La Fédération Nationale des Infirmiers, l’Union des Entreprises de Proximité, l’Union Nationale des Professions libérales et Opinion Internationale lancent une campagne “Ensemble Prévention Covid” et une pétition “Evitons un nouveau confinement ! Contre la Covid-19, misons sur la prévention !”. Michel Taube, Fondateur d’Opinion Internationale, répond aux questions d’Arnaud Benedetti.
Revue Politique et Parlementaire – Vous lancez sur votre site « Opinion Internationale » un appel en faveur d’une grande politique de prévention pour affronter la crise sanitaire. Quel est le sens de cette initiative ? Et avec qui ?
Michel Taube – Écoutez, tout d’abord, je voudrais réagir à la conférence de presse de Jean Castex et aux propos du président de la République à Bruxelles et reprendre à mon compte une colère ambiante qui monte, qui monte, qui monte. Le confinement, les fermetures administratives et autres couvre-feu épuisent les Français. Il faut tenter une autre politique sinon on va droit dans le mur. La colère monte et j’explique dans mon édito de lancement de notre campagne « Ensemble Prévention Covid » mes propres raisons d’être en colère. Mais nous avons décidé de transformer cette colère en solutions car une autre politique est possible et elle a un nom : la prévention dans le cadre d’une grande politique de santé publique.
D’une certaine manière, notre appel a été lancé, ou plus exactement l’engagement pris, par Emmanuel Macron lui-même lors de la campagne de la présidentielle de 2017 : il s’était engagé à faire de la prévention l’axe principal de sa politique sanitaire. Cet engagement fut clair, presque fervent, et aussitôt oublié. Depuis le début de la pandémie, je rencontre et côtoie d’innombrables professionnels de santé, en particulier hors du secteur hospitalier, qui ne comprennent pas pourquoi ils ont été ignorés et négligés par les pouvoirs publics. Les vétérinaires, qui connaissent les coronavirus et les enjeux collectifs de santé, ont été snobés par l’exécutif dès le début de la crise.
Je ne souscris pas à la rhétorique de la « dictature sanitaire », car sauver des vies est une priorité. Mais je déplore, nous déplorons, une certaine omnipotence hospitalière, celle des conseillers du Prince, qui forment un microcosme n’écoutant que lui-même. J’ai parfaitement conscience que le temps politique est court, trop souvent celui d’une mandature. La prévention, dans l’esprit des politiques, – et ils ont bien tort – ne s’inscrit que dans la durée, raison pour laquelle ils s’en désintéressent.
Par cet appel, nous voulons démontrer, notamment avec le concours de tous les professionnels de santé directement impliqués dans le cadre de leurs organes représentatifs, que la prévention permet aussi d’obtenir des résultats immédiats. Ces professionnels, les plus grandes organisations libérales d’infirmiers, de médecins, de pharmaciens, de kinésithérapeutes et de vétérinaires, vont formuler dans les prochaines semaines des propositions extrêmement précises et concrètes pour donner une autre dimension à la stratégie « protéger, tester, isoler », ou à ses variantes. Ce n’est pas du « y’a qu’à – faut qu’on… ». Ils veulent s’impliquer. Ils sont des acteurs de terrain. Ils savent ce qu’il faut faire et veulent le faire. Pour que nous ne subissions pas un troisième confinement, pour que les services de réanimation ne soient pas saturés, pour que l’on puisse maîtriser l’épidémie sans sacrifier l’économie, en particulier des secteurs entiers auxquels le gouvernement faire croire qu’il les empêchera de sombrer.
La prévention sanitaire est un extraordinaire facteur de maîtrise et même de réduction des dépenses de santé, à court terme, face à la crise de la Covid-19, et également à long terme. Elle est aussi et même surtout la voie vers une vie meilleure, avec moins de maladies, de peines, de souffrances. Nous devons encourager et aider nos gouvernants, a fortiori parce qu’ils partageaient cette analyse avant d’accéder au pouvoir, à négocier sans attendre le virage de la prévention sanitaire, en commençant par l’appliquer à la crise de la Covid-19. Ségur de la prévention, visites Covid des professionnels de santé de proximité au domicile des personnes vulnérables, grilles de mesure et de valorisation des actes de prévention, reconnaissance des préventeurs, comme disent les Québécois, seront parmi nos « revendications ».
