Depuis le 16 mars 2020 les établissements scolaires sont fermés. Enseignants, parents et élèves ont dû s’adapter. Témoignage d’Agnès Bizet, enseignante.
C’est l’histoire d’un établissement scolaire du 12e arrondissement. Une de ces écoles où il fait bon vivre. Par Agnès Bizet, enseignante.
Lovée derrière de hauts murs, on y entre par un chemin bordé de vignes, de fleurs et d’arbustes. On s’y sent à l’abri…
Mais un jour, le virus a frappé aux portes de la ville.
On le sentait arriver ce confinement dans l’équipe enseignante.
En classe, chaque toux devenait suspecte, mais il fallait rester de marbre, ne pas apporter de stress supplémentaire aux élèves.
Les élèves, ils en parlaient de ce truc, de ce « microbe », et en bonnes enseignantes, dans chaque classe, nous nous évertuions à expliquer sans dramatiser : qu’est ce qu’un virus, quels sont les gestes essentiels.
Très vite, les gels hydroalcooliques devinrent les compagnons de récréation. Les jours passaient, l’épidémie flambait. Les écoles étaient fermées dans l’Oise.
Edouard Philippe annonça le confinement un jeudi soir, la fermeture de tous les établissements scolaires du pays à compter du lundi suivant.
L’équipe enseignante de l’établissement, bien que s’attendant à cette annonce, fut sous le choc, et paradoxalement soulagée.
Il faudrait assurer une continuité des cours par correspondance, et garder un lien avec les familles et les enfants.
Devant le peu de directives précises quant à la mise en place de ces cours, chaque professeur s’organisa en fonction de ses compétences techniques/informatiques, et de ses affinités.
L’enseignante est une espèce qui s’adapte.
L’école ouvre pour accueillir une dizaine d’enfants de personnel soignant. La directrice assure chaque jour la permanence, accompagnée de maîtresses volontaires.
Après deux semaines de confinement, on peut affirmer que l’échange avec les familles est rodé. Les échanges se font par les sites pédagogiques, ou par mail, skype… Tous les moyens sont bons.
Zoomons sur la classe de CE2, qui accueille 22 élèves, encadrée par deux enseignantes. Elles ont élaboré une stratégie artisanale, création d’une boite mail destinée à l’échange pédagogique, les plans de travail de la semaine, les corrections, explications. Et instauré un groupe WhatsApp avec tous les parents de la classe : une réussite.
Le lien se renforce jour après jour.
Le groupe WhatsApp se voulant pédagogique et didactique, s’est transformé en plate forme d’échanges sympathiques et optimistes : photos, vidéos, traits d’humour… Les parents et les enfants assurent un suivi sérieux du travail proposé et partagent leurs créations, leurs questions.
Wael nous offre un cours de gym dynamique, Oscar propose une chorégraphie avec sa maman et un clip vidéo tourné avec son papa, Noam envoie des petits mots d’encouragements et se plonge dans les multiplications, Leila partage des vidéo humoristiques et des sourires, Gabrielle travaille calmement photo à l’appui, Ambre joue du piano, Ethel nous fait des farces, Ella et Inès dessinent à la manière de Picasso, Enzo s’applique et se concentre, Joanna construit des puzzles.. Les enfants semblent avoir trouvé un rythme de croisière, les parents sont complices et jouent le jeu…. Les maîtresses virtuelles restent attentives.
Toutes les classes ont imaginé un système, ont inventé un nouveau mode d’enseignement.
Gageons que cette drôle de situation encouragera une école plus créative et chaleureuse, qu’elle renforcera les échanges entre les familles.
L’inattendu virus ouvrirait-il la voie à des revirements, des prises de consciences, des remises en question ?
Agnès Bizet
Enseignante