Singulier mois d’avril 2021, plus d’un an après le déchaînement de la pandémie et à l’heure où la France a franchi la barre fatidique des 100 000 victimes, le début du printemps marqué par un gel dévastateur, qui a ravagé nos vignes et nos vergers illuminés la nuit par des milliers de bougies pour réchauffer l’air glacial et sauver les bourgeons, est riche de symboles et d’images fortes nous délivrant une grande leçon d’humilité et de dignité.
Les obsèques du Prince Philip demeureront pour le Royaume-Uni et le monde un moment unique de recueillement et d’hommage, rare par sa sobriété et sa grandeur, mais aussi l’occasion d’une réflexion sur la force de la continuité et l’exemplarité du devoir, quand les deux se rencontrent et s’incarnent dans l’image de l’adieu d’une Souveraine illustre au Prince consort, qui l’a accompagnée et soutenue sans faillir au cours d’un règne déjà entré dans l’histoire collective universelle. Toutes les valeurs qui fondent la solidité des nations étaient réunies dans le périmètre du château de Windsor, forteresse remontant à Guillaume le Conquérant, victime d’un terrible incendie lors de l’annus horribilis, comme Notre-Dame de Paris il y a deux ans, mais à nouveau solide et minéral comme un roc, sous un soleil radieux pour célébrer l’entrée dans l’éternité d’un preux parmi les meilleurs.
La vraie grandeur était là dans cette famille réunie et soutenue par la ferveur et la compassion d’un pays tout entier, mais aussi par des millions de personnes dans le monde, sujets ou citoyens, monarchistes de coeur, républicains de raison, croyants ou athées, peu importe, car au-delà des difficultés et épreuves de la vie, erreurs, faiblesses individuelles des uns ou des autres, l’adieu au Prince abolissait toutes les différences et conférait à ce moment unique une image de paix et d’éternité, nous rappelant que toutes et tous, nous sommes les maillons d’une très longue chaîne qui relie l’humanité de siècle en siècle.
En contemplant la beauté de cette cérémonie sobre, ponctuée par une musique et des chants porteurs d’une poignante émotion, les tenues de deuil et les masques noirs protecteurs contrastant avec le lustre des uniformes des marins, soldats, aviateurs venus rendre un dernier hommage à un de leurs pairs héroïque, le Prince Philip, il était impossible de ne pas ressentir une profonde communion de pensée et de respect pour la Souveraine, en particulier quand le chœur entonnait le légendaire God Save the Queen…
Adieu au Prince le 17 avril dans l’enceinte du château de Windsor… Le 3 avril, le cortège de 22 Pharaons et Reines d’Égypte antique quittait le vieux musée de la place Tahrir, pour rejoindre le nouveau musée national de la civilisation égyptienne au Caire, de nuit, au cours d’une très belle et unique célébration. Parmi ces souverains du XVIe au XIIe siècle avant Jésus Christ, figurait le légendaire Ramses II….
Le 21 avril, Elizabeth II célébrera son 95e anniversaire, hélas sans la présence à ses côtés de celui qui fût son plus fidèle soutien depuis la célébration de leur union en 1947, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale…
Singulier mois d’avril 2021, propice à nous porter à méditer sur le cours inexorable de l’Histoire, dans le fil impitoyable de la pandémie, sur la fragilité et l’humilité de notre condition humaine, mais aussi sur notre extraordinaire force quand la noblesse et la dignité que confère le sens du devoir et de la continuité, éclairent notre route…
Eric Cerf-Mayer