Ce qui se passe en Italie devrait être regardé de prés. La démission du chef du gouvernement Mario Draghi fait entrer la péninsule dans un espace d’incertitudes mais elle est tout autant révélatrice que potentiellement annonciatrice : révélatrice de ce qui se joue dans nombre de pays européens sur fond de guerre en Ukraine, d’inflation et de crise énergétique ; potentiellement annonciatrice de ce qui pourrait surgir à brève échéance dans d’autres démocraties du vieux continent, à commencer par la France.
L’Italie est au demeurant un étonnant sismographe qui relève souvent les mouvements souterrains des géologies politiques futures : après tout Berlusconi précéda Trump, Matteo Renzi y fut un éphémère Emmanuel Macron avant l’heure, les populismes de gauche, de droite et d’ailleurs s’y engouffrèrent dans la pénétrante du pouvoir…
Le Président Matarella, en annonçant la convocation pour l’Automne de nouvelles élections, se voit contraint d’ouvrir une boîte de Pandore dont il ne maitrise, bien évidemment, nullement les effets.
Au vu des sondages, la coalition de droite réunissant le parti de Monsieur Berlusconi Forza Italia, celui de Monsieur Salvini la Lega et la formation de droite nationale de Madame Meloni pourrait l’emporter en septembre prochain, avec un avantage certain pour cette dernière placée en tête à ce stade par la plupart des projections électorales. Ce serait là, à coup sûr, non seulement un coup de tonnerre dans les cieux de l’Union européenne mais également l’amorce d’un tournant : cela signifierait qu’une ligne clairement euro-critique pourrait s’installer à Rome au moment même où les Erynies, ces déesses grecques de la malédiction et de la vengeance, du conflit ukrainien allongent leurs ombres de manière inquiétante sur la vie sociale et économique du vieux continent.
Sans préjuger excessivement de ce que signifierait pour la France mais aussi pour l’ensemble des Etats-membres de l’UE une semblable hypothèse, force est de constater que cette dernière néanmoins ne serait pas sans conséquence pour Paris et nombre d’autres capitales européennes.
Tous les chemins ne mènent pas forcément à Rome mais l’histoire contemporaine nous apprend que certains d’entre eux peuvent y trouver leur ligne de départ…
Arnaud Benedetti Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne