentations de la déviance fiscale en France du consentement sous contrôle à la concertation citoyenne, Thèse Université Versailles-St Quentin en Yvelines, décembre 2016
[3] Le Machine Learning peut être défini comme étant une technologie d’intelligence artificielle permettant aux machines d’apprendre sans avoir été au préalablement programmées spécifiquement à cet effet