Le Conseil constitutionnel a été saisi de la loi relative à la gestion de la crise sanitaire par le Premier ministre, par un recours émanant de plus de soixante députés, ainsi que par deux recours émanant, chacun, de plus de soixante sénateurs. Il vient de rendre sa décision (n° 2021- 824 DC du 5 août 2021).
Face à la quatrième vague de covid-19, la loi déférée s’efforce de prendre des mesures à la fois efficaces contre la poussée pandémique et moins préjudiciables aux libertés, à l’économie et aux relations humaines que les restrictions drastiques que nous avons connues depuis dix-sept mois (confinements, couvre-feux, fermetures de commerces et de lieux de culture et de loisir, limitation de la liberté de culte…). Pour l’essentiel, la loi cherche à concilier intérêt général sanitaire et droits fondamentaux en soumettant à l’obligation vaccinale certaines activités professionnelles, en étendant les exigences de présentation du passe sanitaire (test virologique négatif, certificat vaccinal ou de rétablissement) et en renforçant le dispositif relatif à l’isolement des personnes contaminées.
A l’heure où affluent dans les hôpitaux, et notamment dans les services de réanimation, des patients atteints de formes graves de covid, liées au variant Delta, y compris des personnes de moins de cinquante ans, comment nier qu’une action vigoureuse s’impose ? Et, comment contester que l’instrument privilégié de cette action est de parfaire la couverture vaccinale ? Si le moindre doute existait à ce sujet, il serait levé par la comparaison des situations de la France métropolitaine et des Antilles françaises. Elle est déjà préoccupante en métropole puisque, malgré 62 % de personnes de plus de douze ans totalement vaccinées, le « plan blanc » a dû être déclenché dans deux régions à l’heure où ces lignes sont écrites ; elle est franchement dramatique en Martinique et en Guadeloupe, où un habitant sur six seulement a suivi un schéma vaccinal complet. Nos compatriotes d’outre-mer paient le prix de leur réticence à se faire vacciner.
Il n’en est pas moins légitime de s’interroger sur le caractère équilibré (ou non) de la conciliation opérée par la loi relative à la gestion de la crise sanitaire entre préservation de la santé publique et libertés. Comme toujours en pareil cas, il s’agit d’apprécier si, entre intérêt général et droits fondamentaux, les pouvoirs publics ont fixé le curseur de façon raisonnable. C’est là un questionnement qui fait honneur à la démocratie et qui devrait nourrir la conversation civique et non alimenter l’invective.
Au-delà de sa fonction juridique, le juge de la rue de Montpensier peut contribuer à apaiser de tels débats. C’est là, peut-on considérer, une de ses fonctions importantes, quoique implicite, dans une démocratie moderne, qui est aussi une société désemparée. Encore faut-il, ce faisant, qu’il ne cède pas à la tentation de relayer les vues des secteurs les plus mobilisés de l’opinion en embrassant de vastes problématiques sociétales débordant son champ de compétence. En l’espèce, un collectif d’avocats a présenté au Conseil une longue argumentation, forte de 54 000 signatures, dénonçant le « caractère disproportionné des atteintes causées aux libertés individuelles par le projet de loi ». Ce mémoire n’était évidemment pas une saisine au sens de l’article 61 de la Constitution. Mais il se voulait, aux dires de ses protagonistes, un « moyen de pression » sur le Conseil. En dehors même de ce mémoire, le Conseil ne pouvait pas ne pas entendre la voix des 200.000 manifestants ayant défilé le week-end du 1er août dans toute la France. L’essentiel est que cette écoute n’altérât pas son équanimité.
Encore faut-il aussi que, dans son rôle de médiateur des conflits politico-sociétaux, le juge constitutionnel ne sollicite pas à l’excès les textes et principes dont il fait application et, de façon générale, qu’il manifeste la retenue nécessaire à l’égard du pouvoir législatif, émanation de la souveraineté populaire. Cette retenue est spécialement de mise lorsque, comme en l’espèce, le Conseil examine un texte de compromis pondéré, élaboré, non sans difficulté, certes, mais dans une discipline pluraliste méritoire, par une Commission mixte paritaire.
A ces divers égards, était attendue une censure partielle.
En effet, au vu de la dégradation de la situation sanitaire, le Conseil constitutionnel pouvait difficilement désavouer Président de la République, Gouvernement et Parlement en condamnant le passe sanitaire dans son principe ou dans son économie générale.
Le Conseil d’Etat n’avait-il pas, dix jours plus tôt (26 juillet 2021), refusé de suspendre le décret du 19 juillet par lequel le Premier ministre a élargi, à compter du 21 juillet, l’obligation de présenter un passe sanitaire à l’entrée des établissements de culture et de loisirs regroupant 50 personnes ou plus ?
