Malgré la rareté des données statistiques, Wissam Raji dégage les grandes tendances de la démographie libanaise.
Le dernier recensement officiel au Liban date de 1932 et indique que la population comptait 875 252 personnes dont environ 53 % de chrétiens. Depuis, aucun recensements n’a été effectué car il s’agit d’un sujet très sensible en raison des divisions confessionnelles au sein du pays et du système de partage du pouvoir. En revanche, des évaluations non officielles ont été réalisées. Celle de 1956 estime le nombre d’habitants à 1 411 416, dont environ 54 % de chrétiens et 44 % de musulmans.
À partir des conclusions d’une étude publiée en 2018 « La réalité démographique libanaise »1 nous examinerons les principales caractéristiques de la démographie.
La population générale
L’estimation de la population générale est basée sur les listes électorales de 2011 sur lesquelles seuls sont inscrits les Libanais âgés de plus de 21 ans.
Ainsi, peut-on évaluer le nombre d’habitants à 3 334 691 dont 38,22 % de chrétiens et 61,62 % de musulmans.
Si on ajoute la population âgée entre 0 et 21 ans, le nombre de Libanais s’élève à 4 413 246 dont 38,34 % font partie de la communauté chrétienne et 61,54 de la communauté musulmane.
Depuis 2011, certains facteurs affectent de façon insignifiante ces résultats.
Tableau 1 – La population libanaise
L’émigration
Le nombre total d’émigrants entre 1975 et 2011 est évalué à 1 567 435 dont 731 066 chrétiens, soit 46,64 %, et 836 369 musulmans, 53,36 %. Ces pourcentages peuvent être extrapolés, avec une faible marge d’erreur, pour la période allant de 1975 à 2019.
Entre 1975 et 1984, 506 416 Libanais ont fui le pays dont 78 % de chrétiens et 22 % de musulmans. Plusieurs événements peuvent expliquer ce phénomène : la guerre des deux ans (1975-1977), l’assassinat de Kamal Joumblatt (1977), la guerre des 100 jours d’Achrafieh (1978), la guerre de Zahleh (1981) et l’assassinat de Béchir Gemayel (répercussions entre 1983-1984).
De 1985 à 1990 ce sont 385 000 personnes qui ont quitté le pays en raison notamment de l’invasion israélienne, du développement important de la résistance chrétienne au Liban, de l’émigration des musulmans vers le Golfe et l’Afrique (pas de visa vers l’Afrique).
Contrairement à ce qu’il est courant de penser, ces données indiquent que le pourcentage d’émigrants dans la communauté musulmane est plus élevé que celui de la communauté chrétienne.
Le taux de fécondité
Le taux de fécondité joue un rôle important dans le rééquilibrage de la démographie au Liban. Alors qu’il diminue progressivement depuis la fin des années 70 dans la communauté chrétienne, il connaît un déclin abrupte vers 2004 dans la communauté musulmane.
Ainsi, en 1971, l’indice de fécondité du pays était de 5,44. Il chute à 1,75 en 2004 en raison de la baisse du taux dans la communauté chrétienne qui passe de 3,56 en 1971 à 1,53 en 2004 et à la diminution encore plus impressionnante dans la communauté musulmane de 5,64 à 1,82. « Le rattrapage des chrétiens par rapport aux musulmants en général et au chiites en particulier est spectaculaire », notent Youssef Courbage et Rafic Boustani dans leur étude « L’évolution démographique communautaire au Liban et ses conséquences ».
La variation du taux de fécondité sur une période de dix ans étant mineure, nous supposons que celui-ci est quasi constant de 2004 à 2014.
- Plusieurs facteurs peuvent justifier cette baisse :
- L’augmentation du taux d’alphabétisation chez les jeunes a accru leur capacité à lire et à écrire vers l’âge de vingt ans.
- Les avancées dans le domaine de l’éducation retarde l’âge du mariage.
- Les progrès de l’éducation contribuent à l’utilisation des moyens de contraception, en particulier par les femmes.
- La diminution significative des mariages entre cousins et parents proches permet l’ouverture des cellules familiales.
- Les déplacements de populations vers les villes et les banlieues engendrent un mode de vie différent de celui des villages.
- La baisse du taux de fécondité a permis aux parents de se concentrer davantage sur chaque enfant, notamment sur son éducation.
- L’effet direct de la mondialisation.
Projections
À partir des données de 2011, nous avons réalisé une projection de la population en 2030 et 2045 basée sur le taux de fécondité. Les taux de mortalité et d’immigration n’ont pas été pris en considération.
Tableau 2 – Projections
Wissam Raji
Professeur associé à l’Université Américaine de Beyrouth
- The Lebanese Demographic Reality, Yearbook of International Religious Demography 2018, Brill Journal. ↩