Entre les deux, le ministère des Affaires étrangères qui exige officiellement pour l’une la protection consulaire après qu’elle ait été interpellée par les autorités israéliennes, suite à une opération d’agit-prop qui lui vaut une expulsion sans risque, et qui n’ose par ailleurs depuis six mois demander de vive voix ce même droit refusé scandaleusement par le pouvoir d’Alger. Le « en même temps » ici se transforme en « deux poids deux mesures » d’autant plus scandaleux que l’un est un véritable otage quand l’autre est un artifice dont l’objectif est de se faire passer pour ce qu’elle n’est pas : une martyre.
Que Madame Hassan développe et décline sa stratégie provocatrice voilà qui ne peut surprendre après tout : elle est dans son sillon, dans son rôle, dans son objectif. Que l’exécutif français demande son rapatriement voilà non plus qui ne peut être considéré comme illégitime : elle est ressortissante française, députée européenne, quand bien même est-elle dans le fond une ennemie à peine dissimulée du pays qui est le sien. Mais que, depuis le 16 novembre, ce même exécutif ne soit pas en capacité de porter haut et fort la même nécessité pour Boualem Sansal, ou ne le fasse qu’au prix d’un imperceptible chuchotement, n’est-ce pas là le signe d’un affaissement de l’idée que l’on se fait de la France, et qui plus est de l’idée qu’un responsable de premier plan, voire le premier d’entre eux, le Président de la République, se fait de l’exercice de sa fonction au service de la Nation ?
Il y a depuis le début de la séquestration de Boualem Sansal quelque chose qui dans le comportement de l’Etat ne va décidément pas. Tout se passe comme si un magma de gêne, de retenue excessive, de pusillanimité, et pour tout dire de lâche accommodement guidait la conduite de nos gouvernants qui condamnent in fine du bout des lèvres un acte de piraterie politique à l’encontre d’un intellectuel dont la vocation consiste à créer et à s’exprimer librement. A l’épreuve du pire on reconnait ou non les caractères. Force est de constater que les oligarques algériens impressionnent manifestement les dirigeants français d’une telle manière que ces derniers paraissent tétanisés au point de pas oser faire valoir l’essentiel, le fondamental, le vital. Jusqu’à quand ? Le double standard que révèle le contraste Hassan/Sansal est non seulement préoccupant, mais il est à plus d’un titre consternant. L’atmosphère de soumission qu’il suscite n’est pas digne d’une grande démocratie ; elle signe la fragilité et la faiblesse d’une France qui mérite mieux que ces atermoiements, ces faux-semblants, et tout compte fait cette sorte de résignation munichoise. Encore les hommes des années 30 avaient-ils l’excuse d’avoir été confrontés au pire, la boue, la souffrance, le sang de la guerre, quand ceux d’aujourd’hui indexent leur faiblesse sur l’intériorisation d’une culpabilité qui n’a pas lieu d’être…
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à Sorbonne-Université