Inversement, le rejet total des saisines aurait indisposé les défenseurs attitrés des droits fondamentaux, exaspéré l’ire des antivax et fait dire que, pour la sauvegarde des libertés, la vigilance du Conseil était à géométrie variable : aigüe en matière d’ordre public, relâchée en matière sanitaire.
Une censure partielle donc. Mais quelle en serait l’ampleur ?
Nous voici fixés par sa décision du 5 août 2021. Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel du texte déféré, tout en prononçant deux censures et en émettant trois réserves d’interprétation, qui montrent qu’il demeure sourcilleux à l’égard du potentiel liberticide des législations relatives à l’état d’urgence.
Si ne sont condamnés ni le passe sanitaire, ni l’obligation vaccinale pour certaines activités, notamment de soins (1), deux dispositions du texte sont censurées (2). La plus importante de ces censures interroge (3).
1) Les dispositions validées
a) L’obligation de présenter un passe sanitaire
Le Conseil analyse les dispositions relatives au passe sanitaire comme opérant une conciliation entre l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé (qui habilite les pouvoirs publics à prendre des mesures visant à limiter la propagation de l’épidémie de covid-19) et le respect des droits et libertés constitutionnellement garantis. Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d’aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, le droit au respect de la vie privée garanti par cet article 2, ainsi que le droit d’expression collective des idées et des opinions résultant de l’article 11 de la Déclaration.
S’agissant des obligations de présentation du passe sanitaire pour l’accès à certains établissements, cette conciliation est jugée équilibrée. Mais le Conseil ne parvient à cette conclusion que sur le fondement d’un grand luxe de considérations, dont le caractère détaillé répond sans doute moins aux impératifs du raisonnement juridique qu’au souci de convaincre les esprits rétifs :
- En l’état des connaissances scientifiques, le législateur a pu estimer que les risques de circulation du virus sont fortement réduits entre des personnes vaccinées, rétablies ou venant de réaliser un test de dépistage dont le résultat est négatif ;
- La loi a circonscrit l’application de ces mesures dans le temps (jusqu’au 15 novembre 2021, période durant laquelle le législateur a pu estimer qu’un risque sérieux de propagation de l’épidémie existait en raison de l’apparition de variants plus contagieux) et dans l’espace (lieux dans lesquels l’activité exercée présente, par sa nature, un risque particulier de diffusion du virus) ;
- La loi entoure de plusieurs garanties l’application de ces mesures. Ainsi, s’agissant des services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, l’exigence de présentation d’un « passe sanitaire » est limitée aux personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements, ainsi qu’à celles qui y sont accueillies pour des soins programmés. S’agissant des grands magasins et centres commerciaux, la loi garantit l’accès aux biens et services de première nécessité. S’agissant des déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux, le législateur a prévu des dérogations en cas d’urgence faisant obstacle à l’obtention du justificatif ;
- Les obligations imposées au public peuvent être satisfaites par la présentation aussi bien d’un justificatif de statut vaccinal, du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination ou d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination. Dès lors, ces dispositions n’instaurent, « en tout état de cause», ni obligation de soin, ni obligation de vaccination ;
- Le législateur a prévu qu’un décret déterminerait les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination (et la délivrance subséquente d’un document pouvant être présenté dans les lieux, services ou établissements où sera exigé le passe sanitaire) ;
- Le contrôle de la détention d’un des documents nécessaires pour accéder à un lieu, établissement, service ou événement ne peut être réalisé que par les forces de l’ordre ou par les exploitants de ces lieux, établissements, services ou événements ;
- La présentation de ces documents est réalisée sous une forme ne permettant pas de connaître la nature du document détenu (vaccination, test négatif, certificat de rétablissement) et ne s’accompagne d’une présentation de documents d’identité que lorsque ceux-ci sont exigés par des agents des forces de l’ordre.
L’inconvénient de telles accumulations de motifs permettant de conclure (globalement en quelque sorte) à la non contrariété d’un dispositif à la Constitution est qu’il est impossible de savoir si tel ou tel des motifs mobilisés était nécessaire à la déclaration de non-contrariété. Ainsi, faut-il voir un a contrario dans la circonstance que la loi déférée dispose que la présentation du passe sanitaire ne s’accompagne de celle de documents d’identité que lorsque ceux-ci sont exigés non par l’exploitant ou son personnel, mais par des agents des forces de l’ordre (disposition rendant d’ailleurs le contrôle vulnérable à la fraude)
b) Les obligations de contrôle imposées aux exploitants et aux professionnels et les sanctions encourues par ceux-ci en cas de méconnaissance de ces obligations
Députés et sénateurs requérants reprochaient aux dispositions relatives aux obligations de contrôle, d’une part, de méconnaître la liberté d’entreprendre (en faisant peser sur les acteurs économiques des obligations de contrôle étrangères à leur vocation et nécessitant la mobilisation de moyens humains et matériels trop lourds) et, d’autre part, de prévoir des peines disproportionnées au regard des manquements susceptibles d’être reprochés à ces professionnels.