RPP – Vous insistez notamment sur la dimension civique de l’éducation à la santé. Qu’entendez-vous par là et y a-t-il des modèles ailleurs dont la France pourrait s’inspirer ?
Michel Taube – On dit que l’herbe est toujours plus verte dans le jardin du voisin. Sauf qu’à propos de la gestion de la Covid, on le dit presque partout sur la planète ! Pourtant, ceux qui s’en sortent le mieux dans cette crise sont globalement ceux qui ont une forte culture de la prévention. Et tout porte à croire qu’ils sont principalement en Asie, tous régimes politiques et niveaux de développement confondus. Au Japon, en Chine, en Corée, une personne enrhumée portera spontanément et naturellement un masque pour ne pas contaminer les autres. Cela peut partiellement s’expliquer par l’expérience des phénomènes épidémiques qu’ont certains pays asiatiques, mais c’est aussi une question de culture, de respect d’autrui, de sens du collectif. En Occident, et singulièrement en France, les corporatismes et égoïsmes sont peut-être plus exacerbés. Mais il ne faut pas s’autoflageller pour autant. Malgré la communication erratique et anxiogène du gouvernement depuis le début de la crise, et la nature trop souvent arbitraire, incohérente et privatrice de libertés de certaines mesures, les Français se sont globalement montrés disciplinés en respectant les gestes-barrières, qui sont des gestes de prévention.
Pour ce qui est de l’éducation à la santé, elle est préconisée par l’OMS et mise en œuvre à l’école, au bénéfice des enfants et parfois des parents, dans certains pays comme le Japon ou Taïwan, mais aussi en Europe, certes dans une moindre mesure, comme en Roumanie ou en Pologne. Les élèves français avaient des cours d’éducation à la santé avant les années 70. Ils apprenaient même à se brosser les dents à l’école. L’école, c’est aussi l’école de la vie ! La France a tout à gagner à donner une dimension civique à l’éducation à la santé au sens que l’OMS lui donne, et qui porte aussi sur l’hygiène de vie et tout ce qui peut permettre au bien-portant de le rester. N’est-ce pas cela, la prévention ?
RPP – Vous en appelez au-delà des professions de santé à la société civile dans son ensemble. La prévention ne peut être, selon vous, verticale ?
Michel Taube – La prévention, c’est l’affaire de tous et l’exécutif serait bien inspiré à faire enfin confiance aux Français pour prendre les bonnes mesures.
Dans notre campagne « Ensemble Prévention Covid », l’idée est de réunir ensemble soignants et société civile : l’U2P, l’UNAPL, France active sont déjà avec nous et nous appelons tous les corps de métiers à nous rejoindre. Nous soutenons la manifestation de lundi prochain à l’appel de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) et du Groupement National des Indépendants (GNI) qui crient, de Paris à Agen notamment (la Marche des Sacrifiés y est annoncée), leur exaspération. Leur mot d’ordre : « #Laissez-nous travailler ».
Nous avons besoin de tous les soutiens, y compris dans le monde des arts et des spectacles pour faire entendre ce message de bon sens. Une fois le mouvement lancé, une fois le feu allumé, verticalement, comme vous le dites, il s’étendra de lui-même à toutes les couches de la population. La prévention sanitaire est une évidence, pour de multiples raisons. Tout le monde doit en être conscient et tout le monde doit la réclamer. Alors aucun gouvernant ne pourra faire la sourde oreille, ou mettre cette promesse dans le vaste catalogue de celles qui ne sont pas tenues.
Michel Taube
Fondateur d’Opinion Internationale
Propos recueillis par Arnaud Benedetti
www.ensemblepreventioncovid.fr