C’est le propre des séquences électorales que de susciter des réorganisations et des changements. En quelques semaines, RN, LFI, LR, écologistes se sont dotés ainsi de nouveaux dirigeants : toutes ces formations, à l’exception d’une seule, La France insoumise, ont fait le choix de procéder par une élection interne.
D’aucuns, non sans raison, n’ont pas manqué de relever le mode de désignation pour le moins peu démocratique du « coordinateur » – c’est le terme utilisé par les melenchonistes eux-mêmes, toujours en quête d’innovation sémantique dont le but consiste à insister sur le caractère supposé collégial de leur fonctionnement – de LFI. Il ne faut pas s’y tromper : la démocratie a quelque chose de facultatif dans la culture de l’extrême gauche, elle a sans doute tout d’une prévalence « petite-bourgeoise » aux yeux des Insoumis qui, en héritiers à peine dissimulés du trotskisme, n’y voient là qu’une contingence inadaptée, voire un obstacle à leur visée révolutionnaire.
Cette radicalité marginalise la gauche toujours plus mais impose néanmoins l’idée qu’il existerait une force authentiquement de gauche qui a renversé les rapports de forces qui jusqu’à présent dominaient à bâbord.
La sociale-démocratie est en panne, encalminée entre un PS moribond et une aile gauche macroniste qui a cédé au vertige d’un techno-libéralisme, bien plus technocratique au demeurant que réellement libéral. Dans cette béance prospère un gauchisme protéiforme qui peut, c’est selon, être porté médiatiquement selon les circonstances par Madame Rousseau, égérie intersectionnelle dont les coups de butoir ne cessent d’ébranler l’édifice de son propre parti, ou par les diverses figures de l’insoumission auxquelles non sans talent Monsieur Mélenchon a donné l’opportunité d’entrer en scène.
La gauche vit une triple crise existentielle quant à son identité, à son utilité, à son efficacité : elle a oublié depuis des années deux facteurs constitutifs de son histoire, à savoir la Nation et le peuple, prenant un tournant la soulevant dans une sorte d’apesanteur a-nationale et sans autre sociologie que celle d’une néo-petite-bourgeoisie hyper-urbaine ; elle se réduit pour la partie la plus efficiente électoralement et la plus visible médiatiquement à un étiage conceptuel d’où ressort avec lancinance une obsession névrotique pour des thèses déconstructionnistes qui la métabolisent au point de lui faire perdre sa boussole universaliste ; elle se réfugie dans un vote de niche, hyper-typé, sans capacité de rassemblement large, qui profite inévitablement à ses franges les plus maximalistes et cornérise tous les jours un peu plus cette gauche de gouvernement que François Mitterrand avait mis des années à bâtir.
Cette régression gauchiste est un infantilisme.
Le mélenchonisme a fondé son succès sur cette déréliction, transformant de l’intérieur la génétique d’une gauche qui en mutant n’est plus de facto, sans le savoir, qu’un surgeon d’une post-modernité matinée d’ultra-libéralisme sociétale et de mondialisme dérégulé. Il va de soi que cette gauche-là est plus un syndrome qu’une solution, et dans l’histoire de la République ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle : pas plus pour ceux qui aspirent de ce côté-là du champ partisan à retrouver une offre crédible que pour une démocratie qui a besoin de courants politiques qui sur tout l’échiquier polit s’affrontent au réel plutôt que de le nier ou de le subvertir.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Boris Mirkine-Guetzévitch, dans un article paru dans le numéro 500-502, de juillet-septembre 1936, alerte les élites sur la représentation parlementaire...
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