En autorisant le Premier ministre à subordonner l’accès de certains lieux, établissements, services ou événements à la présentation d’un passe sanitaire, juge le Conseil, le législateur a poursuivi un objectif de valeur constitutionnelle : la protection de la santé. Les dispositions correspondantes sont proportionnées à cet objectif car se limitant à imposer à l’exploitant de contrôler la détention par ses clients d’un passe sanitaire, sous format papier ou numérique. La vérification de la situation de chaque client peut être mise en œuvre en un temps bref.
Le Conseil n’en émet pas moins une réserve d’interprétation : la mise en œuvre des contrôles ne saurait s’opérer qu’en se fondant sur des critères excluant toute discrimination, de quelque nature qu’elle soit, entre les personnes.
Quant au grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines (article 8 de la Déclaration de 1789), le Conseil constitutionnel juge non manifestement disproportionnées, au regard de la nature du comportement réprimé, les peines susceptibles d’être prononcées à l’encontre de l’exploitant (un an d’emprisonnement et 9 000 euros d’amende), lorsqu’un manquement, ayant fait l’objet d’une mise en demeure, est constaté à plus de trois reprises au cours d’une période de quarante-cinq jours.
c) L’obligation vaccinale des personnels soignants
La seconde saisine sénatoriale contestait non l’obligation vaccinale des personnels soignants, mais le calendrier de mise en œuvre des dispositions instituant cette obligation, faisant valoir que celles-ci porteraient une atteinte manifestement excessive à la liberté personnelle d’aller et venir, à la liberté d’entreprendre et au droit à l’emploi.
Le Conseil rejette ce grief en relevant qu’il résulte des termes mêmes de ces dispositions que les professionnels soumis à cette obligation pourront, jusqu’au 14 septembre 2021, continuer d’exercer leur activité sous réserve de présenter soit un certificat de statut vaccinal, soit un certificat de rétablissement, soit un certificat médical de contre-indication à la vaccination, ou à défaut, un justificatif de l’administration des doses de vaccin requises par voie réglementaire ou un résultat de test de dépistage virologique négatif. Cette entrée en vigueur progressive d’une obligation poursuivant un objectif de santé publique opère une conciliation équilibrée des exigences constitutionnelles en cause.
2) Les censures
Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions organisant la rupture de certains contrats de travail (a), ainsi que celles prévoyant le placement des personnes infectées à l’isolement (b).
a) La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée pour non présentation répétée du passe sanitaire
Il résulte des travaux préparatoires que le législateur a entendu exclure que la méconnaissance de l’obligation de présentation des justificatifs, certificats et résultats prévus par la loi puisse constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement d’un salarié en contrat à durée indéterminée. Cette intention du législateur, telle qu’exprimée dans les débats, a force de loi, juge implicitement le Conseil constitutionnel.
Or, relève celui-ci, les travailleurs en contrat à durée indéterminée et ceux en contrat à durée déterminée ou de mission ne sont pas dans des situations différentes au regard du risque de contamination. Dès lors, en prévoyant que le défaut de présentation d’un passe sanitaire constitue une cause de rupture anticipée des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail qui est sans lien avec l’objectif poursuivi.
Cette rupture d’égalité entraîne la censure des dispositions qui en sont porteuses.
En revanche, le Conseil valide les dispositions relatives à la suspension du contrat de travail, avec interruption du versement de la rémunération, lorsqu’un salarié ou un agent public, qui y est tenu, ne présente pas de « passe sanitaire » et qu’il ne choisit pas d’utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés. Le Conseil relève à cet égard que ces dispositions tendent à limiter la propagation de l’épidémie de covid-19 dans le cadre professionnel et poursuivent ainsi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. Il note en outre que l’obligation ne concerne que les salariés et agents publics intervenant dans les lieux, établissements, services ou événements dont l’accès est soumis à cette obligation. Il constate enfin que, lorsque la suspension se prolonge au-delà d’une durée équivalente à trois jours travaillés, l’employeur doit convoquer le salarié ou l’agent public à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, sur un autre poste non soumis à cette obligation. Là encore, le Conseil valide le dispositif par accumulation de motifs, sans qu’on sache, par exemple, si, à défaut de possibilité de reclassement dans l’entreprise du salarié persistant à ne pas présenter de passe sanitaire, la suspension eût été inconstitutionnelle.
