C’est une rentrée parlementaire sous tensions qui s’opère alors que la situation économique et sociale laisse entrevoir des perspectives préoccupantes qui prennent à revers les projections optimistes du début 2022.

C’est dans ce contexte où une géopolitique également lourde et inquiétante s’invite que les députés et sénateurs reprennent leurs travaux. L’agenda s’avère chargé sur fond d’incertitudes tant la majorité à l’Assemblée nationale ne tient qu’à un fil, celui de la bonne volonté ou du choix tactique des groupes d’opposition à ne pas renverser la table gouvernementale. Là où la mathématique offre cette possibilité, le jeu politique à ce stade retient telle une digue fragile la tentation de la censure. Toute la question est de savoir jusqu’à quand, alors que le climat civique ne cesse de se dégrader dans une atmosphère de douloureuse apathie.
Dans le moment, le gouvernement de Madame Borne pourra toujours compter principalement sur la ” drôle d’opposition ” des Républicains qui ne paraissent pas en mesure et en volonté d’aller jusqu’au bout de leur rôle d’opposants, préférant se responsabiliser sans doute au risque, à terme, de ne plus se différencier aux yeux d’une grande partie de leurs électeurs. Le calendrier parlementaire offre évidemment des opportunités à s’opposer pour les uns et pour les autres : le projet de loi de finances ne peut en l’état satisfaire ni Les Républicains qui y voient une preuve supplémentaire du laxisme budgétaire d’Emmanuel Macron, pas plus le RN que la NUPES qui par principe ne peuvent que s’opposer au PLF.
Hors 49-3 on ne voit guère comment le gouvernement pourrait faire adopter le budget ainsi que le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mais c’est sans doute bien plus tard à l’hiver 2023 que se lèveront les vents les plus potentiellement dangereux et renversants avec la réforme sur les retraites et le texte sur l’immigration entre autres. D’autant plus qu’entre temps le risque de troubles sociaux n’est pas à exclure au regard d’un contexte inflationniste qui pénalise bien au-delà des ménages les plus modestes. Le pire pour l’exécutif dans ce contexte n’est pas tant au demeurant un front syndical qu’un retour des Gilets jaunes ou d’un mouvement jumeau en quelque sorte dans la mesure où les ingrédients déclencheurs de la révolte de 2018 paraissent encore plus à vif qu’il y quatre ans. L’adresse cette semaine d’Emmanuel Macron aux Français pour se saisir du Conseil national de la refondation est tout à la fois une manière de jouer la partition du « grand débat » comme pour conjurer le risque d’une crise et la manifestation troublante d’une inquiétude qui ne peut se dissimuler.
Il est vrai qu’un hémicycle sans réelle majorité laisse le pouvoir à découvert si d’aventure la rue en venait à porter sa colère en dehors de tout corps intermédiaire.
Une répétition de 2018 à l’aune de 2022 condenserait toutes les crises qui convulsent le pays : la crise sociale, la crise morale et la crise politique. Le scénario du pire qui certes n’est jamais sur, mais dont on peut raisonnablement imaginer qu’il n’est pas absent des préoccupations opérant au plus haut sommet de l’Etat.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne