Le physicien français Alain Aspect vient de se voir décerner, avec John F. Clauser et Anton Zeilinger, le prix Nobel de physique pour ses travaux sur l’intrication quantique. À cette occasion, la Revue Politique et Parlementaire a interviewé Catherine Bréchignac, ancienne présidente du CNRS et membre de l’Académie des sciences.
Revue Politique et Parlementaire – Pouvez-vous décrire pour nos lecteurs la nature des travaux qui ont valu à Alain Aspect le prix Nobel de physique 2022 ?
Catherine Bréchignac – Les travaux d’Alain Aspect sont relatifs au monde des objets quantiques, comme les photons ou les électrons, dont la présence en un point est une probabilité qui se propage comme une onde. Ils peuvent alors passer simultanément par deux fentes. Alain Aspect a montré dès 1982 que deux photons peuvent se comporter comme un système quantique unique, même s’ils sont à distance. Partageant la même information, celle-ci peut être en deux lieux en même temps, détruite en un lieu, elle est instantanément détruite en l’autre.
RPP – En quoi cette récompense est importante pour la recherche française ?
Catherine Bréchignac – Cette récompense démontre que la recherche française dans le domaine de la physique fondamentale est d’un excellent niveau, et qu’il est indispensable, si nous voulons être innovants dans ses applications, de continuer à progresser sur les fondamentaux. On ne construit pas sur le sable.
RPP – Quels sont les paramètres qui expliquent l’excellence de la recherche française ?
Catherine Bréchignac – Le temps est indispensable pour comprendre. Bell avait énoncé en 1964 les relations que doivent respecter les mesures sur des états intriqués dans l’hypothèse d’une théorie déterministe locale. Vingt ans plus tard, Alain Aspect a montré, grâce à son expérience sur ce qu’on appelle la violation des « inégalités de Bell », que cette intrication entre les photons pouvait être à distance. 40 ans plus tard on en comprend la portée. Grâce à ses institutions la France laisse parfois à ses chercheurs le temps de penser.
Catherine Bréchignac
Ancienne présidente du CNRS
Membre de l’Académie des sciences
Propos recueillis par Arnaud Benedetti