b) Les obligations d’isolement
La loi créait une mesure de placement en isolement applicable de plein droit aux personnes faisant l’objet d’un test de dépistage positif à la covid-19. Elle prévoyait que, jusqu’au 15 novembre 2021 et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19, toute personne faisant l’objet d’un test positif avait l’obligation de se placer à l’isolement pour une durée non renouvelable de dix jours. Dans ce cadre, il était fait interdiction à la personne de sortir de son lieu d’hébergement, sous peine de sanction pénale. L’obligation d’isolement était levée entre 10 heures et 12 heures. Elle l’était à toute heure en cas d’urgence et pour des déplacements strictement indispensables.
En adoptant ces dispositions, considère le Conseil, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. Toutefois, les dispositions contestées imposent l’isolement dès la communication des informations relatives au test positif sans qu’aucune appréciation ne soit portée sur la situation personnelle de l’intéressé. Dès lors, les dispositions contestées ne garantissent pas que la mesure privative de liberté qu’elles instituent soit nécessaire, adaptée et proportionnée.
c) Cette dernière censure interroge
D’une part, l’assimilation d’un isolement sanitaire de dix jours à une mesure privative de liberté (au sens de l’article 66 de la Constitution), quoique entérinée par la jurisprudence (n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, paragraphes 25 à 47), ne devrait pas être poussée trop loin.
D’autre part, compte tenu des précautions ici prises par le législateur (possibilités de sortie en cours de journée, aménagement possible des conditions de l’isolement par le représentant de l’État, recours possible auprès du juge des libertés et de la détention), du fait qu’un test positif de dépistage est toujours une indication d’isolement et enfin des obstacles pratiques s’opposant, surtout en cas de vague pandémique, à l’intervention d’une appréciation préalable de l’autorité administrative ou judiciaire au cas par cas, comment regarder comme disproportionnée la disposition censurée ?
La décision commentée est à cet égard plus sévère que le précédent du 11 mai 2020 qui, s’agissant des mesures de quarantaine et d’isolement de la loi du 11 mai 2020 prolongeant l’état d’urgence sanitaire, n’exigeait pas qu’elles soient précédées d’une appréciation préalable circonstanciée portée par une autorité administrative ou judiciaire.
Notre impression est que cette censure aux effets non négligeables, car compromettant la faisabilité d’un isolement effectif, exploite toute la souplesse du contrôle de proportionnalité pour aboutir à une décision optiquement « équilibrée ».
Le contrôle de proportionnalité, désormais pratiqué par toutes les cours suprêmes en matière de droits et libertés, borne considérablement et imprévisiblement l’action régalienne. Le Conseil constitutionnel vérifie désormais (à l’instar de la Cour européenne des droits de l’homme) que les limitations apportées aux droits et libertés au nom de l’ordre public sont « nécessaires, adaptées et proportionnées » à l’objectif poursuivi.
Ce « triple test » conduit le juge à exercer un contrôle toujours plus poussé et plus subjectif de la norme, équivalent à un contrôle d’opportunité. Aucune disposition visant à sauvegarder l’ordre public n’est assurée d’en sortir indemne.
L’intensité du contrôle de proportionnalité conduit le Conseil constitutionnel à censurer comme « non proportionnées » des dispositions dont il aurait jugé auparavant qu’elles procédaient d’une conciliation « non manifestement déséquilibrée » entre libertés et ordre public. C’est ainsi que le Conseil a admis, il y a une quinzaine d’années, au nom de l’intérêt général s’attachant à la sécurité routière, que le propriétaire d’un véhicule puisse, dans certaines conditions, être condamné sur la base d’une présomption (le « flashage » de sa plaque d’immatriculation en situation d’excès de vitesse). Toujours il y a une quinzaine d’années, le Conseil constitutionnel a admis la pénalisation de l’outrage aux emblèmes nationaux, même en l’absence d’atteinte aux personnes et aux biens. Dans la jurisprudence du Conseil, jusqu’à il y a encore une dizaine d’années, des motifs d’ordre public justifiaient assez largement, dès lors que le juge compétent en contrôlait la justification dans les circonstances de l’espèce, des mesures affectant la liberté personnelle dans les domaines de la lutte contre la criminalité, contre les calamités naturelles ou contre l’irrégularité du séjour.
Le ferait-il encore ? C’est douteux, car, aujourd’hui, c’est un étroit contrôle de proportionnalité qui s’applique en matière d’ordre public, contrôle dans lequel le juge substitue son appréciation à celle du législateur, avec l’approbation d’une doctrine acquise à l’accroissement indéfini des droits fondamentaux.
Jean-Eric Schoettl
Ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel