La France confite est soumise depuis plus de deux semaines à une communication dont le caractère “propagandiste” s’affiche tous les jours avec un peu plus de force.
Massive, répétitive, dénégatrice, la parole de l’exécutif envahit l’espace public de telle sorte qu’elle vise à assourdir et à contester toute autre parole qui pourrait remettre en question l’ordre communicant que le pouvoir souhaite étendre à toute la société.
En tout juste une semaine, nous avons assisté à deux adresses présidentielles (Mulhouse et Angers), deux interventions du Premier ministre (samedi et jeudi ), sans compter le point d’information quotidien du Directeur général de la santé qui n’est pas sans poser de nombreux problèmes quant aux contenus qu’il peut ou non délivrer. On objectera avec raison qu’il est légitime en ces temps singuliers que le pouvoir s’exprime pour informer et rendre des comptes aux Français. Encore faudrait-il que ce soit là son intention…
On doutera donc de la sincérité exhaustive de ces exercices, tant ils traduisent l’auto-justification et le non-dit.
La première est la basse permanente du discours de l’exécutif. Qu’il s’agisse du Président ou du Premier ministre, l’un et l’autre refusent, mots à l’appui, de reconnaître une quelconque responsabilité d’Etat dans le défaut de réactivité, avéré pourtant, et la pénurie de moyens, criante tout autant. Arguant des difficultés similaires de nos voisins européens, constatant mezzo voce que le ” jour d’après” devra remédier à des inconséquences dont ils ne sont pas, force est de le constater, exclusivement comptables, ils balayent d’un revers de main les alertes sur le déficit en masques observé par nombre de professionnels dès février, l’absence incompréhensible de tests, la tension à prévoir sur l’offre de soins annoncée par les soignants depuis des semaines.
Ils ne peuvent pour autant échapper, nonobstant une com’ de propagande, à la mémoire des messages “rassurants” de Mme Buzyn en janvier, des propos de leur porte-parole sur l’inutilité des masques, des atermoiements relatifs à l’usage de la chloroquine, etc…
La restauration de la crédibilité de l’Etat est pourtant indissociable de sa capacité à dire la vérité et de reconnaître, si besoin, ses manquements.
Il s’agit même d’un principe de la com’ de crise. Les non-dits prolongent cette impression falsifiante qui s’installe au fur et à mesure de la durée du confinement. L’absence de chiffres consolidés sur la mortalité ne peut qu’entretenir ainsi le doute quant à la sincérité des informations communiquées par les pouvoirs publics.
Alors que les libertés publiques sont mises à mal par la crise, que la verbalisation des contrevenants laissent parfois apparaître des contrôles dérogatoires au contenu même des décrets régissant la restriction de circulation comme le constatent sur le terrain judiciaire un certain nombre d’avocats et que les mesures annoncées pour soutenir une économie fragilisée sont assorties de conditions dont on peut craindre qu’elles soient très restrictives au regard des annonces politiques, le climat qui s’installe, sous couvert d’urgence sanitaire, bascule dans une étrange léthargie “a-démocratique” auquel s’ajoute le risque d’un crash économique des plus préoccupants. La tonalité du moment exige de restaurer un État fort sur ses moyens, modeste dans sa parole publique, exigeant dans le respect du droit, et respectueux des contre-pouvoirs.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef