Notre « cher et vieux pays » aborde l’automne dans une configuration inédite et explosive après un été particulièrement éprouvant sur le plan climatique et marqué par une aggravation de l’insécurité sous toutes ses formes dans l’hexagone et au-delà dans notre outre-mer. La France est de surcroît entrée de plein pied dans le régime des pénuries, conséquence de choix hasardeux notamment en matière de politique énergétique d’un exécutif reconduit par défaut à l’issue d’une élection présidentielle, reflet de son inexorable déclin politique entamé sous les quinquennats précédents, dans un environnement international délétère et lourd de menaces d’une intensité comparable à la montée des périls en Europe avant le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale…
Rien n’indique à cette heure fatidique qu’elle est armée pour surmonter les épreuves qui se profilent dans l’état de délabrement grandissant et généralisé de tous les domaines régaliens où elle se trouve, laborieusement et péniblement masquée par des dirigeants pour le moins dépassés par l’ampleur des difficultés accumulées au terme d’une première mandature au bilan plus que décevant…
Notre « cher et vieux pays » est bel et bien tombé dans une nasse, comme l’ensemble des protagonistes entraînés dans la spirale du drame ukrainien et russe sur le vieux continent.
L’Europe est de facto en guerre de moins en moins virtuelle et désormais sa ligne d’horizon est, dans le moins pire des scénarios, de passer l’hiver sans « black-out » trop désastreux pour nos économies et notre mode de vie au quotidien, dans une situation qui s’apparente ni plus ni moins à une danse au bord du cratère d’un volcan ou aux flancs d’une poudrière.
Qui allumera la mèche du cordon de l’explosion finale, telle est la question sous-jacente dans ce contexte de tous les dangers ? Qui est à même d’inverser la pente fatale d’un conflit appelé à s’inscrire dans une durée imprévisible et mortifère, en dépit d’une contre-offensive ukrainienne réelle mais qui met les soutiens européens de Kiev au pied du mur face à un camp adverse acculé à la surenchère de la menace de l’utilisation d’armes nucléaires tactiques pour enrayer une apparente déroute de l’agresseur à la lisière des territoires annexés et intégrés à la Fédération de Russie suite aux résultats des référendums orchestrés salle St Georges du Kremlin avec un faste impérial et irréel, digne des heures les plus sombres de l’époque soviétique et héritier lointain des artifices à la Potemkine du régime tsariste ?
À l’heure actuelle et à l’approche de l’hiver, facteur décisif à venir dans cette guerre d’attrition réciproque qui draine les énergies d’une Europe exsangue au sortir relatif de la pandémie, nul n’est en mesure de prédire les conséquences à moyen terme du piège gazier dans lequel nous nous sommes laissés entraîner sous la désastreuse mandature socialiste pour complaire à l’idéologie des verts outre-Rhin sans mesurer pleinement à leur juste valeur ni protéger les atouts que le nucléaire conférait à la France grâce à la vision du Général de Gaulle ?
Après les palinodies grinçantes de la gestion de la crise sanitaire de la saison 1, voici revenue, à grand renfort de la même communication condescendante à la limite du mépris de la caste technocratique arrogante aux commandes, l’infantilisation de ceux qui subissent encore et toujours ses erreurs de gouvernance et sa vision court-termiste à travers un plan de sobriété énergétique pour faire avaler la sombre potion des pénuries d’énergie (et de carburant vraisemblablement), un ensemble de recommandations de bon sens « ménager » qui pourraient prêter à sourire si la situation n’était pas aussi grave…
On ne procède certes plus à la distribution de masques à gaz, on ne vante plus la protection illusoire de la ligne Maginot comme pendant l’hiver de 1939 et on n’est pas encore en rupture de pastilles d’iode dans nos pharmacies, mais les fabricants de cols roulés et les importateurs de doudounes peuvent commencer à se frotter les mains ; les refrains auxquels le « cher et vieux pays » dans sa résilience et sa patience remarquables va devoir se résigner sous la houlette des médias et des donneurs de leçons dans la vie de tous les jours, au fur et à mesure où les températures vont baisser, sont d’ores et déjà peaufinés et prêts pour masquer le naufrage en cours et l’absence d’anticipation des conséquences des sanctions appliquées à la Russie dans l’avatar d’une guerre qui n’est plus froide pour nous mais ouverte, alimentée en Ukraine par les livraisons accrues d’armes américaines, et toujours nimbée d’une ambiguïté redoutable autour de l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN. Nous nous laverons héroïquement les mains à l’eau froide en nous targuant de défendre des valeurs dont nous avons perdu le sens depuis bien longtemps pendant que dans les ruines des cités ukrainiennes dévastées par un conflit que nous sommes collectivement en Europe incapables de maîtriser ou d’infléchir dans la direction d’un cessez-le-feu et, dans bien d’autres zones de guerre dans le monde, au-delà de Lyman ou Kherson, les victimes de la folie et de la lâcheté de dirigeants sans foi ni scrupules continueront de tomber inexorablement…
Jusqu’où pourrons nous aller dans l’acceptation de contraintes et de restrictions pour le moment tempérées et freinées par des mesures d’atténuation financière qu’il faudra bien payer un jour ou l’autre, mais qui ne peuvent que s’aggraver dans un contexte inflationniste de plus en plus difficile à contenir sous la pression du conflit en Ukraine ? Il est impossible de le prédire tant que durera cette partie d’échecs à l’issue incertaine pour l’ensemble des belligérants directs et indirects, qui se joue sans volonté de sortir de l’impasse dramatique dans laquelle on s’est laissé enfermer faute d’anticipation bien avant la date du 24 février 2022.
