L’accord des gauches aux législatives n’est pas forcément historique ; seule l’issue du scrutin le dira mais à tout le moins constitue-t-il un tournant tactique dont la visée est de réaliser la prophétie de Jean-Luc Mélenchon : imposer une cohabitation au Président réélu, entamer par le jeu des urnes cette « déprésidentialisation » du régime que le leader de la France insoumise appelle de ses vœux. Force est de constater que le troisième homme de la présidentielle est parvenu à imposer son agenda, sa thématique, et le rapport de forces saillant de la consultation à venir.
A gauche, le premier étage de la fusée a atteint son objectif : une unité qui tient lieu certes plus du cartel que de l’union mais dont l’avantage est d’offrir pour la première fois depuis très longtemps un front commun. Le second étage, celui du programme ou de la plateforme de gouvernement est le fruit de nombreux non-dits, même s’il penche incontestablement vers une radicalité qui laisse orpheline une partie des sociaux-démocrates, une autre partie s’étant raccrochée depuis 2017 au continent central que conduit Emmanuel Macron. Le troisième étage, celui qui doit désormais pousser le plus haut, pour atteindre l’orbite désignée par les insoumis, est désormais allumé : c’est celui de la bataille électorale qui se jouera circonscription par circonscription, tranchée locale par tranchée locale. Tout va se jouer là, ici et maintenant, mais d’ores et déjà Jean-Luc Mélenchon peut exciper le trophée d’avoir remis une gauche en ordre de marche et à nouveau dans le jeu, quand bien même à priori à ce stade la faveur des pronostics reste du coté de la majorité sortante.
Afin de déjouer la menace sur sa gauche, Emmanuel Macron ne manquera pas de recourir à la technique qui lui a si bien réussi lors du second tour du scrutin présidentiel : la diabolisation de l’adversaire, mais avec cette limite que cette fois-ci le diabolisé d’aujourd’hui n’est autre que l’allié contre le diabolisé d’hier… L’exercice sera d’autant plus délicat que le président reconduit n’a pas hésité à envoyer des signaux durant l’entre-deux tours à l’électorat de Jean-Luc Mélenchon : sur les retraites, sur l’écologie, y compris sur le port du voile. D’où la boite noire que constitue cette élection dont l’issue n’est pas assurée tant la géométrie qu’elle dessine est inédite avec un pôle central et centriste, un pôle de gauche reconstitué, un Rassemblement national discret mais actif…
Le défi mélenchoniste de l’unité réussi, celui de la communication confirmée autour de la ligne de vente d’une offre cohabitante, reste à savoir si celui de la dynamique sera au rendez-vous. En 1997, l’improbable avait permis de placer en tête, contre toute attente, dès le premier tour, une majorité de candidats de gauche : ce résultat avait donné l’élan nécessaire à la victoire de la gauche plurielle. C’est le pari que fait le leader insoumis. On aurait tort de ne pas le prendre au sérieux. Jusqu’à présent le plan de vol qu’il s’est fixé est nominal. Une raison supplémentaire de ne pas écarter d’un revers de main une éventualité certes difficile mais pas forcément improbable.
Arnaud Benedetti Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne
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