Le piège se referme sur l’Europe et sa mortalité pour nos économies d’ores et déjà mises à mal sera sans doute proportionnelle à la durée des combats que l’hiver risque de figer sans grandes avancées notables, quand la contre-offensive de Kiev se heurtera au jusqu’au-boutisme de Moscou, à moins d’un revirement interne en Russie peu probable pour le moment…
Notre planète est plus que jamais une poudrière au bord de l’implosion et partout les signaux sont au rouge en Europe, en Afrique et en Asie comme peut notamment l’illustrer le tout récent tir de missile balistique nord-coréen au-dessus du Japon dans un déclenchement prémonitoire de sirènes de bien triste augure, sans le relatif garde-fou d’un droit international battu en brèche par la multiplication des confrontations et la violence des rapports de force dans ce monde multipolaire qui a émergé suite à l’effondrement de l’U.R.S.S…
Que pèse une France dont l’influence et l’autorité morale n’ont cessé de régresser et qui n’a plus les moyens d’ambitions bradées depuis qu’elle s’aligne, faute de souffle et d’inspiration, sur des lignes tracées outre Atlantique ou à Bruxelles en renonçant à l’héritage d’une vision gaullienne des équilibres mondiaux qui constituait le fondement de sa spécificité dans le concert des nations à l’issue de la Seconde Guerre mondiale et dans le cadre originel de la 5e République?
La réponse est malheureusement aussi dans l’image qu’elle donne d’elle-même aujourd’hui dans une actualité nationale à la tonalité de fin de règne précoce et de fuite en avant accélérée, à l’orée d’un automne plus que préoccupant.
Il y a bien longtemps que plus personne ne se soucie d’exemplarité dans une macronie qui a érigé la présomption d’innocence comme paratonnerre à toute forme d’investigation judiciaire sur les dérives du pouvoir avérées ou non, contribuant ainsi à abîmer un peu plus l’image de la classe politique française dans une opinion publique qui se détourne dangereusement des urnes au fil des consultations électorales.
Quand l’exécutif lui-même contourne les institutions sous prétexte de mener à bien des réformes nécessaires ou pas à travers des artifices destinés à gagner du temps – à l’instar des Assemblées de notables de 1787-1788-, Conseil national de refondation, états généraux de ceci ou de cela sans que rien de tangible ne se profile dans ces exercices de communication qui n’impriment plus dans le public, que reste-t-il en définitive pour redresser la barre d’un navire sans pilote crédible ?
La menace d’une dissolution de l’Assemblée nationale qui ne serait que la confirmation d’un échec de plus en plus probable si la majorité relative sur laquelle s’appuie le gouvernement continue à s’illusionner sur l’état réel de la France ? L’utilisation du 49.3 pour faire passer une réforme des retraites emblématique de la crise qui mine l’exercice du pouvoir en l’absence d’une confiance et d’une adhésion réelle au projet de ceux qui l’exercent aujourd’hui, en prenant le risque possible d’un blocage sans précédent du pays ?
Continuer dans le déni des causes de l’insécurité qui gangrène les métropoles, gagne les villes moyennes et les zones rurales et en guise de réponse déplacer les problèmes sans s’attaquer aux racines des maux comme dans le cas du trafic et de la consommation du crack à Paris, une capitale dans un état de délabrement et de saleté symptomatique de la situation dégradée du reste du territoire ?
Imposer à des communes rurales sans moyens adéquats l’accueil de migrants qu’on a laissés livrés à eux-mêmes pendant des mois sous des tentes sans hygiène et dans des conditions indignes de la France le long de lignes de métro ou aux abords du périphérique dans cette même capitale abîmée, faute d’honnêteté politique et de réalisme devant nos capacités réelles d’intégration dans un pays clivé et en pleine crise civilisationnelle ? La liste de nos défaillances et l’accumulation des manquements en matière de saine gouvernance sont telles qu’il faudra bien plus que les mois et années inscrits dans la mandature entamée fin avril pour sortir la France des difficultés dans lesquelles elle se débat depuis trop longtemps, qui plus est dans le contexte mortel actuel induit par la guerre en Ukraine.
Rattrapés par le principe de la réalité, les dirigeants actuels en France et en Europe doivent au plus vite prendre conscience que nous sommes bel et bien tous assis sur une poudrière sur le point d’exploser et de nous précipiter dans l’abîme si on s’obstine à ne pas rechercher une voie de sortie négociée à ce conflit qui finira par consumer l’ensemble de nos ressources et détruire nos démocraties fragiles dans un monde qui a cessé de les prendre pour modèle incontestable.
Eric Cerf-Mayer